La notification des convocations d’assemblées générales par voie électronique

03/01/2013 Actions Action

La notification des convocations d’assemblées générales par voie électronique 

 
 
I. Un décret retardé
 
Dans une réponse ministérielle récente, il était fait allusion à la publication d’un décret sur la notification par voie électronique dès la fin de l’année 2012.
 
Or, à ce jour (début 2013) il n’est même pas certain que - à ce jour - le décret ait été envoyé pour examen au Conseil d’État.
 
Dans la mesure où beaucoup de personnes s’interrogent sur ce projet de décret et que celui-ci circule dans les milieux spécialisés, nous avons décidé - sans en dévoiler ni le texte ni le contenu précis, ce que nous ne pouvons pas faire - d’en expliquer les ressorts et, surtout d’expliquer ce que nous souhaiterions voir évoluer ou changer dans ce projet de décret.
 
II. Un décret « poussé » depuis de longs mois
 
En effet, tout ce que la France compte d’opérateurs en « envoi de lettres électroniques » s’agite depuis de longs mois pour obtenir la sortie de ce décret et les autorités françaises elles-mêmes (surtout BERCY) voient la notification électronique d’un très bon œil pour des raisons économiques (le développement du numérique).
 
Nous allons essayer d’expliquer les freins et accélérateurs qui sont à l’œuvre, ainsi que les enjeux et les problèmes posés par le projet de décret.
 
IV. Retour au point de départ
 
Depuis plusieurs années beaucoup de monde réclame la possibilité d’envoyer les convocations par Internet. « La possibilité d’envoi par télécopie ayant été introduite dans le décret de 1967, pourquoi l’envoi par mail n’a pas, de son côté, été rendu possible ? », demandons-nous.
 
À quoi répondent tous les fous furieux de la « sécurité des envois informatiques » :
 
« Le mail n’est pas suffisamment sécurisé ; en effet :
 
  • comment être sûr que celui qui envoie la convocation est bien le syndic ?
  • comment être sûr que la convocation envoyée est la bonne ?
  • comment être sûr que celui qui est destinataire de la convocation a bien été averti à temps qu’il été destinataire d’une convocation ?
  • comment faire si une panne partielle du système informatique avait lieu ?, etc, etc. ».
 
Bref, alors qu’aujourd’hui un syndic peut passer par n’importe quel sous-traitant pour envoyer des convocations (qui peuvent être du papier blanc) sans aucun respect des délais et en passant par un facteur qui va faire signer la petite fille de treize ans en lieu et place de « maman » ou qui peut faire la grève, voilà qu’on met en avant mille problèmes qui induisent mille précautions, sophistications, respects de normes incompréhensibles et autres tortures informatiques pour justifier la mise en place d’un système très complexe, celui précisément que veut introduire le décret :
 
  • signature électronique du syndic et des copropriétaires ;
  • traçabilité totale ;
  • coffre-fort électronique personnel, etc, etc.
 
Evidemment cette course à la sécurisation-sophistication à outrance ne fait pas que des malheureux. Des sociétés spécialisées (qui ont déjà développé des solutions qu’elles veulent imposer) sont déjà présentes sur le marché  et souhaitent capter cet énorme et compliqué marché.
 
 Car derrière la notification électronique il y a :
 
  • les recommandés électroniques ;
  • l’archivage électronique ;
  • l’ouverture et la gestion d’espaces numériques dits sécurisés et personnalisés pour des millions de copropriétaires...
 
bref, l’Eldorado pour les sociétés spécialisées !
 
Il est certain que si le système est trop simple, ces grosses sociétés et leurs moyens ultra sophistiqués seraient facilement concurrencées par des petites sociétés.
 
On va voir, cependant, que les gros opérateurs ne sont pas les seuls à être intéressés par un système hyper-complexe et hyper-sophistiqué.
 
V. Les gros syndics eux aussi
 
Les gros syndics ont, en effet, tout de suite vu l’intérêt de la notification électronique. Pour le comprendre, faisons une démonstration chiffrée.
 
Aujourd’hui la notification d’une convocation d’assemblée générale est facturée cher aux copropriétaires :
 
  • frais d’envoi et d’acheminement ;
  • frais de photocopies.
 
On peut calculer que la convocation plus la notification du procès-verbal sont facturées au minimum 40 € par copropriétaire et par an, soit 2 000 euros pour une copropriété de 50 lots.
 
Aujourd’hui, ces 2 000 euros sont - grâce à l’ARC - de plus en plus contestés par les copropriétaires, qui comprennent que la marge prise par les syndics est énorme.
 
Sachant que les honoraires de base sont de 150 euros par lot, cela donne, pour 50 lots, 7 500 euros, plus les 2 000 euros de notifications surfacturées et sur lesquels les syndics (ils finissent enfin par l’admettre) font une marge prodigieuse.
 
Les gros syndics sont donc intéressés à faire une double opération :
 
  1. intégrer les frais de notification actuels dans un « forfait » (si nous reprenons notre exemple, cela donne 7 500 plus 2 000 = 9 500 euros) ;
  2. développer une plateforme d’envoi des convocations par voie électronique, envoi qui pourra être effectué pour un prix très faible (plus de papier ; plus de frais de recommandés).
 
Et voilà pourquoi les gros syndics sont intéressés par la notification électronique et poussent, eux aussi, dans le sens d’une sophistication extrême : car ils disposent déjà de moyens informatiques énormes qui leur permettront sans surcoût excessif de mettre facilement en place de telles plateformes internes d’envoi par voie électronique.
 
Ceci dit, cette situation pose problème. On va voir pourquoi.
 
VI. Les syndics peuvent-ils être « juge et partie » ?
 
Quand un syndic envoie une lettre RAR et ne respecte pas les formes et délais, cela peut actuellement se prouver en raison de la présence d’un tiers opérateur de confiance (en l’occurrence la Poste). Le copropriétaire peut ainsi, par exemple, faire la preuve qu’il n’a PAS été convoqué ou PAS dans les délais.
 
Mais si le syndic est lui-même opérateur, cette preuve peut être impossible à fournir, le syndic étant comme on dit « juge et partie ». C’est ce que nous avons fait valoir auprès du Ministère de la Justice (nous attendons la réponse) pour justifier une demande de modification du projet du décret.
 
 VII. La Poste affolée se réveille
 
N’ayant pas vu le danger venir, la Poste vient, en effet, de se réveiller. Là aussi ; expliquons :
 
  • le « poids » de l’envoi des recommandés dans le chiffre d’affaires de la Poste est considérable et l’importance des convocations d’assemblées générales dans ce chiffre d’affaires est, là aussi, considérable (25 % !) ;
  • or, la lettre recommandée électronique mise en place par un décret de 2011 s’applique uniquement dans le cadre d’un contrat et non dans le cadre de la gestion des copropriétés.
 
Donc : ca-tas-tro-phe ab-so-lue pour la Poste.
 
La Poste a donc contre-attaqué et a réussi à obtenir du Gouvernement qu’il inclut par décret la possibilité d’application de la lettre électronique AUSSI aux notifications des assemblées générales. C’est cependant juridiquement contestable et de nombreux juristes grincent des dents (ce qui inquiète le Ministère de la Justice) en affirmant qu’il faut changer la loi avant de publier le décret pour que la lettre électronique ne s’applique pas qu’au contrat.
 
VIII. Une absence d’obligation pour les syndics
 
Il y a encore un autre problème lié à ce décret.
 
En fait les copropriétaires qui le souhaitent ne pourront accéder au bénéfice d’une notification électronique QUE si leur syndic est d’accord pour leur proposer cette possibilité.
 
Ainsi, ce qui est censé être un progrès décisif sera uniquement fonction du bon vouloir des syndics. Ne marcherait-on pas sur la tête ?
 
IX. Les usagers se rebiffent
 
Pour les copropriétaires et les représentants de copropriétaires que nous sommes, tout cela est beaucoup trop compliqué. Étant parti de l’idée d’un simple mail sécurisé (comme cela se passe en Belgique), on arrive à un double, voire un triple système :
 
  • celui de la Poste ;
  • celui des gros opérateurs numériques ;
  • celui des gros syndics.
 
Par ailleurs, le décret - malgré nos demandes et protestations - est (dans sa version actuelle) totalement muet sur le problème du coût et de l’accès (pour les copropriétaires) au contrat qui serait éventuellement signé par le syndic avec un opérateur (et donc aux conditions financières).
 
Bien sûr, au départ, le système sera bon marché pour attirer le client. Mais dans un an, deux ans, quand les copropriétaires seront habitués ?!
 
Nos demandes sont donc claires, argumentées et précises :
 
  1. Nous demandons d’abord que le système de notification électronique soit allégé et simplifié.
  2. Nous demandons que les syndics ne puissent PAS - eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’une filiale - envoyer des lettres RAR ou des notifications électroniques.
  3. Nous demandons que les syndics puissent adresser des notifications électroniques non pas si eux le veulent, mais si les copropriétaires le veulent. Dans la mesure où le système sera simple, cela ne posera aucun problème même à nos syndics bénévoles qui - au contraire - profiteront ainsi des évolutions technologiques pour alléger leur travail.
  4. Enfin, nous demandons une totale transparence financière du système pour les copropriétaires.
 
Serons-nous entendus ? Les sages du Conseil d’État vont-ils entendre nos arguments et faire revenir sur terre les auteurs du projet de décret ? Nous nous attendons à tout : au meilleur comme au pire...
 
 
 
 
*