En parallèle de la gestion de la copropriété par un copropriétaire élu en tant que syndic non professionnel, il existe une autre organisation lourde et contraignante qui est l’administration de l’immeuble en syndicat coopératif.
Ce mode de fonctionnement est rarement utilisé, du fait des contraintes qu’il implique et des difficultés qui surgissent dans le temps.
Ceci étant, nous trouvons sur le marché des sociétés sous forme généralement de start-up, comme Matera, qui poussent les copropriétaires à opter pour cette solution sans forcément faire la lumière sur les contraintes de ce mode de fonctionnement pour le conseil syndical et surtout pour les « présidents-syndics » successifs.
À travers cet article, essayons d’expliquer en quoi consiste la gestion de la copropriété par un syndicat coopératif, et surtout les limites de ce système, même lorsque Matera affirme qu’il pilote la copropriété.
I. Le conseil syndical et le « président-syndic » aux manettes
L’article 17-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l’administration de la copropriété par un syndicat coopératif.
Celui-ci est administré par le conseil syndical qui élit en son sein le syndic.
Il exerce de plein droit les fonctions de président du conseil syndical, mais également de syndic qui a la charge de la gestion de la copropriété.
En outre, le conseil syndical peut également nommer un vice-président qui supplée le syndic en cas d’empêchement.
Le président et le vice-président sont révocables dans les mêmes conditions que leur désignation, impliquant que cela relève des prérogatives du conseil syndical et non de l’assemblée générale.
Ce dispositif qui peut paraitre souple est en réalité une difficulté, puisque sur un même exercice plusieurs « présidents-syndic » peuvent être désignés et révoqués, ne sachant plus en définitive qui est le réel décisionnaire, ni même celui qui représente la copropriété.
Par ailleurs, l’assemblée générale doit désigner une ou plusieurs personnes physiques ou morales, qui peuvent être copropriétaires ou tiers qualifié, pour assurer le contrôle des comptes du syndicat des copropriétaires.
Il s’agit là d’une seconde contrainte puisque le syndicat des copropriétaires doit soit financer une structure extérieure pour contrôler les comptes, impliquant une charge supplémentaire soit demander à un copropriétaire de contrôler les comptes tenus par le « président-syndic », alors que tous deux sont voisins ce qui peut créer des tensions.
De plus, la forme coopérative interdit au « président-syndic », mais plus généralement à l’ensemble des membres du conseil syndical, de réclamer une rémunération et ce conformément à l’article 27 du décret du 17 mars 1967.
Il s’agit là d’une différence notable avec la gestion d’une copropriété par un syndic non professionnel qui lui peut prétendre à une rémunération votée par l’assemblée générale.
II. Des officines dangereuses
Plusieurs sociétés comme Matera ont essayé de s’infiltrer dans la niche des copropriétés insatisfaites de leur syndic professionnel, en n’étant pas eux-mêmes syndic, tout en laissant planer un doute, pour en définitive se positionner comme un assistant du « président-syndic ».
La technique est redoutable, car le discours consiste à rassurer le « président-syndic » quant à ses responsabilités, jusqu’à afficher dans ses documents officiels et procès-verbaux d’assemblée générale le slogan suivant : « Votre copropriété est pilotée avec Matera ».
Cette ambiguïté fait croire au conseil syndical, et surtout au « président-syndic », qu’il gère la copropriété en pilotage automatique, avec une structure comme Matera qui assumera juridiquement et financièrement les fautes de gestion.
Or, il faut être clair, le seul responsable de la gestion de la copropriété reste le conseil syndical et plus précisément son « président-syndic ».
Et pour cause, ce dernier est le seul représentant légal de la copropriété, et par conséquent le seul responsable de sa gestion.
En cas de faute, le « président-syndic » ne pourra pas valablement invoquer le fait qu’il s’est fait assister par Matera, qui lui rétorquera qu’il n’est qu’une simple société au service de son client, qui n’assure que des prestations d’assistance.
D’ailleurs, nous avons copie d’un procès-verbal d’assemblée générale « piloté avec Matera » qui présente plusieurs, non pas anomalies, mais illégalités qui mettent en porte-à-faux non-seulement le « président-syndic », mais également la copropriété.
En premier lieu, dans le procès-verbal est bien prévu le vote adoptant la forme coopérative, mais qui de manière très insidieuse fait valider la prestation de service proposée par la société Matera.
Le système est redoutable puisque la résolution est formulée « en package » imposant aux copropriétaires soit de valider la gestion de la copropriété en syndicat coopératif avec la solution Matera, soit de tout refuser en bloc.
Mais là où la situation se complique, est qu’à aucun moment dans l’ordre du jour n’est prévu le vote du contrôleur aux comptes pour justement vérifier les opérations financières et comptables effectuées par le « président-syndic ».
Il s’agit là d’une première illégalité qui met en porte-à-faux le « président-syndic », mais également la copropriété qui peut se retrouver en difficulté si un copropriétaire assigne le syndicat des copropriétaires pour non-respect des dispositions légales.
A notre avis, il ne s’agit pas d’un simple oubli, mais bien d’une volonté de dissimuler une des lourdeurs de la gestion de la copropriété en syndicat coopératif qui est justement l’élection d’un « contrôleur aux comptes », qui peut se retrouver à mettre en porte-à-faux le « président-syndic » dans sa gestion.
Plus troublant, alors que la copropriété est pilotée avec Matera, on constate dans le procès-verbal qui nous a été joint une résolution qui prévoit la « rémunération du syndic ».
Or, comme indiqué précédemment, le « président-syndic » qui est un membre du conseil syndical ne peut réclamer de rémunération pour ses fonctions sans du moins soumettre un contrat.
Selon nous, il s’agit là encore d’une erreur de Matera qui semble prêt à fermer les yeux sur l’illégalité d’une telle résolution, afin de capter le marché.
Après tout, le seul responsable engageant son assurance de responsabilité civile reste le « président-syndic », ce qui est très confortable pour Matera. Pas folle la guêpe !
Si jusqu’à présent nous étions mitigés sur la solution Matera, nous constatons à présent qu’elle peut en définitive être dangereuse pour le syndicat des copropriétaires, et plus précisément pour son conseil syndical et son « président-syndic ».
Y a-t-il réellement un pilote dans l’avion dans la compagnie Matera ?