ABUS N°4824 : Le cabinet Walter : un poids lourd du « hors-forfait »

04/03/2022 Abus Abus

« Petit syndic indépendant peut s’avérer très gourmand » … le Cabinet Walter serait mal inspiré de vouloir nous contredire!

Nous en voulons pour preuve une facturation hémorragique d’honoraires supplémentaires qu’il fait subir à l’une de ses copropriétés mandantes. Le motif? Un suivi visiblement très poussé et minutieux d’une seule et unique procédure judiciaire….menée par l’avocat de l’immeuble!

I. Près de 4000€ facturés !

Le Cabinet Walter administre ici une petite copropriété, qui est en conflit avec un immeuble voisin au sujet de travaux.

L’affaire s’est engagée sur la voie judiciaire, le syndicat des copropriétaires a donc confié ses intérêts à un avocat. Concrètement, le syndic a donc transmis le dossier à ce dernier, qui prendra désormais l’affaire en main. Le Cabinet Walter, quant à lui, aura parfois à intervenir, en participant à une réunion d’expertise, en transmettant des pièces à l’avocat, à l’architecte de l’immeuble, au fil de la procédure, en payant les factures (notes d’honoraires d’avocat etc.).

Oui mais voilà, tout ceci semble accaparer le syndic à un point…. pour le moins déroutant. En six mois, pas moins de 35 heures sont affichées au compteur des notes d’honoraires, pour un total de 3835,20€ TTC.

Près de 4000€ ont donc été facturés au syndicat des copropriétaires pour les diligences accomplies dans le cadre du « suivi » de la procédure !

Le plus impressionnant restera visiblement la journée du 30 juin 2021, où le cabinet aura passé pas moins de quatorze heures à travailler sur ce dossier contentieux!

Ce syndic n’aurait-il qu’un seul immeuble à administrer, lui permettant de passer ses jours et ses nuits sur la gestion de cette copropriété? Et que dire de ces journées de travail à rallonge, signe d’une endurance remarquable!

Enfin, nous avons ici un syndic qui consacrerait presque plus de temps que l’avocat lui-même sur cette affaire.

Mais en y regardant de plus près, on se rend surtout compte que le Cabinet Walter use et abuse d’un filon malheureusement bien connu, et parfaitement abusif.

Sauf que la poule aux œufs d’or se rebiffe, ce qui n’était pas prévu dans le scénario. Le conseil syndical, adhérent à l’ARC, refuse de voir ces factures intégrées dans les comptes de la copropriété et attend des explications.

II. Le principe de la facturation au-delà du forfait. 

Commençons par le commencement. Que dit le droit en matière d’honoraires de syndic facturables au-delà du forfait contractuel?

Le contrat-type permet une facturation « hors forfait » – Tout d’abord, la loi du 10 juillet 1965 en son article 18-1 A. prévoit qu’« une rémunération spécifique complémentaire peut être perçue à l'occasion de prestations particulières de syndic qui ne relèvent pas de la gestion courante ». Sur le principe, donc, le syndic peut réclamer des honoraires en plus de son forfait de base pour ces « prestations particulières ». Et il faut se référer au décret N°2015-342 du 26 mars 2015 pour en connaître la liste exhaustive. Parmi elles, on retrouve la « Constitution du dossier transmis à l'avocat, à l'huissier, à l'assureur protection juridique » ainsi que le « suivi du dossier transmis à l’avocat ». Nous les retrouvons d’ailleurs dans le contrat-type de syndic, à la clause 7.2.6.

Par conséquent, sur le principe, un syndic est légitime à exiger des honoraires supplémentaires pour le suivi d’un dossier qui est entre les mains d’un avocat. Sauf que « tout et n’importe quoi » ne peut pas être facturé à ce titre !

Nous recommandons au Cabinet Walter de lire attentivement ce qui va suivre.

Les diligences doivent être effectives : le rôle clé du conseil syndical - Dans notre affaire, le conseil syndical a demandé la copie de toutes les diligences accomplies, et qui justifient le montant des factures. Ô surprise, il n’a rien reçu…

Que les choses soient bien claires : une demande de paiement, quelle qu’elle soit, se fonde impérativement sur une prestation réelle, effectivement accomplie! En cas d’inexécution, il n’y a pas lieu à paiement (article 1217 du Code civil).

Ici, le rôle du conseil syndical est central : il doit exiger la production de la copie des démarches accomplies (tous les courriers, emails, envoyés par le syndic) et de sommer le syndic de s’expliquer sur la complexité de celles-ci. Également, en cas de réunion d’expertise, le conseil syndical doit réclamer le procès-verbal rédigé par l’expert, afin de vérifier la présence effective du syndic.

A défaut, il faut absolument exiger du syndic de renoncer à ses prétentions, de retirer ces factures des comptes de la copropriété.

Le syndic doit exécuter son contrat de bonne foi : les diligences doivent être justifiées - «Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi », nous dit l’article 1104 du Code civil, précisant que cette disposition est d’ordre public.

Ce principe aurait-il été perdu de vue par le Cabinet Walter?

Précisément, ce syndic mentionne tout au long de ses factures les prestations suivantes :

  • « communication de pièces »;
  • « correspondance avocat »;
  • « correspondance architecte »;
  • « reprise »;
  • « traitement »;
  • « rdv expertise ».

Si l’on prend l’exemple de la facture suivante, plusieurs aberrations sont à relever :

Le syndic facture ici pas moins de 5 heures et demi de « correspondances » avec un même architecte sur la journée du 31 mars 2021. En admettant que cinq mails aient été effectivement envoyés, ce syndic aurait passé quasiment sa journée rien que pour les réaliser!

Et qu’en est-il de la ligne « reprise », qui a occupé le syndic durant plus de trois heures sur cette même journée ?

Ce que la loi et la jurisprudence entendent à travers la bonne foi du cocontractant est que ce dernier n’accomplisse et ne facture que les diligences qui se justifient, qui sont nécessaires. Par exemple, un syndic qui « saucissonnerait » une transmission de documents en dix mails et facturerait à la copropriété dix prestations distinctes pourrait très clairement voir sa responsabilité contractuelle engagée pour mauvaise foi caractérisée.

La vigilance est donc de mise, nous saluons encore une fois la réactivité de ce conseil syndical adhérent à l’ARC pour son alerte.