Décret du 3 décembre 2012 (3ème épisode) « Plan de travaux ou C.P.E. » Une loi inapplicable - un décret irréaliste

10/01/2013 Dossiers conseils Conseil

Décret du 3 décembre 2012 (3ème épisode) « Plan de travaux ou C.P.E. » Une loi inapplicable - un décret irréaliste

 
Nous abordons maintenant le troisième article que nous consacrons au décret du 3 décembre 2012 concernant la rénovation énergétique des copropriétés et pris en application de l’article 7 de la loi du 12 juillet 2012 dite loi Grenelle 2.
 
En lisant le titre de ce troisième article, vous allez peut-être dire : « Ça y est, l’ARC remet ça dans la critique... ».
 
Lisez ce qui suit, allez jusqu’au bout et vous verrez que - comme toujours - nous sommes encore en dessous de la vérité.
 
En voiture.
 
 
 
Rappelons que les articles précédents ont porté sur :
 
  • Les travaux d’intérêt collectif sur parties privatives :
  • Le diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif :
 
Nous allons voir à présent ce que les copropriétés doivent faire après avoir réalisé leur DPE (diagnostic de performance énergétique) collectif ou leur audit énergétique rendus obligatoires par l’article 7 de la loi Grenelle 2.

I. Retour sur la loi : un texte quasi impossible à mettre en œuvre 

 
L’article 7 de la loi Grenelle 2 a institué dans la loi de 1965 un article 24-4 qui dispose ceci :
 
« Art. 24-4. Pour tout immeuble équipé d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement, le syndic inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires qui suit l'établissement d'un diagnostic de performance énergétique, la question d'un plan de travaux d'économies d'énergie ou d'un contrat de performance énergétique ».
 
« Avant de soumettre au vote de l'assemblée générale un projet de conclusion d'un tel contrat (Contrat de Performance Energétique), le syndic procède à une mise en concurrence de plusieurs prestataires et recueille l'avis du conseil syndical. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. ».
 
Cet article prévoit donc que soit posée la question d’un plan pluriannuel de travaux ou d’un Contrat de Performance Énergétique (CPE), lors de l’assemblée générale suivant la réalisation de l’audit obligatoire ou du DPE collectif (diagnostic de performance énergétique). Cet article prévoit aussi avant le vote d’un CPE, que le syndic doit procéder à la mise en concurrence de prestataires, et recueillir l’avis du Conseil Syndical (rien n’est précisé pour le plan pluriannuel de travaux). Voici le schéma de ce dispositif :
 
 
 
Le texte de la loi - mis au point par des personnes visiblement peu au fait du fonctionnement des copropriétés - soulève deux questions pratiques :
 
  1. Première question : comment est-il concevable que des copropriétaires (forcément peu compétents) puissent choisir - à la simple lecture d’un résumé d’audit ou du DPE - entre :
  • se lancer dans l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux ;
  • ou voter un C.P.E. (Contrat de Performance Energétique, dont on va voir de quoi il s’agit) ?
C’est évidemment impossible, sauf à voter n’importe quoi et n’importe comment.
  1. Deuxième question : comment est-il concevable qu’un syndic et un conseil syndical - préalablement à l’assemblée générale suivant l’établissement d’un audit énergétique ou d’un Diagnostic de Performance Energétique - puissent obtenir deux propositions (au moins) concurrentes de CPE ?
Revenons sur ces deux points.
 
  1. Pourquoi une assemblée générale ne peut pas choisir juste après la réalisation de l’audit (ou du DPE) entre un plan pluriannuel et un CPE ?
 
On va le voir plus bas : d’un côté le CPE est un contrat complexe, lourd, qui peut engager la copropriété sur des années (parfois vingt ans).
 
D’un autre côté le plan pluriannuel est lui aussi forcément compliqué : quels travaux va-t-on faire ? Par quoi va-t-on commencer ? Comment articuler les travaux d’entretien du bâti et des réseaux (eau, électricité) avec les travaux d’économie d’énergie ? Quel plan de financement va permettre de réaliser ces travaux ?
 
On le constate, une assemblée générale ne PEUT PAS suite à un audit énergétique même bien fait (mais forcément limité) choisir. Ou alors elle le peut, mais uniquement à condition d’être influencée par le bureau d’études ou le syndic vers telle ou telle solution.
 
Il semble évident que le législateur n’a pas envisagé cette hypothèse.
 
  1. Pourquoi est-il impossible d’obtenir deux propositions (au moins) concurrentes de CPE suite à l’audit ou au DPE ?
 
Rappelons qu’un CPE est un contrat de longue durée qui associe :
  • un programme de travaux ;
  • un contrat de gestion du chauffage et d’entretien de la chaufferie ;
  • ET un objectif garanti de consommation d’énergie après travaux.
Cela signifie que la préparation d’un CPE est complexe : il faut définir à la fois le programme de travaux nécessaires ou possibles et, surtout, l’objectif de consommations GARANTIES.
 
 
Un audit énergétique ne peut pas rentrer assez dans les détails, et ne  peut donc permettre de déterminer de façon suffisamment précise l’objectif de consommation ; il faut donc un travail de préparation spécifique, réalisé  - après l’audit - avec un maître d’œuvre.
 
La loi fait totalement l’impasse sur cet aspect du problème, ce en quoi elle est irréaliste.
 
Enfin, ce travail prend du temps, et on ne voit pas comment un syndic, même s’il avait les compétences (ce qui n’est pas le cas), pourrait réussir à bien négocier un CPE sur tous les aspects  entre la fin de l’audit (souvent restitué en fin d’hiver voire début de printemps) et l’assemblée générale (souvent organisée au printemps).
 
Conclusion.
 
La loi est - dans la pratique - inapplicable et si elle l’est, c’est que la démarche aura été BÂCLÉE ou BIAISÉE (exemple : une proposition de CPE non avantageuse pour la copropriété préparée par un bureau d’études et un groupement d’entreprises qui auront su « charmer » le syndic).
 
II. Un décret qui essaye de corriger la loi
 
Le Ministère du Logement s’est bien aperçu que la loi ne collait pas. Le décret est donc visiblement rédigé pour corriger la loi.
 
Voici le texte du décret :
 
Article 2 : « le syndic de copropriété joint, selon le cas, à la convocation le diagnostic de performance énergétique ou le rapport synthétique de l'audit énergétique (...).
 
Dans le cas où le syndicat des copropriétaires décide de réaliser des travaux d'économies d'énergie, le syndic de copropriété procède à la mise en concurrence d'entreprises pour la réalisation de ces travaux. Il inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale suivant cette mise en concurrence le vote, sur la base des devis recueillis, soit d'un plan de travaux d'économies d'énergie, soit d'un contrat de performance énergétique.
Dans le cas où un plan de travaux d'économies d'énergie est adopté par l'assemblée générale des copropriétaires, les travaux planifiés doivent faire l'objet d'un vote distinct ».
 
A priori le décret (pas très simple à comprendre en première lecture) semble plus réaliste que la loi.
 
Le décret devait donc aider à rendre opérationnelle une loi qui n’a pas vraiment les pieds sur terre :
 
  1. c’est pourquoi le décret cherche d’abord à résoudre le problème du choix initial prévu par la loi (lors de la première assemblée générale suivant l’audit) entre le plan pluriannuel et le CPE. ;
  2. il cherche ensuite à résoudre le problème de la mise en concurrence du CPE.
 
On va voir que le décret ne résout malheureusement pas l’équation, même s’il bouscule la loi.
 
Le décret impose le cheminement suivant :
 
  1. Première étape : il faut d’abord au cours d’une première assemblée générale que les copropriétaires votent sur le principe d’une liste (ou catalogue) de travaux.
  2. Deuxième étape : il faut ensuite que le syndic - après cette assemblée générale - recherche des devis concurrentiels concernant TOUS les travaux retenus (dans le principe) par l’assemblée générale.
  3. Troisième étape : ce n’est qu’une fois que le syndic a obtenu des devis concurrents, qu’il peut proposer - au cours d’une deuxième assemblée générale - de voter soit un plan pluriannuel (programme étalé dans le temps) soit un CPE.
Ce cheminement semble moins irréaliste que celui prévu par la loi et pourtant...
 
En effet :
 
  1. Même si l’on peut admettre que l’assemblée va pouvoir voter le principe d’une liste précis de travaux (on verra, cependant plus loin que cela ne se passe pas ainsi si l’on veut être efficace), comment imaginer que le syndic va pouvoir, de son côté, obtenir des  devis concurrents sérieux sans un cahier des charges rigoureux ?
  2. Cela veut dire que le syndic DEVRAIT faire voter par l’assemblée générale une mission précise confiée à un maître d’œuvre ou assistant à maître d’ouvrage concernant le lancement d’une consultation d’entreprise.
 
À défaut nous aurions affaire à une parodie d’appel d’offres.
 
Or, le décret est muet sur ce point important et laisse même croire le contraire (qu’il suffit au syndic de consulter des entreprises).
 
  1. Par ailleurs comment le fait de disposer de devis va-t-il permettre aux copropriétaires de choisir entre un PLAN et un CPE ? Le décret repousse le problème (à une deuxième assemblée générale) mais ne le résout pas.
 
En effet, le premier principe du CPE est qu’on ne s’adresse pas à plusieurs entreprises pour faire des travaux différents (entreprise de chauffage ; entreprise d’isolation des façades ; entreprise de changement des fenêtres, etc.) mais à UNE seule entreprise.
 
Le deuxième principe du CPE est que le prix des travaux est fonction à la fois des travaux, mais aussi de la durée du contrat, du niveau de garantie, etc.
 
En clair, cela veut dire qu’un appel d’offres basé uniquement sur une liste de travaux est très insuffisant pour choisir (ou non) le principe du CPE et très insuffisant, surtout, pour négocier un bon CPE.
 
 
III. Une autre démarche, réaliste celle-ci
 
Le décret est donc déconnecté de la réalité comme on le voit.
 
Une autre démarche est possible, comme nous le démontrons tous les jours avec nos adhérents.  Voici donc cette démarche, simple, concrète et réaliste :
 
  1. Réalisation du Bilan Initial de Copropriété (BIC).
  2. Lancement d’un audit global partagé intégrant l’audit énergétique (donc permettant de respecter l’obligation légale).
  3. Puis lors de l’assemblée générale suivant l’audit :
  • choix entre deux scénarios de travaux ;
  • vote d’une maîtrise d’œuvre (ou d’un assistant à maîtrise d’ouvrage) pour lancer une consultation, à noter que la consultation peut porter sur un marché classique de travaux ET/OU un Contrat (complet) de Performance Energétique (CPE) ;
  • vote d’un fonds travaux pour commencer à poser la question du financement et mandat donné au conseil syndical pour préparer un ou des plans de financement adaptés à la copropriété.
  1. Lors de l’assemblée générale suivante :
 
  • vote définitif du plan de travaux ou du CPE
  • dans le cas d’un plan de travaux, vote de la première tranche de travaux
 
 
Pour plus de renseignements sur cette démarche globale, réaliste, efficace, finançable et parfaitement légale, vous pouvez commencer à consulter le cahier du BIC qui vous informera sur celle-ci et vous donnera le mode d’emploi : http://arc-copro.fr/?q=librairie/le-bic-le-bilan-initial-de-copropri-t
 
Voici le cheminement décisionnel (peu réaliste comme on l’a vu) du décret du 3 décembre 2012
 
 
 
 
 
ENCART
 
 
Un mot sur le « mirage » du CPE dans la loi Grenelle.
 
Les rédacteurs de la loi ont - à un moment - pensé que le CPE allait être la potion magique (ou la martingale ou la pierre philosophale, celle qui transforme le plomb en or) du Grenelle.
 
Pourquoi ?
 
Le CPE est un contrat qui prévoit :
 
  • des travaux d’économies d’énergie (sur le chauffage et le bâti) ;
  • une consommation garantie après travaux.
 
Pendant un moment les responsables du Grenelle se sont imaginé que les « économies » réalisées pourraient payer 100% des travaux et que - en conséquence - toutes les copropriétés allaient se précipiter pour signer des CPE.
 
Nous les avions pourtant alertés : « C’est une illusion ; les économies peuvent au mieux payer 20 à 30 % des travaux ». Peine perdue.
 
Depuis chacun a fini par comprendre d’une part que le CPE n’était pas la pierre philosophale annoncée, d’autre part qu’il pouvait y avoir de mauvais CPE et de bons CPE longs et compliqués à négocier.