ABUS 3985 La révocation du syndic : dans quels cas et quelles conséquences ?

22/05/2015 Abus Abus

ABUS 3985  La révocation du syndic :

 dans quels cas et quelles conséquences ?

 

  1. Révocation du syndic ou fin de mandat du syndic

Nous sommes très souvent sollicités par nos adhérents qui veulent « changer de syndic » en faisant référence à la terminologie de « révocation » alors qu’en réalité et après discussion, il s’agit simplement pour eux de la volonté de ne pas renouveler le mandat du syndic qui arrive à terme. Attention donc à l’amalgame !

Les termes « révocation » ou « fin de mandat de syndic » ou même « non-renouvellement du contrat » ont des portées juridiques différentes et il convient de bien faire la distinction entre non renouvellement et révocation.

Ainsi, le syndic peut choisir, pour des raisons qui lui sont propres, de ne pas renouveler son mandat à la prochaine assemblée générale : il en informe les copropriétaires au moins trois mois avant (période correspondante à son délai de préavis prévu par l’article 18 V de la loi du 10 juillet 1965) pour que notamment le conseil syndical fasse la « chasse aux contrats » et qu’il puisse inscrire la question à l’ordre du jour.

 

Concernant la révocation, il existe deux possibilités la révocation est, au sens juridique du terme, la fin prématurée du mandat en cours du syndic. Nous le verrons, la révocation suppose en principe la tenue d’une assemblée générale « extraordinaire », avec à la clef, une procédure de convocation relativement lourde ;

 

Par ailleurs, il existe désormais une nouvelle forme de révocation introduite par l’article 18-V, alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965.

 

  1. La révocation « classique » du syndic : article 25 de la loi du 10 juillet 1965

 

  1. Un droit du syndicat de copropriétaires

Tout mandataire peut être révoqué par son mandant. Tel est le principe formulé par l’article 2004 du Code civil et repris par l’article 25 de la loi de 1965 relative à la copropriété.

Le syndic peut donc être révoqué par le syndicat de copropriétaires, son mandant. Cette révocation peut intervenir à tout moment avant l'expiration du terme convenu, condition sinequanone  à la révocation (Cass. 3e civ., 27 avr. 1988 ;  CA Paris, 19e ch., sect. B, 10 oct. 1996).

Le syndic ne peut par ailleurs priver, par une clause de son contrat, le syndicat de copropriétaires de sa faculté de le révoquer alors qu’il conserverait parallèlement le droit de démissionner : la Commission des clauses abusives a jugé en son temps ce type de clause comme abusive :

Recomm. Comm. clauses abusives n° 96-01, 17 nov. 1995 : BOCC, 24 janv. 1996

 

Recomm. Comm. clauses abusives n° 11-01, 15 sept. 2011).

 

  1. …. à condition que la révocation soit justifiée 

Une ancienne jurisprudence considérait que le syndicat de copropriétaires n'était pas tenu de motiver la révocation. Cette position est aujourd'hui abandonnée.

Tout d'abord il est possible que le règlement de copropriété stipule que le syndic ne peut être révoqué que pour des motifs légitimes.

Ensuite, même en l'absence d'une telle clause, le droit de révocation est susceptible d'abus et ne peut être exercé que pour une cause légitime (Cass. 3e civ., 27 avr. 1988).

C'est au syndicat de copropriétaires de rapporter la preuve d'un motif sérieux et légitime, concrètement un manquement à ses obligations contractuelles ou légales (Cour d’Appel Paris, 19e ch., sect.B, 10 oct.1996, n° 95/6228)

Voici quelques exemples qui justifient une révocation :

 

  • engagement de travaux sans autorisation de l’assemblée générale et en contradiction avec une résolution imposant la tenue d’une assemblée générale extraordinaire : Cour d'Appel de Paris, 23e ch., sect. A, 6 nov. 1996, n° 95-11679 ;

 

  • choix d’un prestataire différent de celui retenu par le syndicat de copropriétaires par une décision d’assemblée générale ;

 

  • réalisation de travaux votés en assemblée tardivement de sorte que les subventions notifiées ne sont plus attribuées ;

 

  • 14 mandats donnés par le syndic à un de ses préposés :  Cass. 3e civ., 7 mai 2014, n° 12-26.426, n° 548 ;

 

  • non-souscription par le syndic d’assurances obligatoires

Ainsi, le syndicat ne peut se borner à dire qu'il n'a plus confiance dans le syndic ; il faudrait en outre qu'il étaye ce manque de confiance par des faits permettant au juge d'apprécier la réalité et la pertinence des griefs allégués (CA Paris, 23e ch. A, 7 juillet 1993), ce qui suppose que la décision d’assemblée générale de révoquer le contrat mentionne précisément les griefs reprochés.

  1. La révocation « indirecte » par l’élection d’un nouveau syndic : article 18 V alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965

Citons l’article 18 –V, alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 :

 

« Quand l'assemblée générale délibère pour désigner un nouveau syndic dont la prise de fonction intervient avant le terme du mandat du syndic actuel, cette décision vaut révocation de ce dernier à compter de la prise de fonction du nouveau syndic. »

 

Cette nouvelle disposition a été introduite dans la loi de 1965 par la loi ALUR du 24 mars 2014.

 

La loi ALUR prévoit que la nomination du nouveau mandataire vaut révocation de l'ancien.

 

Cette disposition permet de purger les risques de réclamation émanant du syndic dont l’assemblée générale vient de se séparer, concernant le versement de ses honoraires jusqu'à l’échéance de son mandat ; échéance qui avait été prévue lors de l’assemblée qui l’avait élu.

 

En effet, avant l’existence des nouvelles dispositions de l’article 18-V, alinéa 3 de la loi de 1965, la cour d'appel de Paris avait jugé que si, au cours d'une assemblée générale se tenant avant la fin de la durée du mandat du syndic, les copropriétaires décidaient de mettre fin, par anticipation, aux fonctions du syndic, le mandat restait valable jusqu'à son échéance initiale (CA Paris, 23e ch., sect. B, 15 juin 2006, n° 05/17971). Ils étaient donc redevables des honoraires jusqu'à cette date et le syndicat de copropriétaires devait payer deux fois des honoraires de syndic (les honoraires du syndic dont ils s’étaient séparés et les honoraires du syndic qu’ils venaient d’élire)

 

MAIS ATTENTION : Nous n’avons pas encore assez de recul sur l’application et sur la portée de cette nouvelle disposition légale.

Nous allons partir d’un exemple :

 

Imaginons qu’une assemblée générale se soit tenue le 30 juin 2014 et ait désigné son syndic, le Cabinet X, jusqu’au 30/10/2015 :

Il faut ainsi distinguer :

  • si l’assemblée suivante se tient par exemple le 30/06/2015 (donc 4 mois avant l’échéance votée du 30/10/2015) et qu’à cette occasion, un autre syndic est élu : on peut considérer, sans problème, que le mandat du cabinet X est révoqué à compter de l’assemblée 30/06/2015 ;

 

  • mais quid, si le Cabinet X élu lors de l’assemblée de 2014 avait été désigné pour une durée de 3 ans, soit jusqu’au 30/10/2017 ?

Imaginons qu’à l’occasion de l’assemblée générale annuelle du 30 juin 2015, le conseil syndical ait demandé que soit inscrite à l’ordre du jour la candidature d’un autre syndic, sans prévoir parallèlement l’inscription de la révocation du Cabinet X. Doit-on alors considérer que l’élection du nouveau syndic vaut révocation de l’ancien, au sens de l’article 18-V, alinéa 3 ? …..

  1. Les effets de la révocation

 

  1. Rupture immédiate du contrat de syndic

La révocation régulièrement prononcée met un terme immédiat aux fonctions du syndic. Postérieurement, ce dernier ne peut donc plus percevoir d'honoraires

( CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. A, 11 juin 2010, n° 08/01829 ).

 

Bien sûr, n’ayant pas la qualité de propriétaire, le syndic ne peut agir en nullité de la décision par laquelle l'assemblée générale l'a révoqué.

Les actes accomplis par le syndic après sa révocation n'engagent pas le syndicat de copropriétaires, à moins que, conformément à la théorie du mandat apparent, les tiers aient pu légitimement croire aux pouvoirs du syndic.

 

Attention : Il appartient ainsi au conseil syndical de prévenir, dès le lendemain de l’assemblée statuant sur la révocation, l’ensemble des fournisseurs de cette nouvelle situation, ceci afin d’éviter tout litige potentiel.

 

Ces solutions obligent le syndicat à statuer, dans le cadre de l’assemblée se prononçant sur la révocation, sur l’élection d’un nouveau syndic, ceci afin de ne pas être sans syndic et relève de l’administration provisoire. Cette situation suppose que les deux questions 1) de la révocation et 2) de la nomination doivent être portées à l'ordre du jour de l'assemblée.

  1. Aucun versement d’indemnité 

Le manquement du syndic à ses obligations justifie sa révocation sans indemnité (CA Paris, 19e ch., sect. B, 10 oct. 1996, n° 95/6228 ).


En cas de révocation abusive (et non pas de non-renouvellement de mandat) le syndic peut demander des dommages-intérêts.

Il doit alors démontrer l'existence d'un abus de droit des copropriétaires à son encontre (CA Paris, 23e ch., sect. B, 24 mars 2005, n° 04/13585). Dans ce cas, le syndic a droit à une indemnité, qui peut équivaloir au montant des honoraires sur la période entre la révocation et la fin de mandat prévue contractuellement en plus d’éventuels dommages et intérêts. (Cass. 3e civ., 3 avr. 2002, n° 01-00.490).

 

 

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