La loi bonus-malus : « très malus dit le Sénat »

21/02/2013 Actions Action

La loi bonus-malus : « très malus dit le Sénat »

 

 

  • Comme vous ne le savez peut-être pas, le Sénat a - à une large majorité - rejeté une deuxième fois toutes les dispositions de la loi bonus-malus concernant précisément le bonus-malus !

 

Certes cette loi « usine à gaz » sera sans doute votée par l’Assemblée Nationale (on souhaite bien du plaisir à ceux qui devront rédiger - ou essayer de rédiger - les décrets d’application).

 

De notre côté nous pensons aussi que cette loi et ses modalités sont inopportunes.

 

Nous l’avions écrit aux sénateurs et nous espérons avoir contribué à les conforter dans leur opposition.

 

Voici d’ailleurs le texte de la lettre que  nous avions adressé à TOUS les sénateurs :

 

Paris, le 7 Février 2013

 

Objet : Les effets « pervers », paradoxaux et négatifs qu’entraînera certainement la loi bonus-malus en copropriété

 

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

 

Alors que - à l’ARC et à l’UNARC - nous sommes des partisans acharnés de la mise en place de mesures et travaux ambitieux dans les copropriétés en ce qui concerne la rénovation énergétique, nous pensons que les dispositions relatives à la copropriété dans la loi bonus-malus - qui paraissent juste et surtout de nature à entraîner vers des travaux d’amélioration ambitieux auront, en réalité, les effets inverses, évidemment non voulus par les parlementaires.

 

Nous allons précisément montrer comment la loi bonus-malus va :

 

  • induire des situations négatives dans les copropriétés les moins énergivores ;
  • induire des situations de grande injustice et - parfois de précarité énergétique - dans les copropriétés les plus énergivores ;
  • risquer par ailleurs de freiner le mouvement de rénovation énergétique ambitieuse dans les copropriétés au lieu de l’accélérer.

 

Autant d’effets évidemment indésirables.

 

I. Les idées qui sous-tendent la loi bonus-malus

 

Les idées qui semblent avoir inspiré la loi et qui paraissent être de bon sens sont les suivantes :

 

  1. il faut imposer aux copropriétés qui ont le chauffage collectif la pose de répartiteurs de frais de chauffage, ce qui va forcer les occupants à être responsables et  à faire des économies, puisqu’ils en auront le bénéfice, bénéfice que va renforcer la loi bonus-malus ;
  2. l’imposition des répartiteurs n’est pas contestable puisque les économies moyennes sont supérieures au coût du dispositif ;
  3. le bonus-malus va inciter les copropriétés à aller plus loin et à engager des gros travaux de rénovation énergétique.

 

II. Les illusions de cette approche

 

  1. Première illusion : dans les immeubles mal isolés thermiquement (la grande majorité des immeubles en France), les gains ne sont pas fonction du comportement, seulement, mais de la situation des logements. Il y a les gagnants du système des répartiteurs (ceux dont les logements sont bien situés dans l’immeuble) et les perdants (ceux qui sont mal situés).

 

Les coefficients correctifs (qui ne sont PLUS obligatoires) sont incapables de compenser cette distorsion, d’autant que celle-ci génère des comportements (volontaires ou non) connus sous le nom de « vols de calories » : les occupants des logements bien situés ne vont pratiquement plus se chauffer, utilisant la chaleur des logements mitoyens qui sont, alors, forcés d’augmenter leur chauffage.

 

Il est évident que la loi bonus-malus va accélérer cette distorsion et créer ainsi des situations qui pourront être assimilées à des situations de précarité énergétique.

 

  1. Deuxième illusion : le système n’est pas aussi efficace qu’on le pense ; globalement le coût de celui-ci (location-relevé-frais de syndic) correspond presque au montant des économies générées (de l’ordre de 5 à 15 % et non de 15 à 20 % comme essaient de le faire croire les prestataires).

 

[À noter : les contrats sont des contrats de dix ans ; le prix peut-être de l’ordre de 12 € par radiateur et par an [sachant que dans un F4 il y a six radiateurs] à quoi se rajoutent les frais de gestion du syndic ; jusqu’à 10 € par radiateur et par an comme dans un gros cabinet parisien, le cabinet DELGUEDRE].

 

  1. Troisième illusion : les répartiteurs - loin d’être l’antichambre des gros travaux d’isolation thermique - en sont souvent le tombeau.

En effet, les « gagnants » de la répartition n’ont aucun intérêt à voter et payer des travaux qui vont profiter surtout aux autres. C’est ce qu’a démontré le sociologue Gaëtan BRISEPIERRE dans une thèse réalisée pour le compte de GDF-Suez : http://gbrisepierre.fr/tag/these/.

III. Et pour finir... une anticipation aux effets très négatifs

 

Oui, pour finir nous nous apercevons que la loi bonus-malus prévoit d’anticiper de deux ans et trois mois l’obligation de pose de répartiteurs ou de compteurs prévue par le décret du 23 avril 2012.

 

 

Voici comment cette modification a été justifiée par l’auteur de l’amendement :

 

« À l’heure actuelle, l’obligation d’installation de compteurs individuels est fixée à 2017. Il convient d’avancer cette date afin de permettre une application égalitaire et juste du dispositif du bonus-malus ».

 

 

Ceci est une pure folie. Pourquoi ?

 

  1. d’abord les prestataires sur la place (type ISTA, PROXISERVE, ou les sociétés filiales de GDF-Suez ou EDF, etc.) sont déjà saturés de demandes et - de fait - assurent un travail de mauvaise qualité :

 

  • robinets thermostatiques mal installés ;
  • compteurs ou répartiteurs mal posés et de mauvaise qualité (problème de télé-relevés) ;
  • problèmes nombreux concernant les calculs des coefficients de pondération, etc.

 

  1. ensuite cela laissera aux copropriétés au maximum DEUX assemblées générales (celle de 2013 et celle de 2014) pour voter, sur le choix d’un contrat de pose-location-relevé des répartiteurs ou de compteurs. Il y aura donc goulot d’étranglement et donc ABSENCE de véritable mise en concurrence, ce qui est contraire à l’esprit de la loi de 1965.

 

Pire : il y aura sans doute entente (entre les grands prestataires) et imposition de prix excessifs. Imaginez les assemblées générales en 2014 obligées de voter un contrat, sachant que TOUS les contrats sont des contrats de DIX ans...

 

En précipitant ainsi la pose des répartiteurs, le Parlement va une fois encore (comme avec les ascenseurs) livrer les usagers à une pression commerciale et des hausses de prix impossibles à contourner, sachant - nous le répétons - que les syndics de copropriété feront tout pour profiter eux aussi de la bonne aubaine.

 

Conclusion.

 

Nous vous demandons - en tant que présidente et président des associations les plus représentatives et les plus actives en matière de rénovation énergétique - de bien vouloir prendre en compte les informations et analyses précédentes et, vous en remerciant, vous prions de recevoir, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l’assurance de nos salutations distinguées.

 

            Fernand CHAMPAVIER                                       Marie Noëlle AMBLÉS

            Président de l’ARC                                                Présidente de l’UNARC ».