L’ARC consulté par le Parlement sur la proposition de loi concernant la future tarification de l’électricité et du gaz

11/10/2012
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L’ARC a été invité par la Commission des lois du Sénat à venir s’exprimer sur la proposition de loi concernant la tarification progressive du gaz et de électricité.
 
Rappelons rapidement en quoi consiste cette proposition de loi.
 
  1. Seront fixés des consommations « moyennes » de référence par logement et familles (pavillons et logements avec chauffage individuel) ou immeuble (en cas de chauffage collectif).
  2. Une tarification progressive sera appliquée : les premiers kWh seront moins chers, les derniers seront plus chers, tout cela pour inciter à consommer modérément.
  3. Si la famille ou le syndicat des copropriétaires est en dessous de la consommation de référence, un BONUS sera appliqué ; dans la cas contraire (au dessus) un MALUS sera appliqué.
 
Nous sommes comme tout les gens responsables :
  • nous sommes favorables à tout ce qui peut inciter de nombreuses personnes à réduire leurs consommations excessives ;
  • nous sommes néanmoins très surpris par le détail de la proposition et avouons même être très intrigués par les aspects qui concernent les copropriétés avec chauffage collectif.
 
Nous avons donc rédigé un mémoire pour préciser ce qui - selon nous - ne va pas.
 
Parallèlement nous avons écrit au Député François BROTTES, auteur de la proposition de loi, afin d’échanger avec lui sur la complexité d’application du dispositif, voire - sur certains points - sur  son impossibilité d’application, voire même sur l’inopportunité de certaines dispositions.
 
Voici plus précisément les réserves que nous formulons en ce qui concerne les copropriétés avec chauffage collectif et que nous avons adressées aux députés et sénateurs :
 
« I. Copropriété avec chauffage collectif
                        
Le projet de loi dispose :
 
« Art. L. 230-3. – Il est attribué en outre, pour les immeubles collectifs à usage résidentiel pourvus d’un chauffage commun, au titulaire du contrat de fourniture d’énergie servant à son alimentation, des volumes de base au titre du chauffage ».
 
[A noter : l’idée du législateur est  celle-ci : la loi va d’abord permettre de fixer par immeuble une consommation théorique raisonnable pour le chauffage. En fin de saison, on comparera la consommation réelle et la consommation de référence et on appliquera :
  • un bonus pour ceux qui seront au-dessous ;
  • un malus pour ceux qui seront au-dessus.
Or cela sera...impossible à appliquer.
  • Il faut, en effet, savoir que dans 50 % des cas au moins, la chaudière fonctionne pour le chauffage ET l’eau chaude sanitaire simultanément.
Donc, dans ce cas, la facture concernera les DEUX usages, alors que les volumes attribués ne concerneront QUE le chauffage.
 
Dans ces conditions se pose une question :
  • comment et qui ventilera la consommation finale en :
    • chauffage ;
    • et eau chaude sanitaire 
  • le titulaire du contrat lui-même ? le fournisseur ? et sur quelles bases ?
Ces questions sont importantes, car la part « eau chaude » peut aller de 15 % de la consommation globale à 30 % voire plus encore !
 
On répondra qu’il « suffira » d’appliquer un pourcentage constant de la facture globale à l’eau chaude sanitaire, réponse non recevable, selon nous, car la situation est très différente d’une copropriété à l’autre :
 
  • la part « eau chaude sanitaire » dépend du niveau de consommation : il faudrait donc disposer du nombre de mètres cubes consommés pendant un an sur l’immeuble sur la même période que le chauffage (ce qui est très difficile à établir et surtout difficile à contrôler) ;
  • la part « eau chaude sanitaire » dépend aussi de l’installation et de la configuration des lieux : longueur des canalisations, calorifugeage, bouclage, etc.) ;
  • enfin cette part dépend aussi de l’isolation de l’immeuble.
On pourra aussi répondre qu’il « suffira » d’installer un compteur calorifique concernant l’eau chaude, ce qui induira des coûts et nécessitera un vote d’assemblée générale. On voit mal, cependant, l’instauration d’une obligation d’installation de compteurs calorifiques concernant l’eau chaude, ceci pour permettre la tarification progressive.
 
  • De toute façon, comme on l’a dit, le système pourra-t-il admettre que ce soit le titulaire du contrat qui indique quelle est la part de l’énergie de la facture globale qui concerne le seul chauffage ? Et si non, encore une fois, QUI le fera ? Certainement pas le fournisseur d’énergie.
  • Autre cas de figure encore plus compliqué : les immeubles où il y a un système de chauffage électrique avec une base collective plus un appoint individuel, système qui a été mis en place à grande échelle par EDF à un certain moment (bi-jonction).
 
On imagine la complexité, d’autant plus que la configuration est en fait :
 
  • chauffage collectif de base ;
  • plus eau chaude sanitaire ;
  • plus appoint individuel pour le chauffage.
 
II. Les consommations de référence
 
Le projet dispose aussi :
 
« Ces volumes (NB : les volumes de kWh attribués à chaque immeuble) sont calculés à partir d’un volume de référence modulé en fonction de la surface chauffée en commun et de la zone climatique dans laquelle est situé l’immeuble ».
 
Il faut d’abord savoir que très peu de copropriétés connaissent précisément la surface chauffée. Là encore fera-t-on confiance au titulaire du contrat, donc au « déclaratif » ? Obligera-t-on les copropriétés à procéder à des mesurages systématiques et coûteux ?
 
Il est ensuite curieux que la consommation de référence ne soit pas calculée à partir de la réalité de l’immeuble. Il s’agira donc de « moyennes » régionales.
 
Dès lors, seuls les immeubles vraiment mauvais seront pénalisés ; les immeubles  simplement « médiocres » ne seront pas pénalisés ; par contre des immeubles au-dessus de la « moyenne » seront d’emblée favorisés.
 
Or les immeubles « mauvais » sont surtout les immeubles des années 1965-1977, habités par les propriétaires les plus modestes alors que les immeubles simplement « médiocres » (exemple : haussmanniens) sont souvent occupés par des couches plus aisées.
 
 
 III. Locataire/bailleur en immeuble avec chauffage collectif ; application du « malus ».
 
Le projet dispose :
« Art. L. 230-9. – Lorsque le bonus-malus acquitté par un locataire dépasse un plafond fixé par voie réglementaire et que la performance énergétique de son logement est inférieure à un seuil fixé par voie réglementaire, le locataire peut déduire du montant du loyer un montant représentatif des surcoûts liés à la mauvaise performance énergétique du logement. Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État ».
Sans parler du fait que l’on voit mal comment un décret va pouvoir fixer un « seuil » crédible pour tous les logements, se pose le problème de savoir comment sera définie et par qui, la performance énergétique des logements pour le seul chauffage en cas de chauffage collectif ; en effet :
 
  • les DPE par logement ne concernent pas tous les logements et donnent souvent, quand ils sont faits, des chiffres approximatifs pour le chauffage ;
  • les DPE collectifs ne seront tous réalisés qu’au 1er janvier 2017...
  • pour les immeubles d’avant 1948, les consommations de référence sont établies non en fonction de la performance, mais en fonction des factures ; elles correspondent donc aux consommations incluant les sur-consommations !
  • d’autre part, il y a prise en compte, très souvent, dans les calculs thermiques, non de la SHAB (surface habitable) mais de la SHON (Surface Hors Œuvre Nette) ;
  • autre problème : en cas de répartiteurs de frais de chauffage, le bonus et le malus seront-ils calculés « à l’immeuble » ou « au logement » ? Si c’est à l’immeuble, ce serait injuste : si c’est au logement, ce serait quasi-impossible ou très complexe.
 
Tous ces problèmes ne doivent pas être minimisés, car ils peuvent soit empêcher le système d’être mis en place une fois la loi votée, soit introduire des complexités inouïes, soit encore introduire des contestations importantes ainsi que des distorsions elles aussi très importantes (dans un sens comme dans un autre) de nature à neutraliser ou, pire, décrédibiliser un dispositif dont d’autres aspects seront sans doute déjà très complexes.
 
Dernière information : nous avons été, cette semaine, auditionnés par la Commission des lois du Sénat sur votre proposition de loi et serions heureux que vous puissiez également nous auditionner à ce sujet ».