Abus n°2100 : Nouveau transfert de tâches et d’honoraires : après les archives, le recouvrement des impayés de charges

02/12/2009 Abus Abus

Abus n°2100 : Nouveau transfert de tâches et d’honoraires : après les archives, le recouvrement des impayés de charges

 

I.                   Présentation du problème

 
Après le transfert de la gestion des archives des syndics professionnels à des sociétés de stockage des archives aux frais du syndicat des copropriétaires, nous assistons à un nouveau transfert de tâches des syndics (illégal et abusif) concernant le recouvrement des impayés de charges.
 
L’un de nos conseil syndical adhérent vient en effet, de nous transmettre pour avis la « LETTRE OUVERTE A L’ATTENTION DES CONSEILLERS SYNDICAUX – LA COPROPRIETE DANS L’HARMONIE » établie par la Sarl RANDALL, société spécialisée dans le recouvrement de créances, qui propose aux copropriétés de décharger le syndic de TOUT le travail de recouvrement moyennant un prix unique : 7 % HT (donc 8,37 % TTC) des sommes impayées.
 
Cette société - à la dénomination sociale évocatrice, Josh RANDALL, étant le chasseur de prime de la série « Wanted, mort ou vif » - prétend ainsi garantir le recouvrement des impayés de charges aux seuls frais des copropriétaires débiteurs, en se substituant au syndic.
 
Cette pratique est doublement dangereuse puisqu’elle aboutit d’une part à la délégation (illégale) par le syndic de l’une de ses missions principales : le recouvrement des charges et fait d’autre part courir le risque bien réel au syndicat des copropriétaires de supporter un doublon de frais.  Voyons cela.

 

II.                 Le syndic ne peut déléguer sa mission de recouvrement des charges

 
La société RANDALL après s’être épanchée dans sa publicité sur le sort des bons payeurs et inquiétée de la détérioration du climat des assemblées générales lié aux impayés explique aux copropriétaires que les frais non récupérables et les provisions sur honoraires (sans préciser lesquels) entraînent une augmentation des appels de fonds et que « la tentation est grande d’en faire le reproche au syndic, mettant en cause la qualité de sa gestion ».
 
Puis, pour « mettre fin à la suspicion (envers le syndic) et rétablir sérénité et harmonie dans la copropriété », elle suggère au syndicat des copropriétaires dans un formulaire intitulé « RESOLUTION D’ASSEMBLEE GENERALE » d’autoriser son syndic à « utiliser le système de gestion automatique de procédure mis à disposition par la société RANDALL ainsi que le réseau de correspondants juridiques de cette dernière ».
 
Cette formulation est totalement trompeuse car il s’agit en fait ni plus ni moins, pour le syndic, que de déléguer totalement sa mission de recouvrement des charges à la société RANDALL et non de s’aider d’un outil (comme un logiciel, par exemple) pour effectuer le recouvrement des impayés.
 

III.              Une pratique illicite

 
L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 mentionne que le syndic est tenu d’administrer l’immeuble c'est-à-dire de procéder à tous les actes de gestion courante et qu’il ne peut se faire substituer.
 
A ce titre il doit effectuer le recouvrement des charges qui est un des aspects de l’administration d’immeuble.
 
Cette mission, comme toutes celles que la loi confie est un monopole du syndic. La Cour de Cassation l’a rappelé dans un arrêt du 13 mars 1984. Même l’assemblée des copropriétaires ne peut valablement désigner un mandataire spécial (comme un société chargée du recouvrement de créances) pour effectuer cette tâche au lieu et place de ce gestionnaire.
 
Mais cette pratique qui organise le transfert de tâches de gestion courante du syndic vers des prestataires extérieurs est d’autant plus préoccupante qu’elle fait courir le risque au syndicat des copropriétaires de supporter deux fois les frais liés à ces procédures de recouvrement de créance ; nous allons voir pourquoi.

 

IV.             Une pratique financièrement dangereuse pour les copropriétés

 
En effet, la société RANDALL, dans son projet de « RESOLUTION D’ASSEMBLEE GENERALE »  précise que :
·        « Sa rémunération est fixée à 7 % HT du montant des charges de copropriété mises en recouvrement et demeurera à la charge du copropriétaire débiteur défaillant ».
Cette proposition, en apparence alléchante, est un véritable miroir aux alouettes !
 
La société RANDALL laisse croire que les frais liés au recouvrement de créances seront systématiquement et obligatoirement supportés par le copropriétaire débiteur : or, ceci est faux !
S’il est vrai que l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 permet d’imputer au compte individuel du copropriétaire débiteur les frais exposés par le syndicat pour le recouvrement de ses créances (mais, de toute façon, uniquement après la mise en demeure), la jurisprudence a précisé qu’il faut qu’il s’agisse de frais nécessaires au recouvrement de la créance.
 
Ainsi les honoraires du syndic au titre des « frais de relance » ou de « remise du dossier » à l’huissier ou de « constitution du dossier » pour l’avocat ne sont imputables au copropriétaire débiteur que d’une part s’ils sont postérieurs aux mises en demeure préalables par LRAR et d’autre part justifiés : c'est-à-dire si le syndic justifie d’un vrai travail. 
 
Dès lors, le risque pour le syndicat à conclure un tel contrat avec la société RANDALL est de devoir supporter les frais correspondants.
Car on voit mal en effet comment un juge pourrait considérer que ces honoraires de transfert de tâches constitueraient des frais nécessaires alors qu’une telle délégation est illégale !
 

V.               Alors comment faire face aux impayés simplement et sans frais ?

 
Nos syndics bénévoles y arrivent fort bien et ils n’ont nullement besoin de la société RANDALL pour recouvrer avec efficacité et au moindre coût les charges impayées. Apprenez à vos syndics professionnels à pratiquer de la même façon.
 
Il vous faudra en premier lieu étudier et analyser le dispositif de votre syndic puis faire adopter par l’assemblée générale des copropriétaires un protocole de recouvrement qui fixera précisément les démarches que le syndic doit effectuer en précisant les délais à respecter. Il précisera les procédures simplifiées (et gratuites) qu’il devra mettre en oeuvre (déclaration au greffe, injonction de payer).
 
Pour en savoir plus sur nos conseils concernant le recouvrement des impayés, nous vous invitons à consulter notre guide « Savoir traiter les impayés en copropriété » dont la présentation est accessible depuis notre librairie : http://arc-copro.fr/librairie/savoir-traiter-les-impayes-en-copropriete