ABUS N° 4328 : Quand un syndicat de copropriétaires fait condamner son ancien syndic pour fautes de gestion et récupère 64 000 euros

09/02/2018 Abus Abus

Nous sommes régulièrement interrogés sur les motifs pour lesquels la responsabilité d’un syndic peut être engagée pour faute de gestion.

 

Il est rare en pratique, malgré des manquements récurrents, qu’une copropriété « saute le pas » et assigne son syndic.

Tout d’abord parce que les procédures sont longues et que même si la copropriété gagne, elle est rarement remboursée de l’intégralité de ses frais judiciaires.

 

Un syndicat de copropriétaire a osé et a assigné son ancien syndic Urbania de Ris-Orangis, devenu Proact’imm, et elle a eu bien raison, voyons cela ensemble.

I. Les faits reprochés par le syndicat de copropriétaires

Dans la même assemblée générale le conseil syndical :

  • a mis en concurrence Urbania, qui n’a pas été renouvelé dans ses fonctions ;
  • et a proposé à l’assemblée générale d’engager une procédure judiciaire contre cet ancien syndic pour diverses fautes de gestion, et a obtenu un vote favorable.

Voici la longue liste de fautes de gestion qui ont été à l’origine de la procédure :

  • Faute commise dans le cadre de la rupture conventionnelle des contrats de travail d’un couple de gardiens. Le syndic n’avait pas respecté les délais légaux permettant à l’administration d’instruire le dossier, avait omis certains documents et s’était trompé dans le calcul de l’indemnité de départ. La convention a été homologuée le 30 novembre 2010 alors que les gardiens avaient quitté leur fonction le 31 juillet  2010. La copropriété a été obligée de leur payer quatre mois de salaires, congés payés et charges sociales en plus du fait de cette erreur, soit un préjudice de 22.444 €.
  • Remplacement du couple de gardiens par une société sans consultation préalable du conseil syndical qui n’a pas eu connaissance des coûts avant le contrôle des comptes, sans mise en concurrence et sans vote de l’assemblée générale. La copropriété a calculé le surcoût entre les factures payées à ce prestataire par rapport aux rémunérations des gardiens. Ce surcoût a été chiffré à 62.191 €, différences entre les devis proposés par diverses sociétés suite à une mise en concurrence par rapport aux factures payées.
  • Frais de contentieux facturés par le syndic : 3.283 € qui n’ont pas été justifiés et qui plus est seraient calculés sur le tarif national et pas d’après le contrat de syndic.
  • Facture d’intervention sur un interrupteur de 548 € sans consultation préalable du conseil syndical qui doit donner son avis pour toute dépense supérieure à 500€. C’était surtout une réaction épidermique du conseil syndical à l’habitude du syndic de surfacturer des petites commandes mais toujours limitées à quelques euros en dessous de 500 €.

II. Les tribunaux ont reconnu la responsabilité du syndic

Le tribunal de Grande Instance d’Evry (jugement du 14 octobre 2014) puis la Cour d’Appel de Paris (arrêt du 11 octobre 2017 – 15/08248) ont donné raison au syndicat des copropriétaires et ont reconnu la responsabilité du syndic.

  • Rupture conventionnelle du contrat des gardiens : « dans les rapports entre le syndicat et son ancien syndic, ce dernier a commis une faute en ne respectant pas les formalités légales de rupture de contrat de travail qui lui incombait en exécution de son mandat ; cette faute a causé un préjudice financier au syndicat qui a du payer les salaires »

Il a été attribué la somme de 22.444 € au syndicat des copropriétaires à titre de dommages et intérêts.

  • Prestations de remplacement des gardiens : « Les premiers juges ont justement retenu que la société Proact’imm, qui a fait appel à la société XX sans consultation ni autorisation du conseil syndical ou de l’assemblée générale, a augmenté de manière significative les charges de la copropriété …/…et a causé un préjudicie financier… »

La faute est caractérisée par la non-consultation du conseil syndical pour toute somme de plus de 500 €, et l’absence de mise en concurrence pour toute somme dépassant 1.000 € comme l’a voté l’assemblée générale, dans deux résolutions, lorsque le contrat dépasse une certaine somme.

 

La cour d’appel précise comment elle a calculée les dommages et intérêts correspondant à ce préjudice financier : « le préjudice consiste en une perte de chance de ne pas avoir pu mettre en concurrence plusieurs entreprises et de pouvoir choisir éventuellement la moins-disante. »

 

Cette perte de chance doit être évaluée à 55% de la somme réclamée par le syndicat des copropriétaires soit 34.000 €.

  • Sur les frais de contentieux : le syndic n’ayant pas pu justifier le calcul de ses frais, il est condamné à rembourser l’intégralité de la somme réclamée soit 3.283 €.
  • Sur la facture de l’électricien : le tribunal de Grande Instance a débouté le syndicat. La cour d’appel a pour sa part considéré, même cause même effet, que la non-consultation du conseil syndical constitue une faute en violation des articles 18 et 21 de la loi du 10 juillet 1965.La perte de chance de passer une commande plus avantageuse s’établit à 15% du montant de la facture soit 88 €.

En plus des 3.000 € accordés en 1ère instance au titre de l’article 700, la Cour d’Appel a condamné Proact’imm à payer la somme supplémentaire de 5.000€.

 

En conclusion : pour des faits établis et non contestables, il est tout à fait possible de mettre en cause la responsabilité d’un ancien syndic devant les tribunaux et d’avoir gain de cause. Mais il faut savoir que le délai sera long. Dans ce dossier, l’arrêt de la Cour d’appel a été rendu plus de 5 ans après l’assignation, il est donc nécessaire de chiffrer le préjudice afin de vérifier que le « jeu en vaut la chandelle » avant d’actionner l’option judiciaire.