Gardiens d’immeuble : principes généraux, astreinte de nuit, permanence et congés

19/12/2017 Dossiers conseils Conseil

En tant qu’employeurs, les syndicats des copropriétaires sont souvent confrontés aux épineuses questions suivantes :

  • L‘astreinte de nuit est devenue illégale pour les contrats de travail signés après  le 1er janvier 2003 : peut-on la supprimer pour les contrats antérieurs à cette date ?
  • Peut-on supprimer la permanence des week-ends et jours fériés ?
  • Qu’en est-il des jours de congés non pris par le salarié à la suite d’un désaccord sur la date de prise des congés ?

1. Les faits

Un gardien d’immeuble embauché en1995 saisit le Conseil des Prud’hommes pour réclamer le rappel de salaires en contestant les trois points suivants :

  • La suppression de l’astreinte de nuit par l’employeur, donc le syndicat des copropriétaires, en 2012,
  • La suppression des permanences les week-ends et jours fériés par l’employeur par lettre de 2009 pour se conformer à la législation sur la durée du travail
  • N’ayant pas pu prendre 12 jours de congé en 2012 suite à un désaccord sur la date de prise de ces congés, il en demande le paiement ainsi que 2 jours complémentaires  au titre de son ancienneté.

La Cour d’appel est saisie par le syndicat des copropriétaires qui a été condamné au paiement de la totalité des rappels de salaire par le conseil des Prud’hommes.

2. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 juillet 2016

La Cour d’appel de Paris confirme le jugement sur le premier point, l’astreinte, mais elle l’infirme sur les points suivants :

  • Sur l’astreinte de nuit :

l’astreinte de nuit (ne concerne plus désormais que les seuls contrats antérieurs au Ier janvier 2003) consistait pour le salarié à être présent la nuit dans son logement de fonction pour appeler les numéros d’urgence en cas de sonnerie des alarmes.

 Le syndicat indique que cette astreinte n’existe plus depuis 2012 et qu’elle ne correspond plus aux besoins de la copropriété.
La Cour relève, comme l’avait fait le juge de 1ère instance, que cette astreinte est incluse dans le contrat de travail sous la rubrique : « Décompte de salaire » qui est composé de : la rémunération de base, d’un complément de salaire et de l’astreinte de nuit. 
L’astreinte de nuit étant une composante du salaire contractuellement établie par les parties, elle ne peut pas être supprimée sauf modification du contrat de travail avec accord exprès du salarié
Le gardien n’ayant pas donné son accord, il s’agit donc d’une modification unilatérale de l’employeur, qui est illégale. Le syndicat des copropriétaires doit donc régler l’astreinte de nuit jusqu’à la date de fin du contrat de travail.

  • Sur le rappel de salaire au titre des permanences de fins de semaines et jours fériés :

le syndicat a décidé par courrier de 2009, pour se conformer à la législation sur la durée du temps de travail, de supprimer la permanence assurée un week-end sur deux et les jours fériés.

La cour infirme le jugement qui avait condamné à un rappel de salaire aux motifs que :

  • la rémunération relative aux permanences n’est pas incluse dans la décomposition du salaire.
  • Le contrat de travail prévoit bien le principe de cette permanence en alternance avec un autre gardien, mais sans que la rémunération afférente soit intégrée dans le salaire contractuel du gardien.
  • Elle n’est pas obligatoire parce qu’il s’agit d’une simple sujétion, à savoir une condition particulière d’exécution du contrat de travail liée à la nature des prestations dues.  

La cour estime donc que cette suppression de la permanence de jour les week-ends entre dans le pouvoir de direction de l’employeur (l’accord du salarié n’est donc pas nécessaire).

  • Sur le rappel des salaires au titre des congés payés qui n’ont pas été pris.

Le gardien réclame la paiement de 12 jours de congés payés non pris en 2012 ainsi que 2 jours au titre de l’ancienneté parce que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de la convention collective sur la date des congés qui doit être fixée d’un commun accord ( syndic et salarié ) .
L’employeur avait averti à la mi-avril 2012 que les congés d’été devaient  être pris entre le 1er juillet et le 31 août, la plupart des copropriétaires étant absents ce qui allège de fait les tâches à réaliser.
Le gardien refuse de prendre ses congés pendant cette en période en soutenant que selon un usage, et depuis déjà quelques années, il prend ses congés en septembre.

La Cour rappelle :

-  que la période de congés d’été va du 1er juin au 31 octobre de chaque année - que selon l’art 25 de la convention collective des employées et gardiens d’immeuble, c’est à l’employeur de mettre en place la fixation de la date de congés pendant cette période, et ce en concertation avec le salarié. «  sans toutefois que l’accord de celui-ci (le salarié ) soit une condition  nécessaire des dates retenues , un tel accord n’étant nullement prévu expressément par l’art 25 et que les 1ers juges ont rajouté audit texte une condition qu’il ne prévoit pas ».
La Cour déboute donc le gardien de sa demande de rappel de salaire pour congés payés non pris et non payés.

En conclusion

Il faut tirer deux enseignements de cet arrêt :

  • Bien distinguer la modification du contrat de travail de l’organisation du travail dans le cadre du pouvoir de direction de l’employeur (par l’intermédiaire du syndic).

La modification suppose que des clauses contractuelles essentielles touchant par exemple au taux d’emploi ou à la durée du temps de travail, au salaire, au statut sont modifiées. Dans ce cas il faut alors l’accord des deux parties.
Cela nécessite un avenant au contrat de travail négocié entre les parties, avec un délai de réflexion laissé au salarié qui doit formuler un accord exprès.
À défaut il s’agit d’une modification unilatérale donc illégale.

L’organisation du travail : cet aménagement ne doit pas avoir pour conséquence de modifier un élément essentiel du contrat de travail et ne doit donc pas faire l’objet d’un avenant. Cela fait partie du pouvoir de direction de l’employeur qui intervient pour  imposer des changements dans l’organisation du travail au regard de l’évolution de la copropriété sans avoir besoin de l’accord exprès du salarié.

  • Bien distinguer la concertation et le pouvoir de décision pour fixer les dates entre lesquelles sont pris les congés payés d’été : la fixation de la période des congés d’été est du ressort de l’employeur sans que l‘accord exprès du salarié soit requis.

Attention toutefois : il s’agit uniquement d’un arrêt de la Cour d’appel.

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