La loi ALUR du 24 mars 2014 a instauré une obligation pour les syndics professionnels de mettre à la disposition de l’ensemble des syndicats des copropriétaires un espace dématérialisé et sécurisé, dit extranet.
A l’époque, nombreux observateurs pensaient qu’il s’agissait d’une mesure défendue par l’ARC pour contraindre les syndics à une plus grande transparence à l’égard des copropriétaires et conseillers syndicaux sur les données et informations concernant la copropriété.
Même si nous étions favorables à cette démarche, il faut le reconnaître, nous n’étions pas le moteur de cette disposition.
A notre grande surprise, cette demande émanait des grands groupes de syndics.
La question sous jacente est de savoir pourquoi des grands groupes de syndics, qui sont plutôt opaques dans la gestion comptable et financière de leurs copropriétés mandantes, ont soudainement voulu mettre en place un extranet.
Avec du temps, la réponse s’est avérée simple et tortueuse.
En effet, il ne s’agit pas de rendre plus accessibles les documents de la copropriété mais d’augmenter la productivité du cabinet ou pire rendre captifs les syndicats de copropriétaires de leurs syndics par la dématérialisation des documents.
A travers un abus, que disons-nous, une illégalité signée cette fois-ci FONCIA, nous allons comprendre le stratagème.
I – « Disponible exclusivement »
Pour mémoire, l’article 35-2 du décret du 17 mars 1967 permet à un copropriétaire, après avoir donné son consentement express au syndic, de recevoir les appels de fonds uniquement par voie dématérialisée.
Autrement dit, par défaut, le syndic doit envoyer les appels de fonds par courrier, ne permettant ni à ce dernier ni à l’assemblée générale de pouvoir imposer aux copropriétaires la réception des appels de fonds uniquement par voie électronique.
Pour éviter toute polémique inutile, voici l’extrait intégral de l’article :
Pour l'exécution du budget prévisionnel, le syndic adresse à chaque copropriétaire, préalablement à la date d'exigibilité déterminée par la loi, un avis indiquant le montant de la provision exigible.
Pour les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel, le syndic adresse à chaque copropriétaire, préalablement à la date d'exigibilité déterminée par la décision d'assemblée générale, un avis indiquant le montant de la somme exigible et l'objet de la dépense.
Les avis mentionnés aux deux premiers alinéas sont adressés par lettre simple ou, sous réserve de l'accord exprès du copropriétaire, par message électronique à l'adresse déclarée par lui à cet effet.
Cette protection de la loi est liée au fait que les courriers papier, et en l’occurrence la réception des appels de fonds reçus de façon matérialisée, sont lus plus assidument que lorsqu’ils sont transmis de manière dématérialisée.
Ceci étant, à priori, pour FONCIA, la loi ne concerne que ceux qui y croient. Le tout est de bien présenter « les choses » pour que les copropriétaires se fassent abuser mais de manière polie et avec le sourire.
Pour cela, FONCIA a rodé sa communication, avec l’envoi d’un mail à l’ensemble des copropriétaires, dont voici le modèle.
Et voilà la magie, sur MyFoncia les appels de fonds sont disponibles mais exclusivement. Autrement dit, le copropriétaire peut choisir entre récupérer électroniquement son appel de fonds sur MyFoncia ou récupérer électroniquement son appel de fonds sur MyFoncia.
S’il a un doute, alors il peut également choisir de récupérer électroniquement son appel de fonds sur MyFoncia.
Drôle d’approche. Non seulement cela n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires mais en plus le groupe se moque de l’usager avec des tournures de phrases démagogiques faisant croire qu’il s’agit uniquement d’une disponibilité qui s’avère en fait une contrainte.
II – Des mails exploités
En cliquant sur le lien, on s’aperçoit qu’il faille obligatoirement indiquer le mail mais surtout valider les conditions d’utilisation dont voici un extrait :
Certes, à travers cet article il est difficile de lire les conditions générales du fait qu’elles sont écrites en petite police pour que justement le copropriétaire n’y prête pas attention.
Néanmoins, il est indiqué que « au titre de notre intérêt légitime et sur la base de votre consentement, d’autres cookies permettent à notre groupe et ses partenaires d’améliorer la performance de notre site (…) de vous offrir des contenus les plus adaptés à vos centres d’intérêt. Vos données sont protégées et peuvent faire l’objet d’un flux transfrontalier hors Union Européenne.
Autrement dit, le site va être exploité par FONCIA et ses partenaires pour proposer aux copropriétaires, des produits et des services marchands.
La seule difficulté est que le copropriétaire ne peut pas refuser ces conditions car, à défaut, il ne pourra pas accéder à ses appels de fonds pour contrôler les sommes réclamées.
Par conséquent, grâce à cette illégalité, le copropriétaire se trouve contraint de donner son consentement pour récupérer ses appels de fonds uniquement de manière dématérialisée.
Ainsi, pour résumer, l’appel de fonds est disponible exclusivement sur l’extranet de FONCIA, tout en pouvant refuser l’accès sans pouvoir s’y opposer dans le respect du consentement le plus total des copropriétaires.
C’est sûrement ça la nouvelle réelle démocratie chez FONCIA.