Répartiteurs de frais de chaleur : la fausse bonne solution. Lettre aux sénateurs

07/11/2014
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Répartiteurs de frais de chaleur :

la fausse bonne solution. Lettre aux sénateurs

  1. Loi de transition énergétique et répartiteurs

Nous revenons sur ce sujet à l’occasion du vote de la loi de transition énergétique qui - dans son article 7 - non seulement tombe dans le « piège » du répartiteur de frais de chauffage, mais pourrait introduire des sanctions si les copropriétés concernées ne posaient pas ces répartiteurs coûteux et globalement peu utiles, voire créateurs d’effets pervers (voir ci-dessous).
 
Les lobbies ont fonctionné à plein régime (menés par ISTA) et les députés (à qui on promet 10.000 emplois !!!)  sont tombés dans le miroir aux alouettes.
D’où une nouvelle intervention de l’ARC auprès des sénateurs qui vont bientôt avoir à se prononcer sur ce projet de loi.
  1. La lettre de l’ARC aux sénateurs

« Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
 
 Nous revenons vers vous concernant l’article 7 du projet de loi sur la transition énergétique. Dans sa forme actuelle, cet article est extrêmement dangereux, car injuste, coûteux et contreproductif par rapport aux objectifs d’économie d’énergie annoncés ; toutefois, avec une légère modification, il pourrait être rendu extrêmement efficace.
 
Rappelons que les copropriétés qui sont en chauffage collectif, et qui sont énergivores doivent s’équiper avant le 1er avril 2017 de dispositifs de comptage de chaleur pour permettre l’individualisation des frais de chauffage en fonction de la consommation de chaque logement. Les copropriétés en chauffage collectif dont la consommation est suffisamment basse en sont dispensées.
 
Or, par rapport à la situation actuelle, l’article 7 du projet de loi sur la transition énergétique va autoriser le Gouvernement à instaurer, par ordonnance, un régime de sanctions pour la non-mise en place de ces dispositifs.
 
Quel est l’argument avancé par les vendeurs de « répartiteurs » de frais de chauffage en faveur de leurs équipements ? Ils annoncent que ces équipements inciteraient, pour un prix modéré, les copropriétaires à faire des économies, car leur facture énergétique dépendra de leurs consommations.
 
Toutefois, il y a loin de ce tableau rêvé à la situation telle qu’on la constate sur le terrain :
 
  1. L’individualisation est un dispositif peu efficace. L’Agence Parisienne du Climat - particulièrement spécialisée sur ce sujet - retient les chiffres de 5 à 15 %. On est loin des 15 à 20% du Syndicat de la Mesure (5 % c’est trois fois moins que 15%).
 
  1. C’est un dispositif coûteux, avec une économie généralement de l’ordre de 70 euros pour un coût de facilement 100 euros, car il faut ajouter aux frais de relevés-location, les honoraires du syndic (nous avons ainsi dénoncé publiquement le cas d’un gros syndic parisien – le cabinet DEGUELDRE – qui, pour ses seuls honoraires supplémentaires, prélève 10 euros par an et par radiateur, soit 60 euros pour un F4 pour les seuls honoraires de syndic...).
 
  1. Les sociétés qui vendent ces répartiteurs (la société Ista notamment) privilégient la quantité et la rentabilité à court terme plutôt que la qualité à long terme, ce qui fait obstacle à l’objectif du législateur de répartir les frais de chauffage en fonction des consommations individuelles. Ces sociétés font ainsi l’objet de nombreuses plaintes récurrentes de la part des copropriétaires : équipements partiellement installés, non réparés malgré de multiples relances, attribués par erreur à un autre logement, etc. Les abus sont multiples, et facilement accessibles sur notre site internet.
 
  1. C’est un dispositif injuste et inéquitable : les locataires ou copropriétaires qui doivent chauffer leur logement en permanence sont en général les retraités, les sans-emplois, et les personnes fragiles ou malades ; ceux qui ont le moins besoin de chauffer leur logement sont les actifs ; avec ce dispositif, on accroit la précarité des plus précaires et on aide ceux qui n’en n’ont pas besoin. En corollaire, on crée des conflits dans la copropriété.
 
  1. Enfin, et surtout, l’individualisation des frais de chauffage est contreproductive. En effet, croire qu’il constitue une solution au problème de la transition énergétique en copropriété relève d’un fantasme dangereux, car il va en fait dissuader les copropriétaires de mettre en œuvre un programme de travaux ambitieux en termes d’économies d’énergie (-38%, voire encore mieux avec le BBC-rénovation), tel que le prévoit la réglementation sur l’audit énergétique, obligatoire pour 2017 lui aussi. Les projets de rénovation en copropriété prennent nécessairement 3 à 5 ans, et d’ici au 1er avril 2017, bien peu auront eu le temps de mettre en œuvre les mesures (bien plus ambitieuses) que doit identifier leur audit. De plus, en terme de « dynamique » de copropriété, on favorise une approche individualiste, là où le problème est collectif : il faut décider ensemble, lors d’une assemblée générale, du projet de rénovation pour un immeuble collectif.
 
Notre proposition, qui n’implique qu’une très légère modification de l’article 7 :
 
Imposer des sanctions dès 2017 serait contre-productif. Mieux vaut fixer une échéance plus tardive (2020 ou 2022) pour laisser aux copropriétés le temps de réaliser de vrais travaux d’économie d’énergie. Cela incitera les copropriétés à réaliser des travaux d’économies d’énergie ambitieux. Les seuls bénéficiaires de la mesure actuelle seraient les vendeurs de répartiteurs et les vendeurs d’énergie.
 
En pièces jointes, ou en suivant ces liens, vous trouverez plus de précisions sur chacun des points abordés :
 
 
Nous sommes à votre disposition pour tout échange à ce sujet.
 
 Bruno DHONT
Directeur général de l’ARC ».