ASL et AFUL.
La lettre de l’ARC au Ministre de l’Intérieur
Voici la lettre adressée à Monsieur Manuel VALLS au sujet du jugement du Tribunal de Grande Instance de Pontoise suite à l’arrêt de la Cour de Cassation concernant l’impossibilité pour une ASL (Association Syndicale Libre) ou AFUL (Association Foncière Urbaine Libre) de se mettre en conformité avec l’ordonnance du 1er juillet 2004.
Lire - avant cela - notre article « Alerte concernant les ASL et AFUL dont les statuts n’ont pas été mis en conformité ».
Ministère de l’Intérieur
Monsieur Emanuel VALLS - Ministre
Place Beauvau
75800 PARIS Cedex 08
Paris, le 18 Février 2013
Objet : L’arrêt de la 3éme Chambre Civile de la Cour de Cassation du 5 juillet 2011
et le blocage en résultant, en matière de fonctionnement des ASL et des AFUL
Monsieur Le Ministre,
En qualité de président de l’une des plus importantes associations représentatives de Copropriétaires et de membres d’Association Syndicales de Propriétaires (comprenant les Associations Syndicales Libres et les Associations Foncières Urbaines Libres) je tenais à attirer votre attention sur les conséquences (en terme de blocage immédiat de leur mode de fonctionnement) qui résultent actuellement de l’existence de l’arrêt n° 778 ( pourvoi n° 10615374), rendu le 5 juillet 2011, par la 3éme chambre Civile de la Cour de Cassation .
Le résumé qui en a été fait par les commentateurs est le suivant ; en omettant de mettre ses statuts en conformité dans le délai de deux ans à compter de la publication du décret du 3 mai 2006, une AFUL (Association Foncière Urbaine Libre) a définitivement perdu, à la fois son droit d’agir en justice, mais également et plus grave de conséquences encore, la possibilité de procéder à une régularisation.
Cette décision venant très récemment d’être suivie par une juridiction du premier degré (à savoir le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE par un jugement du 22 janvier 2013, qui vient de nous être signalé) dans un litige concernant une ASL, il est à craindre que l’on aboutisse, dans quelque temps, à l’occasion des décisions qui vont être rendues dans le cadre des instances en cours, à l’établissement d’une jurisprudence constante, et très préjudiciable aux intérêts des membres de ces entités (ASL et AFUL).
En terme d’importance et de nombres de personnes concernées, je rappelle que ces structures ont été évaluées à plus de 28 000 par l’administration, et que du fait qu’il s’agit seulement de celles dont les statuts avaient fait ou ont fait l’objet d’une déclaration par voie de publication, ce chiffre peut être majoré d’au moins de moitié, si l’on veut s’approcher de la réalité.
Elles jouent, notamment, un rôle essentiel en matière d’aménagements fonciers ruraux et urbains, ainsi que de prévention des risques naturels.
Cet arrêt de la Cour de Cassation fait l’objet de très vives critiques de la part de la doctrine , qui lui reproche , parmi les points les plus importants , l’application d’une sanction inédite non prévue par les textes, et d’aboutir à ce que la voie de la régularisation soit désormais impossible.
Sans entrer dans un long exposé de ces critiques, il est intéressant, aux fins de vous justifier le fondement de ma démarche, de retenir ceci :
- La Cour de Cassation a déduit que le défaut d’accomplissement de la formalité de mise en conformité des statuts (énoncée à l’article 60 de l’ordonnance du 1er juillet 2004) rendait les ASL et les AFUL incapables d’agir en justice.
Or les formalités à accomplir prévues à l’article 8 de l’ordonnance précitée, permettant à l’Association de conserver tous les attributs de la personnalité morale et notamment le droit d’ester en justice, ne visent pas expressément celles relatives à la mise à jour des statuts, mais celles relatives à la publication de toute modification statutaire qu’elle déciderait.
L’article 8 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 ne renvoyant pas aux dispositions de l’article 60 de cette même ordonnance, la mise en conformité des statuts ne fait donc pas expressément partie des formalités à accomplir, sous peine de la privation de la capacité d’ester en justice.
De l’aveu même de nombreux commentateurs, la Cour de Cassation est donc allée très au-delà des intentions du législateur , alors même que les dispositions susvisées ne sont pas d’ordre public , et que ni l’ordonnance du 1er juillet 2004, ni son décret d’application du 3 mai 2006, n’ont prévu une telle sanction pour les ASL ou les AFUL, qui auraient omis de mettre leurs statuts en conformité, dans le délai de deux ans à compter de la publication du décret, soit avant le 5 mai 2008.
Deux réponses ministérielles (JO Sénat du 16 avril 2009, et Ministérielle n° 78182 JOAN Q du 29 juin 2010) ont d’ailleurs confirmé l’application de ce principe.
- Et surtout, s’agissant des conséquences dramatiques qui en résultent, la Cour de Cassation énonce que les Associations Syndicales n’ayant pas encore effectué les formalités de publication de mise en conformité de leurs statuts (au titre de l’article 60 précité), ou ayant procédé à cette publication après le 5 mai 2008, auraient définitivement (c'est-à-dire sans régularisation possible) perdu leur capacité d’ester en justice.
L’application de ce principe va donc condamner le fonctionnement de la plupart des Associations Syndicales de propriétaires (ASL et AFUL), puisqu’il va les priver de l’un des attributs majeurs de la personnalité morale, à savoir la capacité de disposer des moyens juridiques pour la réalisation de leur objet, permettant d’assurer l’entretien et la protection des propriétés qu’elles sont censées mettre en valeur, en application de l’article 1 de l’ordonnance du 1er juillet 2004.
Je me permettrais d’ajouter, à la lecture de l’alinéa 2 de l’article 60 de l’ordonnance du 1er juillet 2004, que les magistrats ont délibérément écartés le rappel de la procédure qui avait été prévue par le législateur en cas d’omission de la mise en conformité des statuts, et qui stipule « A défaut (de mise en conformité) et après mise en demeure adressée au président de l’association et restée sans effet à l’expiration d’un délai de trois mois , l’autorité administrative procède d’office aux modifications statutaires nécessaires » .
Les services préfectoraux s’occuperaient donc, actuellement, de faire publier des mises en conformité de statuts d’ASL et d’AFUL au Journal Officiel pour les rendre opposables aux tiers, afin de permettre à celles-ci, au terme de l’article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 « d’agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter, et hypothéquer » mais cela serait sans intérêt ni portée, puisque les magistrats de la Cour de Cassation on décidé, le 2 juillet 2011, que l’une de ces attributions, à savoir celle d’agir en justice, n’était plus, de manière définitive, applicable, ni permise, à compter du 5 mai 2008.
Certains juristes considèrent, dés à présent (l’existence d’un grand nombre d’Association Syndicales de propriétaires étant désormais condamnée) qu’un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’homme est à envisager (sur le fondement de l’article 1 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 20 Mars 1952) puisque les droits des propriétaires concernés sont manifestement affectés.
En qualité de représentant de l’ARC (l’Association des Responsables de Copropriétés) je ne vois aucun avantage, pour les très nombreuses personnes membres de ces entités (qui intègrent des copropriétés, mais peuvent également y accueillir, au titre de l’article 1er du décret du 3 mai 2006, des collectivités territoriales , des établissements publics de coopération intercommunale, et des syndicats mixtes) mais également pour l’ensemble de la collectivité , que cette digression judiciaire vienne à s’amplifier, et aboutisse à semer le trouble, le désarroi, voire la colère de nombreux de nos concitoyens...
Aussi je pense qu’une précision apportée dans le décret du 3 mai 2006 sus nommé, visant les conséquences d’un retard dans la mise en conformité énoncée à l’article 60 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et la procédure à suivre en de telles circonstances, permettrait de mettre un terme à ce qui représente désormais un facteur de risque (bien inutile et très coûteux quant à ses conséquences) dans cette période très difficile à laquelle le Gouvernement dont vous êtes membre, doit faire face.
L’Association que je représente se tient à la disposition de vos services, si vous souhaitez recueillir nos expériences de praticien en ce domaine, en vue de la rédaction du texte destiné à modifier le décret précité.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de ma haute considération.
Fernand CHAMPAVIER
Le Président de l’ARC ».