Abus 5124: Devis de repérage amiante : quand le syndicat des copropriétaires paie le prix fort

06/05/2025 Abus Abus

Dans le cadre de la rénovation énergétique d'un immeuble en copropriété, il est essentiel de respecter une série de normes pour assurer la sécurité des occupants et la conformité des travaux. 

La recherche d'amiante avant travaux est une obligation légale qui s'inscrit dans un contexte réglementaire précis, conformément au décret n°2017-899 du 9 mai 2017. 

Ce décret impose la réalisation de diagnostics amiante avant d'entreprendre des travaux susceptibles de libérer des fibres d'amiante dans l'air. Cette mesure vise à protéger la santé des travailleurs et des occupants en cas de présence de matériaux amiantés, qui pourraient dégager des fibres dangereuses pendant les travaux.
C’est dans ce contexte que notre adhérent, le conseil syndical, a pris l’initiative de conclure un contrat avec  « Apave », un acteur reconnu dans le domaine des diagnostics techniques, pour réaliser ce diagnostic amiante. 

Il est néanmoins indispensable d’avoir un contrat suffisamment encadré, pour éviter des mauvaises surprises. 

I-    Devis à 2100 euros TTC qui s’élève désormais à 6400 €HT

Un devis à hauteur de 2100 euros TTC a été soumis à l'Assemblée Générale (AG) du syndicat des copropriétaires pour approbation. En application de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, lors de cette AG, le montant du devis a été voté, marquant ainsi une étape clé avant le lancement des travaux de rénovation énergétique.

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Cependant, à la suite de l'exécution de la mission de recherche d’amiante sur les parties communes, une facture à hauteur de 6400 euros HT a été adressée au syndicat des copropriétaires. 
 
Dans le cas présent, le syndicat des copropriétaires a validé, en assemblée générale, un devis présenté par un diagnostiqueur pour la réalisation d’un diagnostic amiante. Ce devis prévoyait un montant global de 2100 € TTC, avec un coût de prélèvement fixé à 50 € par échantillon. Cependant, le devis ne précisait pas le nombre d’échantillons à prélever ni les modalités concrètes de l’intervention.

Or, le diagnostiqueur a procédé, de sa propre initiative, à 93 prélèvements, générant une facture finale de 6400 € HT — soit un montant largement supérieur à celui approuvé initialement par le syndicat des copropriétaires.

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II-    Un abus de droit caractérisé

Ce décalage manifeste entre le devis et la facturation finale révèle plusieurs irrégularités :

1. un manquement à l’obligation d’information et de transparence

Conformément à l’article L.111-1 du Code de la consommation, tout prestataire est tenu de fournir, avant la conclusion du contrat, une information claire et complète sur les caractéristiques essentielles de la prestation et son prix. En l’espèce, l’absence de précision sur le nombre d’échantillons à prélever a privé les copropriétaires de la possibilité d’évaluer le coût réel de l’intervention.

De plus, le devis avait vocation à permettre aux copropriétaires de prendre leur décision en toute connaissance de cause, ce qui n’a pas été le cas. Ce défaut d’information constitue un manquement grave aux exigences contractuelles.

2. Atteinte au principe de bonne foi dans l’exécution du contrat

L’article 1104 du Code civil impose que les contrats soient négociés, formés et exécutés de bonne foi. En procédant à un nombre d’échantillons aussi élevé, sans en avertir ni obtenir l’accord préalable du syndicat, le diagnostiqueur a agi de manière déloyale, en modifiant unilatéralement l’économie du contrat.
Ce comportement déséquilibre les relations contractuelles en plaçant le syndicat des copropriétaires dans une position de faiblesse, face à une situation qu’il n’était pas en mesure d’anticiper, ni de contrôler.

3. Caractérisation de l’abus de droit

L’abus de droit peut être défini comme l’exercice d’un droit dans des conditions qui excèdent manifestement les limites de l’usage normal qu’une personne raisonnable en ferait. 

Ici, si le diagnostiqueur avait bien la faculté de réaliser des prélèvements pour mener à bien sa mission, le recours à 93 échantillons apparaît manifestement excessif et disproportionné.

D’autant plus que l’analyse a finalement révélé la présence d’amiante dans seulement 4 échantillons. Cette disproportion, non justifiée ni concertée, traduit une utilisation abusive de la marge de manœuvre laissée au prestataire, au détriment des copropriétaires.

En procédant ainsi, le diagnostiqueur a utilisé sa position et son savoir technique pour imposer au syndicat un coût très supérieur au budget initial, sans information préalable ni validation des copropriétaires. Cette pratique, qui détourne l’objet du contrat et nuit aux intérêts de la partie la plus vulnérable, caractérise un abus de droit.

Le comportement du diagnostiqueur cumule donc :

-    un manquement à l’obligation d’information préalable,
-    une violation du principe de bonne foi dans l’exécution du contrat,
-    et un abus de droit dans l’usage de la faculté de réaliser des prélèvements.

Ces éléments permettent de contester la validité de la facturation, voire d’engager la responsabilité du prestataire pour obtenir une réduction de prix ou des dommages et intérêts.

III-    La nécessité de vigilance

Cette situation illustre l’importance de la clarté contractuelle et de la transparence dans les relations commerciales, en particulier lorsqu’il s'agit de travaux techniques impliquant plusieurs parties. 

En l’occurrence, le devis aurait dû spécifier de manière plus précise le nombre d’échantillons à prélever, ainsi que les conditions de révision des prix, pour éviter toute ambiguïté. 

En outre, l'adhérent, représentant le syndicat des copropriétaires, aurait dû se faire conseiller sur les pratiques habituelles du marché pour mieux appréhender le devis et les prestations proposées.

Nous recommandons vivement aux syndicats des copropriétaires de bien se renseigner sur les prestataires avant de signer des contrats de prestation, et de toujours demander des devis détaillés, précis et sans ambiguïtés. 

Le Conseil syndical doit systématiquement imposer au diagnostiqueur de prévoir une visite préalable pour évaluer l'ampleur de la mission et établir une estimation du nombre d'échantillons nécessaires, qui devra ensuite être précisé dans le devis. Cela permettrait d’éviter toute surprise et garantirait une plus grande transparence vis-à-vis des copropriétaires.

Dans tous les cas, la bonne foi des parties doit primer, et tout abus doit être dénoncé pour garantir un cadre contractuel juste et équitable.