Contrats d’entretien P2 de chauffage : l’imbroglio de la Tva

09/07/2012 Actions Action

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 Contrats d’entretien P2 de chauffage : l’imbroglio de la Tva

 

Le taux de TVA applicable à la partie P2 d’un contrat P2 P3 est-il de 5,5 % sur la totalité ou de 5,5 % sur 80 %.

Si vous êtes concernés, lisez l’article qui suit et - si vous aviez encore un peu confiance dans l’humanité - vous allez changer d’avis.


 

  1. Définitions

Les contrats de chauffage peuvent se décomposer en différentes prestations :

  • P1 : fourniture d’énergie

  • P2 : entretien et conduite des installations

  • P3 : garantie totale du matériel

  • P4 : financement

  • Pour mémoire P5 : réparations en régie (hors contrat)

 

  1. Rappel

Jusqu’en 2010, les choses étaient simples pour tout le monde : l’entretien P2 relevait du taux de Tva réduit et quant à la garantie P3, son taux de Tva était le taux réduit sur 80 % du contrat P3 et le taux normal sur 20 % du contrat P3.

Ces règles n’étaient pas implicites ou basées sur un usage, mais fixées par le Fisc et décrites dans le bulletin officiel des impôts 3 C-7-06 n° 202 du 8 décembre 2006 :

Art. 144 : il n’y a pas lieu de distinguer, pour la détermination du taux de TVA applicable, l'entretien courant du gros entretien. Ainsi, la part « P2 » des contrats d’exploitation de chauffage et de climatisation, qui correspond aux travaux courants d’entretien et de conduite, est éligible au taux réduit.

Art. 145 : certains contrats portant sur les installations de chauffage peuvent prévoir une clause de « garantie totale » qui prévoit le remplacement en cas de besoin de tout élément assurant le chauffage, y compris la chaudière elle-même. Or la fourniture de certains gros appareils de chauffage installés dans des immeubles collectifs relève du taux normal (cf. n° 89 et suivants.).

Dans cette situation, à titre de règle pratique, il est admis que la part de la redevance correspondant à l'éventuel remplacement d'appareils de chauffage relevant du taux normal soit fixée forfaitairement à 20 % du montant hors taxes du contrat.

 

  1. Complication

Dans une affaire de 2004 et 2005 opposant GDF à l’administration fiscale, le tribunal administratif de Montreuil (juridiction de première instance) a estimé le 10/06/2010 (n° 0813498), en se basant uniquement sur l’instruction fiscale alors en vigueur au moment des faits (BOI de 2000), que GDF n’avait pas à limiter le taux normal à 80 % de la seule partie P3 d’un contrat P2P3. Le tribunal a en outre précisé que l’affaire, portant sur des faits remontant à 2004 et 2005, excluait toute référence à l’instruction fiscale de 2006.

À partir de là, certains chauffagistes y ont vu (un peu vite selon nous) la remise en cause du taux de Tva réduit et ont appliqué la règle suivante : taux réduit sur 80 % des contrats P2P3, taux normal sur 20 % des contrats P2P3.

Certaines factures de 2011 montrent l’application de cette interprétation.

 

  1. Lire toute l’instruction fiscale

Sachant qu’un tribunal administratif ne statue que sur le litige dont il est saisi et que la procédure administrative suit des règles particulièrement rigoureuses, il ne faut donc pas lui en faire dire plus que ce qu’il dit… sur l’équivalent de l’époque du seul article 145 de l’instruction fiscale actuelle.

Mais l’instruction fiscale, en vigueur aujourd’hui, comprend aussi l’article 144 (voir plus haut)…

Il vient avant l’article examiné (exclusivement) dans sa version antérieure par le tribunal.

Il est en vigueur, clair, sans ambigüité : « la part P2 […] est éligible au taux réduit ». Toute la part P2.

 

  1. Égalité de traitement des assujettis

S’il est une constante en droit français, c’est bien l’égalité de traitement des administrés. Or, l’interprétation voulant appliquer le taux normal à 20 % d’un contrat P2 quand il est couplé à un contrat P3 rompt cette égalité.

Pour un même service P2, ceux qui n’ont pas de P3 couplé paieraient la Tva au taux réduit alors que ceux qui ont un P3 couplé paieraient une Tva supérieure.

Pour un même service P2, ceux qui auraient un contrat P2 chez un prestataire et un contrat P3 chez un autre paieraient la Tva au taux réduit sur le P2 alors que ceux qui auraient les contrats P2 et P3 chez le même prestataire paieraient une Tva supérieure.

 

  1. Rescrits

Un rescrit fiscal est une procédure dans laquelle l'Administration prend formellement position sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Le rescrit engage l’Administration.

Le 28/09/2010 (2010/57), un rescrit relatif aux opérations d’entretien des systèmes de climatisation a précisé comment appliquer le taux de Tva aux contrats P2

Il se trouve que la différence fiscale avec une chaufferie est nulle, s’agissant de contrat P2, et l’Administration fiscale détaille avec force dans son rescrit l’application de l’instruction du 8 décembre 2006 et en particulier que « la part P2 des contrats d’exploitation [de climatisation], qui correspond aux travaux d’entretien courant et de conduite, est éligible au taux réduit ».

Il sera remarqué que ce rescrit est postérieur au jugement du tribunal administratif de Montreuil.

Il se trouve qu’un autre rescrit vient de paraître le 31/01/2012 (2012/3) relatif aux contrats d'entretien des installations de chauffage comprenant une clause de garantie totale P3. Il rappelle l’application du taux normal à 20 % du contrat mais ajoute une phrase ainsi rédigée : « cette quote-part de 20 % s'applique à la totalité de la redevance et non à la seule part P3 ».

 

  1. Analyse

Selon nous, l’Administration fiscale se prend les pieds dans le tapis : à vouloir ne lire que l’article 145 au lieu de considérer ensemble les articles 144 et 145, elle se contredit elle-même entre les deux rescrits exposés plus haut, instaure une inégalité de traitement entre assujettis et surtout, elle dit en substance qu’un contrat P2 est un faux contrat P2 dès lors qu’il s’agit d’un contrat P2P3.

Il s’agit, pensons-nous, d’une simple erreur de rédaction…

 

  1. Conséquences

Nous avions demandé au Ministère des finances de bien vouloir intervenir auprès des chauffagistes qui appliquaient leur interprétation du jugement du tribunal de Montreuil mais sans succès, pour des questions de pure forme.

Aujourd’hui, c’est l’Administration fiscale elle-même qui pose une règle contraire à une autre règle de la même instruction fiscale.

C’est pourquoi il nous apparaît nécessaire d’obtenir une clarification.

Nous allons donc poser la question (directement ou sous forme de question parlementaire) afin qu’une bonne fois pour toutes il soit examiné ensemble les articles 144 et 145, à savoir les contrats P2 et P2P3, et non chacun dans son coin.

En clair, il faudra savoir pourquoi un contrat P2 deviendrait nul dans un contrat P2P3. Posée comme cela, la question renvoie au droit des contrats et éclairera mieux le débat…

Dans l’attente, nous recommandons à nos adhérents que soit inscrite dans les procès-verbaux d’assemblée générale une réserve prise par celle-ci lors de l’approbation des comptes, portant sur l’application du taux de Tva des contrats de chauffage P2P3 (si un taux de Tva normal a été calculé sur la part P2).


 

Voici un modèle :

« L’assemblée générale émet toute réserve sur le taux de TVA appliqué à la part P2 du contrat P2 P3 ; le remboursement devra être effectué par le chauffagiste à la demande du syndic s’il apparaissait que le taux de TVA réduit s‘appliquait à cette part. A défaut de remboursement le syndic réduira d’autant les sommes dues au chauffagiste ».