COMMUNIQUE DE PRESSE : "Copropriétés en difficulté : Syndics professionnels solution ou cause ?"

27/04/2021 Actions Action

 

Paris, le 26 avril 2021

Selon les derniers chiffres de l’Anah, le nombre de copropriétés en fragilité sur l’ensemble du territoire français est de plus de 100 000 immeubles privés, soit 19% du parc.

Elles représentent près de 1.2 millions de logement, soit 15.7% des logements en copropriété.

Ce chiffre, qui est déjà très inquiétant, est selon nous sous-estimé car un grand nombre de copropriétés n’ont pas réalisé tous les travaux d’entretien et de rénovation pourtant nécessaires, afin d’éviter de se retrouver en difficulté suite à une augmentation des charges.

Le phénomène des « copropriétés en difficulté », n’est pas récent et se confirme, voire s’aggrave, avec un accroissement du nombre d’immeubles qui basculent doucement, mais sûrement dans la fragilité.

Les causes de cette situation sont diverses, mais ont quasiment toutes un point commun qui est que leur gestion est (ou a été) assurée exclusivement par un syndic professionnel qui, lorsque cela était encore possible, n’a pas été en mesure de redresser la copropriété.

Cela se traduit pour certains d’entre eux à laisser la copropriété s’enfoncer dans la difficulté, cumulant des impayés de plusieurs dizaines de milliers d’euros par copropriétaire.

A titre d’exemple, sur une copropriété se situant à Villiers-le-Bel composée de plus de 200 copropriétaires, sur les derniers comptes présentés à l’assemblée générale sont cumulés plus d’un million d’euros de copropriétaires débiteurs, avec plusieurs d’entre eux qui ont contracté des dettes dépassant les 15 000 euros avec des tristes records d’impayés supérieurs à 50 000 euros.

La question légitime est de savoir comment des copropriétaires ont pu atteindre des montants d’impayés aussi importants sans que le syndic professionnel n’intervienne, ou du moins obtienne une condamnation des débiteurs pour résorber la dette.

Cette interrogation est lourde de conséquences, car si dans les faits les syndics sont en partie la cause du basculement des copropriétés en difficulté, quel est alors l’acteur qui pourra assurer leur redressement ?

C’est d’ailleurs face à ce constat que la loi a prévu une alternative qui est la gestion de ces copropriétés à la dérive par des administrateurs judiciaires qui eux-mêmes sont bien souvent dépassés, ne parvenant pas à les redresser voire pire, les laissent sombrer. Ce qui n’empêche pas chacun des syndics ou administrateurs judiciaires de toucher pleinement leurs honoraires !

L’ARC et d’autres professionnels de l’immobilier ont compris depuis bien longtemps que le redressement des copropriétés n’était pas l’affaire des syndics professionnels « standards », ni même des administrateurs judiciaires, mais bien d’experts du sujet qui mettent en place différentes procédures, notamment en matière de recouvrement et de collaboration étroite avec le conseil syndical dans le but de redresser la copropriété.

C’est dans ce cadre que l’ARC et plusieurs autres organismes (opérateurs, syndics, experts…) impliqués dans cette cause ont créé l’association QualiSR, qui compte aujourd’hui plus d’une dizaine de syndics de redressement certifiés.

Cette initiative ne reste qu’une étape, car les autres nombreuses causes du basculement des copropriétés dans la fragilité ne sont pas traitées.

En effet, la loi ne prévoit aucun encadrement du syndic en matière de recouvrement de charges, ce qui provoque un traitement des impayés aléatoire, et même des abus de nombreux cabinets qui profitent des débiteurs pour facturer de manière répétée des actes de contentieux ou précontentieux à des prix prohibitifs.

A titre d’exemple, de nombreux syndics professionnels facturent la lettre de relance ou la mise en demeure jusqu’à 90 euros, auxquels ils ajoutent l’imputation d’honoraires illégaux relatifs à des prestations qui sont censées être incluses dans le forfait de base.

A cela s’ajoute une explosion des dépenses courantes des copropriétés qui en dix ans ont augmenté de plus de 50%, alors que sur cette même période l’inflation vivote autour de 10%. Comme nous le savons tous, c’est la mise en concurrence périodique des prestataires qui permet de faire baisser les charges.

L’ensemble de ces constats démontre une carence des dispositifs mis en place, nécessitant une réforme profonde de la loi qui doit aborder sans complaisance les différentes failles du système.

C’est dans ce cadre que l’ARC a soumis aux cabinets du Premier ministre et de la ministre déléguée au Logement un rapport mettant en évidence quinze actions à mener pour prévenir et traiter les impayés de charges. (Voir rapport et tableau récapitulatif en annexe)

Celles-ci passent par des mesures préventives, telles qu’une meilleure information dans les annonces immobilières sur le coût réel de l’acquisition du bien, en indiquant les charges liées aux travaux d’entretien et de rénovation à venir ou encore en mensualisant et en segmentant les appels de fonds.

À cela s’ajoute une plus grande responsabilisation du syndic professionnel dans le traitement des impayés, en définissant les obligations de procédure à engager dès la survenance du premier impayé.

Enfin, il est également question d’améliorer les décisions judiciaires, afin d’éviter que le syndicat des copropriétaires se voit en définitive contraint de supporter les frais incompressibles de procédure liés au recouvrement des charges.

À défaut de traiter de manière efficace les impayés et leurs causes, la rénovation y compris énergétique des copropriétés ne pourra pas connaitre une dynamique suffisante pour répondre aux objectifs du gouvernement, alors même que des dispositifs et moyens financiers importants y sont consacrés.

Un dossier crucial qu’il faudra suivre dans le temps...

Les quinze mesures pour un traitement efficace des impayés de charges.

La prévention des impayés en copropriété

 

Action

Blocage

Préconisation

1

Une meilleure visibilité sur le coût réel de la propriété d’un lot

Le futur acquéreur n’a pas de visibilité sur le coût estimatif des travaux à réaliser au sein de la copropriété qu’il devra supporter dans les années à venir.

Faire figurer dans l’annonce immobilière le coût prévisionnel des charges travaux à venir.

 

2

Maitrise des dépenses courantes

L’augmentation des charges courantes provoque une aggravation des impayés de charges.

Imposer au syndic une politique de maitrise des charges, afin de réduire les dépenses de fonctionnement de 20 à 50%.

 

3

Mensualisation et segmentation des appels de fonds

L’intégralité des provisions trimestrielles est exigible dès le début du trimestre, provoquant des impayés.

Mensualiser les appels de fonds en interdisant de rendre exigibles plusieurs types de provisions sur une même date.

 

4

Des avis d’appel de fonds règlementés

Les avis d’appel de fonds manquent de lisibilité, ne permettant pas au copropriétaire de comprendre et de contrôler les sommes appelées.

Définir par voie règlementaire un modèle type d’appel de fonds qui devra être respecté par l’ensemble des syndics, devant permettre au copropriétaire d’identifier plus facilement l’origine des sommes qui lui sont réclamées.

 

5

Des réunions trilatérales obligatoires entre le conseil syndical, l’avocat et le syndic

Le conseil syndical n’a pas de relation directe avec l’avocat qui est en charge de dossier de recouvrement de charges, n’ayant pas de réelle information sur les éventuels blocages de procédure.

La loi devra imposer au moins une réunion tripartite entre le conseil syndical, l’avocat et le syndic dès qu’une ou plusieurs procédures judiciaires sont engagées au nom du syndicat des copropriétaires.

 

 

Un meilleur encadrement du syndic dans le recouvrement des charges

 

 

Action

Blocage

Préconisation

6

Un encadrement plus précis de l’article 10-1 a) de la loi du 10 juillet 1965

Le nombre et la fréquence des actes contentieux ou précontentieux que le syndic peut imputer au copropriétaire débiteur n’est pas suffisamment encadré par la loi, provoquant différents abus.

Définir une procédure légale en matière de réalisation d’actes contentieux ou précontentieux que le syndic peut imputer au copropriétaire débiteur, avec un plafonnement des coûts appliqués.

 

7

Rendre obligatoire le traitement des impayés dès trois trimestres de retard, avec l’engagement de procédures amiables ou judiciaires qui engagent la responsabilité du syndic

Le traitement des impayés de charges reste aléatoire en fonction des cabinets de syndics provoquant des situations inextricables.

La loi devra imposer une procédure que le syndic devra respecter sous peine d’engager sa responsabilité civile dès la constatation de trois trimestres d’impayés de charges.

 

8

Une interdiction pour le copropriétaire débiteur de plus de quatre trimestres et en cours de procédure de participer au vote de l’élection du syndic

Le copropriétaire débiteur peut avoir un impact sur le vote du syndic, dissuadant ce dernier d’engager des procédures judiciaires à son encontre.

Le copropriétaire débiteur qui se trouve avec quatre impayés de charges et une action judiciaire engagée à son encontre ne pourra pas participer à l’élection du syndic.

 

9

Un meilleur suivi comptable des frais et condamnation liés aux impayés

Le suivi comptable du traitement des impayés reste opaque, n’ayant pas une traçabilité sur les sommes engagées et celles récupérées.

Une procédure comptable devra être définie pour permettre au conseil syndical  de visualiser l’ensemble des sommes engagées par rapport à celles récupérées.

 

10

Possibilité pour le syndic de prise d’hypothèque sans passer par un avocat

Actuellement, le syndicat des copropriétaires est contraint de passer par un avocat pour poser une hypothèque légale sur le lot d’un copropriétaire débiteur, ce qui provoque des coûts supplémentaires.

Permettre au syndic de poser une hypothèque légale sur le lot d’un copropriétaire débiteur sans passer par un avocat.

 

 

Les mesures curatives au traitement des impayés

 

 

Action

Blocage

Préconisation

11

La mise en place automatique de la procédure d’alerte

Malgré le taux d’impayés important constaté, la procédure d’alerte n’est pas engagée, perdant une chance de redresser la copropriété lorsqu’il en est encore temps.

L’ANAH sera en mesure d’enclencher les procédures d’alerte dès que le seuil du taux d’impayés prévu à l’article 29-1 A de la loi du 10 juillet 1965 est atteint.

 

12

Etendre le super privilège à 80% de la dette principale

Le super privilège des deux années antérieures + l’année en cours prévu par la loi reste insuffisant au vu de la particularité du fonctionnement des copropriétés.

Prévoir un super privilège qui peut atteindre jusqu’à 80% de la dette principal.

 

13

Une possibilité de confier le traitement des impayés à une société tierce indépendante de tout lien direct ou indirect avec le syndic

Le recouvrement de charges reste une spécialité que de nombreux syndics n’ont pas forcément en interne.

Le syndicat des copropriétaires pourra valider l’intervention d’une société tierce et indépendante du syndic pour traiter les impayés. La société devra être rémunérée au résultat.

 

14

Sécurisation sur la condamnation des frais de contentieux incompressibles

Bien que le copropriétaire débiteur se voit condamner par le magistrat, ce dernier refuse généralement de lui faire supporter les frais de procédures, pourtant indispensables, qui se retrouvent transférés à la charge de la copropriété.

Imposer au magistrat de condamner le copropriétaire débiteur à supporter les frais contentieux incompressibles.

 

15

Prévoir une juridiction spécifique pour traiter les litiges liés au secteur de la copropriété et plus particulièrement en matière de traitement des impayés

Les spécificités de la gestion d’une copropriété nécessitent une juridiction spécialisée, afin de traiter les litiges de manière rapide et concrète.

Une juridiction spécialisée en droit de la copropriété devra être ouverte pour traiter les litiges qui concernent la copropriété.

 

Gérard ANDRIEUX                                                       Emile HAGEGE,                                                    

Président                                                                       Directeur Général de l’ARC