L’ARC, le choix de la banque et les petits syndics Première chronique : Pourquoi le compte unique est-il le plus répandu, alors que le compte séparé est la loi ? Quels sont les principaux abus actuels en matière de faux vrai compte séparé ?

05/12/2013 Dossiers conseils Conseil

L’ARC, le choix de la banque et les petits syndics

Première chronique : Pourquoi le compte unique est-il le plus répandu, alors que le compte séparé est la loi ? Quels sont les principaux abus actuels en matière de faux vrai compte séparé ?
 
 
Nous vous annoncions la semaine dernière quatre chroniques sur le sujet du  « choix de la banque et les petits syndics ». Nous allons donc cette semaine aborder un premier thème qui est :
pourquoi le compte unique est-il le plus répandu, alors que le compte séparé est la loi ? Quels sont les principaux abus actuels en matière de faux vrai compte séparé ?
 
  1. Pourquoi le compte unique est-il le plus répandu, alors que le compte séparé est la loi ?
 
En l’an 2000, le parlement a voté la loi SRU qui a introduit, dans la loi du 10 juillet 1965, dans son article 18, l’obligation pour le syndic d’ouvrir pour chaque syndicat de copropriétaires, qu’il gère, un compte bancaire séparé. Treize ans après son entrée en vigueur, 90% des copropriétés ne disposent toujours pas d’un compte bancaire séparé. Une raison essentielle explique cette situation. Cette même loi a, en effet, prévu une exception au principe en donnant la possibilité au syndic de faire voter lors de l’assemblée générale la dispense d’ouvrir un compte  bancaire séparé. Dans ce cas, les fonds de la copropriété sont déposés sur le compte bancaire du syndic.
Pour obtenir cette dérogation, les syndics ont fait pression auprès des députés en invoquant le fait que dans certains cas bien spécifiques, il était préférable pour une copropriété de déposer leur fonds sur le compte unique du syndic. « Imaginez-vous une copropriété de trois lots qui doit refaire en urgence sa toiture, où va-t-elle trouver l’argent ? » ou encore « Comment une copropriété va-t-elle payer sa facture de chauffage si elle n’a pas d’argent sur son compte du fait d’impayés importants ? » Des cas bien farfelus extrêmement marginaux, qui souvent sont de la seule responsabilité du syndic, mais qui ont tout de même eu un écho positif auprès des députés, qui ont ainsi accepté d’intégrer dans la loi la possibilité de dispense.
 
Aujourd’hui, le constat est que toutes les copropriétés qu’elles soient petites ou grandes  se retrouvent souvent contraintes d’accorder à leur syndic la dispense du compte séparé même si elles se sont dans une situation financière saine avec des fonds placés. Pourquoi ? Car de nouvelles arguties ont été avancées comme le fait que le compte séparé coûte cher aux syndics. Ces derniers ont donc exercé auprès des copropriétaires un réel chantage financier en demandant jusqu’à 50% d’augmentation sur leurs honoraires de base en cas d’ouverture d’un compte bancaire séparé. C’est ainsi que dans la grande majorité des cas, les copropriétaires se sont résignés à accepter « de force » la dispense du compte bancaire séparé.
 
Pourquoi cet acharnement à empêcher le compte bancaire séparé ?
 
 
En déposant l’ensemble des fonds des copropriétés sur le compte unique du syndic, ce dernier perçoit des produits (ou une rémunération) financiers à hauteur des fonds déposés. À cela se rajoute le fait que le syndic est en meilleure position pour imposer à son banquier ses conditions afin obtenir par exemples des modalités financières particulières ou pour négocier un prêt pour son cabinet à taux préférentiel. Les produits financiers qu’ils obtiennent même avec un taux d’intérêt à 3% s’avèrent au final être extrêmement lucratif surtout par les grands groupes. Cette situation entraîne une concurrence déloyale du fait que les grands groupes peuvent se permettre de réduire leurs honoraires voir même réaliser des campagnes de dumping du fait qu’ils récupèrent ainsi « le manque gagné » par des rémunérations parallèles comme les produits financiers . 
 
Malgré tout, les copropriétaires ont appris à refuser le compte bancaire unique donc à refuser la dispense.
 
C’est alors que sont apparus les problèmes, syndics et banquiers mettant en place de nombreuses astuces pour faire croire qu’il y avait « compte séparé » alors qu’il n’y avait pas de vrai compte séparé. Voyons cela.
 
Quels sont les principaux abus actuels en matière de faux vrai compte séparé ?
 
Il est extrêmement difficile de lister l’ensemble des  abus en matière de faux compte bancaire séparé. La raison est que les syndics, parfois avec l’aide des banques, s’adaptent en imaginant de nouvelles techniques pour détourner la vigilance du conseil syndical. On a pu s’apercevoir au cours des ces dernières années une évolution des pratiques de plus en plus sophistiquées laissant le conseil syndical dans l’incertitude.
 
À titre d’illustration, voici les abus les plus récurrents :
 
  • La banque fournit une attestation de compte bancaire séparé signé alors que le compte est ouvert uniquement au nom du syndic.
 
  • La banque fournit une attestation de compte bancaire séparé dans laquelle est mentionné uniquement comme titulaire du compte « le syndicat des copropriétaires » alors que sur la convention de compte figure aussi le  nom du syndic( ce qui prouve qu’il ne s’agit pas d’un compte séparé).
 
  • Le compte bancaire est bien établi au nom du syndicat des copropriétaires mais il est tout de même fusionné avec celui du syndic.
 
  • Le code APE identifiant l’activité du titulaire du compte indique : « administration de biens » alors même que le compte est censé être ouvert au nom du syndicat des copropriétaires.
 
  • Les syndics ouvrent les soi-disant comptes bancaires séparés dans des établissements bancaires se situant à plus de 400 KM de leur cabinet de syndic : curieux, non ?
 
  • La banque invoque « le secret professionnel » pour ne pas répondre au conseil syndical sur des questions qui concernent le compte séparé de la copropriété.
 
  • Des banques proposent par écrit aux syndics l’utilisation de « comptes reflets » alors que ces derniers sont proscrits par l’autorité de contrôle prudentiel.
 
  • Une convention de compte est présentée sur une seule page sans préciser les informations essentielles comme le code APE ou le numéro d’immatriculation du compte ou sa date d’ouverture.
 
  • La banque indique qu’elle avait commis une erreur concernant la mauvaise utilisation du code APE (le code administrateur de biens), mais est prise ensuite à refaire la soi-disant même erreur sur un autre dossier.
 
  • Des numéros de chèque indiqués sur le grand livre ne correspondent pas à ceux indiqués sur le relevé bancaire.
 
Comme on le constate, les abus et « trucage » sont nombreux, avec un refus de plus en plus fréquent des syndics et des banques, pour répondre aux questions du conseil syndical.
 
C’est pour cela que l’ARC a mis en place « un observatoire des pratiques des syndics et des banques » sur la mise en place de faux compte bancaire séparé.
 
D’ailleurs, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que la loi ALUR telle que rédigée actuellement ne résoudra pas complètement le problème des faux comptes séparés et continuera à laisser prospérer des abus.
En effet, certains syndics  considèrent que le compte bancaire individualisé présente les mêmes caractéristiques que le compte séparé et continueront ainsi même à la suite de l’entrée en vigueur de la loi ALUR à tenir des comptes individualisés.
Nous vous expliquerons lors de la chronique suivante - la semaine prochaine- pourquoi un compte individualisé ne peut pas être assimilable à un compte séparé. Cette question nous permettra de répondre à une autre à savoir : « Pourquoi il faut donner au syndicat des copropriétaires la possibilité de mettre en concurrence la banque du syndic et pourquoi, si la banque du syndic répond aux demandes des copropriétés, il n’y aura aucune raison pour la copropriété d’aller ailleurs ».