Fonds travaux : une réponse regrettable ministérielle de Madame DUFLOT en contradiction avec les propos de... Madame DUFLOT

06/12/2012 Actions Action

Fonds travaux : une réponse regrettable ministérielle de Madame DUFLOT en contradiction avec les propos de... Madame DUFLOT

 
Suite à une question très pertinente du Sénateur Jean-Pierre SUEUR (Sénateur du Loiret) sur le fonds travaux, le Ministère du Logement a répondu le 15 novembre au nom de la ministre.
 
Malheureusement cette réponse est à la fois déconcertante sur le fond, mais surtout en contradiction avec les propos publics tenus par Madame la Ministre Cécile DUFLOT le 17 octobre dernier devant un parterre de 500 personnes (« Journées de l’ANaH »). Nous avons donc immédiatement réagi et saisi le Sénateur Jean-Pierre SUEUR et la Ministre, Cécile DUFLOT.
 
Voici :
  • le texte de la question du Sénateur ;
  • le texte de la réponse de la Ministre ;
  • notre lettre à madame la Ministre Cécile DUFLOT ;
  • notre lettre au Sénateur Jean-Pierre SUEUR.
 

Jean-Pierre Sueur  Question écrite N° 533 au Ministère de l'égalité

Constitution d'un fonds de travaux au sein des copropriétés

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur l'intérêt que pourrait présenter la création de fonds de travaux au sein des copropriétés. L'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis oblige les syndics à soumettre au vote de l'assemblée générale la décision de constituer des provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d'entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d'équipement commun. Toutefois, en pratique, la constitution de ces provisions est rarement votée. Cette absence d'anticipation peut placer les copropriétés dans une situation financière difficile lorsque des travaux doivent être réalisés. Il pourrait, en conséquence, paraître opportun de rendre obligatoire la constitution de ces provisions, afin de protéger les copropriétaires, notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes. Le montant de ces provisions - distinct des autres recettes de copropriété - serait alors être placé en compte séparé « sur livret ». Il lui demande quelle est sa position à ce sujet.

Réponse émise le 15 novembre 2012

La constitution d'un fonds de travaux n'est actuellement pas obligatoire. L'article 18, alinéa 6, de la loi n° 65-557 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis impose seulement au syndic de soumettre au vote de l'assemblée générale lors de sa première désignation, et au moins tous les trois ans, la décision de constituer des provisions spéciales pour travaux. Ces provisions spéciales ne nécessitent ni un vote préalable de travaux, ni un plan pluriannuel de travaux. Elles servent à financer des travaux d'entretien et de conservation des parties communes et des éléments d'équipement commun susceptibles d'être nécessaires dans les trois années à échoir. Dans la pratique, la décision de constituer des provisions spéciales pour travaux est rarement votée, par manque de moyens et aussi par crainte d'une mauvaise utilisation de l'argent disponible. Néanmoins, le Gouvernement n'est pas favorable à l'obligation de constitution d'un fonds de travaux sans vote préalable de l'assemblée générale des copropriétaires. En effet, imposer la constitution de fonds de travaux sans décision de l'assemblée générale reviendrait à porter atteinte au droit des copropriétaires sur leur épargne et à leur liberté d'en disposer et de la placer comme bon leur semble. Au surplus, une telle mesure ne protégerait pas les copropriétaires, notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes. Au contraire, il s'agirait pour eux d'une charge supplémentaire de nature à aggraver leur situation, en particulier dans la période de fragilité économique globale actuelle. En revanche, la constitution du fonds pourrait résulter soit d'une décision des copropriétaires qui souhaitent mobiliser leur épargne pour anticiper des travaux, soit constituer une modalité de financement de travaux préalablement votés par l'assemblée générale des copropriétaires. La décision d'instaurer un fonds de travaux permettant d'anticiper les travaux à venir pourrait être favorisée grâce à un encadrement garantissant une utilisation de ce dernier conforme à son objet. Il conviendrait notamment de limiter la durée du fonds et le montant des provisions afin de permettre une évaluation périodique et les ajustements nécessaires, de rendre impossible son utilisation à d'autres fins que des travaux, de rendre obligatoire le placement des sommes au profit du syndicat des copropriétaires, de prévoir que les sommes versées sur ce fonds sont des provisions acquises au lot et non des avances attachées aux copropriétaires. Ces propositions ont vocation à être approfondies et expertisées dans le cadre de la préparation de la loi-cadre sur l'urbanisme et le logement prévue pour le printemps prochain.
Notre lettre à la Ministre Cécile DUFLOT :
 
Ministre de l'Égalité
des territoires et du Logement
Madame Cécile DUFLOT
Hôtel de Castries
72  rue de Varenne
75007 Paris
 
Paris, le 27 Novembre 2012
Madame la Ministre,
 
Nous nous permettons de vous faire part de notre grande surprise, à la lecture de la réponse faite par votre administration et en votre nom à la question du Sénateur Jean-Pierre SUEUR concernant l’instauration d’un fonds travaux obligatoire, réponse publiée dans le Journal Officiel du Sénat du 15/11/2012 .
 
Cette réponse  reprend, en effet,  un argumentaire que nous pensions désormais « abandonné ». D’où notre surprise et notre inquiétude.
 
Nous voulons croire, néanmoins, que seul un malentendu au sein de vos services peut expliquer cette réponse. Citons celle-ci. Concernant l’imposition obligatoire du « fonds travaux » vous en rejetez la perspective de la façon suivante :
 
« En effet, imposer la constitution de fonds travaux sans décision de l’assemblée générale reviendrait à porter atteinte au droit des copropriétaires sur leur épargne et à leur liberté d’en disposer et de la placer comme bon leur semble. Au surplus, une telle mesure ne protégerait pas les copropriétaires, notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes. Au contraire, il s’agirait pour eux d’une charge supplémentaire de nature à aggraver leur situation, en particulier dans la période de fragilité économique globale actuelle ».
 
Nous souhaitons vous poser les questions suivantes :
 
  • En quoi obliger les copropriétaires à constituer des provisions pour réaliser des travaux, certains destinés à compenser l’usure des gros équipements et des bâtiments, peut-il être considérer comme « une atteinte au droit des copropriétaires sur leur épargne » ? Diriez-vous que l’obligation de constituer des provisions de charges  pour faire face à des dépenses certaines est une « atteinte au droit des copropriétaires sur leur épargne » ?
 
  • En quoi obliger les copropriétaires modestes à provisionner petit à petit les gros travaux « aggraverait-il » leur situation ?
 
Car c’est, en fait,  exactement le contraire qui se passe : à titre d’exemple, voici dix ans que nous faisons valoir auprès des différents services ministériels que l’instauration (bien venue) imposée par le Conseil régional d’Ile de France dans les Plans de Sauvegarde des copropriétés en difficulté, non seulement ne pose pas de problème, mais s’avère un dispositif très efficace concernant le financement du « reste à charge » des personnes les plus modestes.
 
A ceci s’ajoute au fait que l’instauration d’un fonds travaux obligatoire incite et donc aide les copropriétés à mieux maîtriser les charges courantes, ce qui fait que - in fine et pour le même effort financier - les copropriétaires (modestes ou non) :
 
  • font face aux charges courantes ;
  • préparent le financement des gros travaux.
 
Cela, tout le monde l’admet aujourd’hui : toutes les associations de copropriétaires et de consommateurs qui défendent les copropriétaires occupants, modestes ou non, les syndics professionnels, mais aussi tous les praticiens de la copropriété, les élus locaux et nationaux, les agents des collectivités territoriales.
 
Nous notons d’ailleurs que vos services semblent ne pas prendre en compte les analyses et conclusions publiées en janvier 2012, dans son rapport, par Dominique BRAYE - Président de l’ANaH - qui fait de la constitution obligatoire du fonds travaux une des mesures-phare indispensables pour sauver les copropriétés fragiles ou en difficulté.
 
Permettez-nous, à cet égard, de signaler une distorsion pour ne pas dire une contradiction entre la présente réponse et certaines de vos interventions publiques.
 
Nous avons, en effet, lu attentivement et avec intérêt la transcription de votre discours de clôture aux ateliers de l’ANaH du 17 octobre dernier et y avions relevé les phrases suivantes qui nous avaient rassurée. Vous adressant à Dominique BRAYE vous disiez, en effet :
 
« Des dispositions législatives sont nécessaires pour cela (améliorer le fonctionnement des copropriétés) et la loi de 1965 sera modifiée pour améliorer le fonctionnement et notre connaissance des copropriétés. Sur ce point, les propositions que vous formulez, Monsieur le Président, sont fondamentales.
Je souhaite, pour la plupart, qu’elles figurent dans la grande loi du logement qui, sera élaborée en début d’année 2013 ».
 
Comment se fait-il que trois semaines après ce discours, la réponse ministérielle soit si éloignée de votre positionnement public ?
 
Nous voulons croire que le rédacteur de la réponse n’aura pas suivi les évolutions des derniers mois sur ce sujet.
 
Aujourd’hui les seuls opposants aux fonds travaux (en plus de quelques juristes de plus en plus rares défenseurs d’une soi-disant « liberté d’épargner » ( !)) sont des représentants de bailleurs, dont certains refusent de voter les travaux de gros entretien, ce qui explique qu’aujourd’hui trop de copropriétés sont mal entretenues, ceci au détriment des propriétaires occupants et locataires modestes que vos services évoquent pourtant à juste raison.
 
La réponse de votre ministère nous laisse craindre que nous n’allions sur ce sujet vers une « réforme partielle » et non vers la réforme nécessaire. Nous tenons donc à vous faire savoir qu’au nom de la bonne gestion, de la rénovation énergétique, de l’intérêt bien compris des propriétaires occupants (modestes ou non) et des bailleurs responsables dont nous représentons aussi les intérêts, nous continuerons à agir sans faiblir pour faire valoir l’intérêt incontournable du fonds travaux obligatoire.
 
Persuadés malgré tout, une fois encore, que seul un malentendu peut expliquer cette situation et restant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de notre haute considération.
 
                                                                                 
Fernand Champavier                                       Marie Noëlle AMBLES
Le Président de l’ARC                                           La Présidente de l’UNARC ».
 
 
Notre lettre à Monsieur le Sénateur SUEUR :
 
 Monsieur Jean Pierre SUEUR
Sénateur du Loiret
Sénat Palais du Luxembourg
15, rue de Vaugirard
75291 PARIS CEDEX 06
 
Paris, le 27 Novembre 2012
Monsieur le Sénateur,
 
Nous vous remercions vivement d’avoir saisi Madame Cécile DUFLOT de la question concernant le « fonds travaux » en copropriété.
 
Comme nous, sans doute, vous aurez été surpris (et peut-être plus) par sa réponse, d’ailleurs en contradiction avec les propos tenus par la ministre le 17 octobre dernier à l’AnAH.
 
Nous vous prions donc de bien vouloir trouver la « réponse » que nous apportons à cette réponse.
 
Nous comptons vivement sur vous pour ré-interroger Madame la Ministre à ce sujet et, restant à votre disposition, vous prions de recevoir, Monsieur le Sénateur, l’assurance de nos salutations distinguées.
 
Fernand CHAMPAVIER                                                               Bruno DHONT
Président de l’ARC                                                                        Directeur de l’ARC ».