Comment les syndics vont-ils utiliser à leur profit l’obligation d’extranet dans les copropriétés et comment réagir ?

14/01/2015 Actions Action

Comment les syndics vont-ils utiliser à leur profit l’obligation d’extranet dans les copropriétés et comment réagir ?

 
L’extranet est présenté par les syndics professionnels comme étant un outil innovant, permettant aux syndicats des copropriétaires d’avoir une meilleure transparence dans la gestion administrative et financière de leurs copropriétés.
Ils invoquent le fait que cet outil est une solution qui offre aux copropriétaires une plus grande liberté d’action, sachant que cet espace numérique est consultable 7jours/7, 24heures/24.
 
Cependant, comme nous allons le démontrer dans cet article, l’extranet proposé par les syndics professionnels leur permet avant tout d’imposer aux syndicats des copropriétaires un mode de fonctionnement sans que ces derniers ne puissent s’y opposer.
 
Nous allons présenter l’exemple très parlant du groupe FONCIA, qui, par l’intermédiaire de son extranet, impose à ses mandants l’obligation d’un compte individualisé, un système de paiement particulier et interdit de choisir une autre banque que la sienne. 
 
Vous ne nous croyez pas ?
 
Alors, lisez le mail que le Président d’un conseil syndical adhérent à l’ARC a récemment reçu de la part  du responsable du cabinet FONCIA « LES TROIS ILES ».
 
Nous mettons en gras les affirmations qui présentent un caractère abusif ou illégal.
 
"Monsieur,
« Seul le compte individualisé vous permettra de payer sur myfoncia car un compte individualisé est un sous compte mais intitulé « FONCIA… ».
Les règlements effectués sur ce site sont centralisés et reversés sur les comptes concernés. Les chèques peuvent être libellés à l’ordre de FONCIA ou au nom du syndicat de copropriétaires. Vous aurez tout de même un relevé bancaire mensuel.
« Par contre, le compte séparé sera intitulé « SDC … ».
Ce compte issu de la loi BONNEMAISON
du 31 décembre 1985 implique que tous les mouvements bancaires arrivent directement sur le compte.
« Or les règlements en ligne sont centralisés et reversés sur chaque compte et par conséquent contraires à la loi BONNEMAISON.
« Les chèques devront être libellés au nom de votre copropriété.
« De même, en cas de changement de banque, nous ne pourrons plus effectuer de prélèvements dans la mesure où le transfert des fichiers se fait par un logiciel bancaire. Qui plus est pour effectuer des prélèvements il vous faut un numéro d’émetteur qui est attribué par la banque de France au professionnel, mais pas à un syndicat de copropriété.
« FONCIA avait développé différents modes de paiement afin de faciliter la vie de nos clients, mais malheureusement la LOI DUFLOT anéantit certains de nos outils mis à la disposition de notre clientèle. "
Reprenons à présent chacune de ces affirmations.
 
  1. Obligation d’accorder la dispense du compte bancaire séparé

FONCIA invoque le fait que le paiement en ligne des charges ne peut se faire sur son espace « Myfoncia » que si la copropriété accepte d’être gérée à partir d’un compte bancaire individualisé rattaché au compte du syndic.
Cet argument fallacieux permet d’obtenir, sans exercer de chantage financier à l’égard du syndicat des copropriétaires, ce qui est prohibé par la loi ALUR, la dispense du compte séparé, y compris actuellement pour les copropriétés de plus de 15 lots. Ce nouveau chantage, à présent technique, prive ainsi les copropriétaires de décider souverainement s’ils acceptent ou non la dispense du compte séparé.
Par ailleurs, il est intéressant de relever que le responsable de FONCIA précise sur son mail que les chèques peuvent être libellés, aussi bien au nom du syndicat des copropriétaires, qu’à celui de FONCIA.
Dans ces deux cas de figure, la somme est versée sur le compte individualisé de la copropriété et, donc, sur le compte bancaire du syndic.
Cette affirmation est la démonstration flagrante que même si l’ordre du chèque est fait exclusivement au nom du syndicat des copropriétaires, cela n’est pas suffisant pour confirmer qu’il s’agit bien d’un compte bancaire séparé.
 
  1. Les contraintes concernant les modes de paiement

Actuellement, les copropriétaires disposent de plusieurs moyens pour procéder au règlement en ligne de leurs charges.
 Nous avons :
  1. Le virement en ligne au coup par coup qui permet au copropriétaire de payer, quand il le souhaite, à partir de son espace numérique. Néanmoins, cela impose qu’il enregistre dans son interface web l’intégralité  de ses coordonnées bancaires ;
  2. Le prélèvement en ligne qui permet au syndic de débiter automatiquement le compte du copropriétaire, à chaque date d’exigibilité de l’appel de fonds. Il faudra, comme pour le point précédent, que le copropriétaire enregistre ses coordonnées bancaires. Ce système n’impose donc pas une autorisation systématique par le copropriétaire pour procéder à chaque prélèvement ;
  3. Enfin, nous avons le paiement par carte bleue pour lequel le copropriétaire n’a pas besoin d’enregistrer ses coordonnées bancaires, mais doit saisir uniquement les douze chiffres indiqués sur sa carte bleue pour procéder à un paiement en ligne.
En l’absence de texte réglementant les services minimums que doit contenir l’extranet, FONCIA est alors libre de mettre à la disposition des copropriétaires le mode de paiement qu’il souhaite. En l’occurrence, le responsable de ce cabinet a précisé aux copropriétaires que le paiement par carte bleue était impossible. Les copropriétaires se retrouvent donc contraints d’enregistrer l’intégralité de leurs coordonnées bancaires pour pouvoir payer en ligne. Cette situation présente deux abus flagrants. Le premier est que le syndic dispose de données bancaires extrêmement sensibles qu’il pourra, éventuellement, utiliser pour procéder plus facilement à des saisies bancaires. Le second est que FONCIA incite le prélèvement en ligne, et qu’il pourra ainsi débiter automatiquement le compte du copropriétaire, même si le syndic impute des frais privatifs indus ou abusifs.
 
Problème-mystère.
Arrêtons-nous une minute sur ce point capital.
FONCIA affirme aujourd’hui qu’il ne peut assurer un système de prélèvement que via un compte bancaire individualisé.
Soit c’est vrai, et cela veut dire que d’ici 3 mois – avec le compte bancaire séparé obligatoire pour les plus de 15 lots – il ne pourra plus travailler.
Soit c’est faux, et veut dire que FONCIA trompe aujourd’hui ses clients pour leur imposer son système de paiement.

 
  1. Dernier abus : la contrainte concernant le choix de la banque

FONCIA précise que les prélèvements en ligne ne peuvent se faire que si le syndicat des copropriétaires conserve la banque du syndic. Il invoque pour cela le fait que le transfert des fichiers se fait à partir de logiciels spécifiques dans lesquels seul celui de sa banque communique avec celui de FONCIA.
Ils évacuent ainsi le droit, accordé aux copropriétaires par la loi ALUR, d’avoir la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic.
Cet argument est d’autant plus scandaleux que l’ensemble des établissements bancaires ont développé des interfaces pour que leurs logiciels puissent communiquer avec quasiment l’ensemble des solutions informatiques utilisées par les syndics, donc évidemment les logiciels qu’utilisent les grands groupes de syndic.
 
  1.  Comment réagir devant ces nouveaux chantages ?

Il ne sert à rien de rentrer dans une polémique longue et fastidieuse.

Le Président du conseil syndical doit simplement rappeler les dispositions légales issues la loi du 10 juillet 1965 qui s’appliquent de plein droit aux syndics et qui sont, d’autant plus, d’ordre public :
 
  1. Conformément à l’article 18, le syndicat des copropriétaires est libre de refuser l’extranet proposé par le syndic. Il en revient donc au syndic de proposer des solutions qui sont adaptées aux besoins des copropriétaires.
  2. Tant que FONCIA ne proposera pas le paiement par carte bleue, les copropriétaires continueront à payer par chèque.
  3. Peu importe les problèmes techniques invoqués par le syndic, ce dernier est tenu de respecter les décisions du syndicat des copropriétaires, notamment s’il impose une autre banque que celle du syndic.
  4. Si l’extranet proposé par le syndic n’est pas conforme aux attentes des copropriétaires, ces derniers seront alors libres d’imposer au syndic une autre solution d’extranet qui réponde aux besoins des copropriétaires.
  5. Entre temps, le conseil syndical remontera à l’ARC tous les abus ou chantages que le syndic essayera d’imposer aux copropriétaires à travers sa solution d’extranet.
 
  1. Qu’elles sont les actions que l’ARC a mises en place et va entreprendre

 
L’ARC a décidé de « remonter » auprès des pouvoirs publics, notamment les ministères du Logement et de la Justice, mais aussi du rapporteur de la Loi ALUR et du président du CNTGI, tous les abus ou chantages qui seront exercés par les syndics auprès des copropriétaires via leur solution d’extranet.
 
Par ailleurs, l’ARC leur a demandé instamment de publier le plus rapidement possible un texte règlementaire déterminant les fonctionnalités et documents minimums que devra contenir l’extranet. L’ARC a d’ailleurs déjà soumis une proposition de texte discuté avec tous les acteurs concernés (des syndics, des développeurs).
 
Pour cela, l’ARC réclame une modification de l’article 29 du décret du 17 mars 1967, pour ainsi renvoyer à un arrêté qui définira ce que devra contenir l’extranet proposé par le syndic.
 
De plus, l’ARC a également saisit le Président du CNTGI, lui demandant que sa commission travaille sur une proposition de texte en matière d’extranet.
 
 
 
Enfin, l’ARC va publier, d’ici la semaine prochaine, un guide sur la question de l’extranet en copropriété s’intitulant : « Copropriété et Extranet obligatoire au 1er Janvier 2015 : éviter les effets « pervers » et obtenir un vrai Extranet ».