Les difficultés de financement des travaux collectifs par les copropriétaires sont plus ou moins importantes du fait du défaut d’anticipation de ces opérations d’envergure (absence de réserves financières ou montant dérisoire).
Les pouvoirs publics se sont employés à diverses reprises à solutionner cette situation en imposant la constitution d’une réserve spécifique : la dernière en date étant le fonds travaux obligatoire.
La bonne intention du Parlement a malheureusement été dévoyée par certains professionnels de l’immobilier tels que le syndic francilien M.M.G.
I. Le fonds travaux obligatoire du syndicat des copropriétaires selon la loi
La propriétaire de divers lots d’une résidence des Hauts de Seine (92) gérée par le syndic professionnel M.M.G. reçoit son appel trimestriel du 1er avril 2019 du fonds travaux obligatoire d’un montant de 47,33 euros.
Perplexe sur la légalité du décompte présenté, elle interroge l’ARC. Nous lui confirmons que ses doutes sont fondés.
Selon l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 complété par la loi A.L.U.R. du 24 mars 2014, tout syndicat doit se doter, à compter du 1er janvier 2015, d’un fonds obligatoire (5 % minimum annuel du budget prévisionnel de fonctionnement) destiné à financer ses travaux collectifs.
Ce fonds doit être appelé par le syndic auprès des copropriétaires conformément à leurs tantièmes de charges communes générales attachés à leur lot par le règlement de copropriété (article 10 de la loi du 10 juillet 1965).
Il en résulte qu’en l’espèce, la contribution trimestrielle du 1er avril 2019 au fonds travaux du syndicat par cette copropriétaire doit être de 47 €.
Or, M.M.G. prévoit un montant trimestriel exigible de 47,33 €.
Le fonds travaux annuel de ce syndicat est de 8 291,20 € (5 % du budget annuel de 165 824 €), soit un appel trimestriel global de 2 072,80 €.
Lorsqu’on applique les tantièmes de charges communes générales des lots de cette copropriétaire (102/4500), sa quote-part trimestrielle du fonds travaux du syndicat est donc bien de 47 euros et non de 47,33 euros.
Comment s’explique cette différence ?
II. Le fonds travaux obligatoire selon M.M.G. : illégalité du calcul
Cette différence, certes minime (0,33 euros), se révèle totalement illicite lorsqu’on analyse la méthode utilisée par ce syndic pour répartir les appels du fonds travaux.
Dans un premier temps, on peut constater que le syndic M.M.G. qui était secrétaire de séance, a consigné dans le procès-verbal de l’assemblée générale, que le fonds travaux du syndicat est constitué en charges communes générales, et ce conformément à la loi.
Malheureusement, ensuite, il l’appelle auprès des copropriétaires selon toutes les clés spécifiques de répartition de charges stipulées par le règlement de copropriété, et non la seule clé « charges communes générales » :
Ce qui explique la différence de chiffre, qui pourrait être beaucoup plus importante.
En présence d’une fraction indue d’appel trimestriel du fonds travaux, le copropriétaire ne doit payer au syndic que sa quote-part déterminée selon les tantièmes de charges communes générales affectés à ses lots, soit en l’espèce 47 euros.
Si ce copropriétaire est assigné pour le paiement du solde (prescription de 5 ans), il ne pourra être condamné s’il invoque, devant le juge, l’irrégularité du décompte de l’appel du fonds travaux. Autrement dit, en l’absence de paiement volontaire par la copropriétaire, le seul montant que le syndic puisse judiciairement recouvrer est de 47 euros, et aucunement les prétendus 0,33 euros complémentaires.
S’il a payé, un copropriétaire pourrait poursuivre judiciairement le syndicat, ce qui est possible aussi pendant cinq ans (article 42 de la loi du 10 juillet 1965), afin que celui-ci soit condamné à lui reverser la différence, majorée éventuellement de dommages et intérêts et des frais de justice
Si une telle décision de justice intervient, le syndic va être confronté à un gros dilemme : l’article 14-2 précise que ces sommes sont définitivement acquises au syndicat des copropriétaires et rattachées au lot.
Comment va-t-il être possible de rembourser le copropriétaire ?
De plus, il devra rappeler cette différence auprès des autres copropriétaires qui n’ont pas assez payé, et comment faire avec ceux qui ont vendu ?
Et si ce fonds sert à financer des travaux en cours.
Le conseil syndical et les copropriétaires doivent donc se montrer vigilants, quant aux appels du fonds travaux obligatoire fixés par le syndic, et exiger, en cas d’inexactitude, les corrections immédiates de celui-ci pour éviter tout risque futur.