L’alerte donnée par la Fondation Abbé Pierre sur la diffusion du mal -logement dans les copropriétés en difficulté : un écho aux actions de l’ARC

13/02/2014 Actions Action

L’alerte donnée par la Fondation Abbé Pierre sur la diffusion du mal -logement dans les copropriétés en difficulté : un écho aux actions de l’ARC
 
 
Dans son 19e rapport annuel sur l’état du mal-logement, la Fondation Abbé Pierre, consacre un chapitre entier aux copropriétés en difficulté, en montrant qu’elles constituent aujourd’hui une forme incontournable du mal-logement.
 
L’axe central des préconisations de la Fondation Abbé Pierre pour engager « un nouveau cycle d’action » en faveur du redressement des copropriétés en difficulté, est de « partir des besoins des personnes concernées pour bâtir une politique ». Cette proposition fait écho aux interpellations et aux actions que l’ARC conduit depuis la fin des années 1980 sur ce sujet.
 
Le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre évoque les limites de certaines interventions publiques sur les copropriétés en difficulté « focalisées sur le cadre bâti » voire sur la réalisation de « travaux d’excellence ».
 
En effet, si la dégradation du bâti et des équipements de la copropriété est un symptôme très visible des difficultés d’une copropriété, ce n’est pas le seul facteur des problèmes rencontrés. C’est en quelque sorte seulement la face émergée de l’iceberg. Pour comprendre et traiter l’origine des problèmes rencontrés, il est nécessaire de plonger…. dans les comptes de la copropriété. Deux autres symptômes clés caractérisent une copropriété en difficulté :
 
  • des charges courantes particulièrement élevées, disproportionnées par rapport au service rendu
  • le développement d’impayés de charge, voire d’un endettement de la copropriété vis-à-vis de ces principaux fournisseurs et prestataires.
 
Ces difficultés - qui se nourrissent mutuellement - peuvent s’expliquer différemment d’une copropriété à un autre, chaque histoire est particulière. Elle peuvent découler de fragilités structurelles (malfaçons de construction, vétusté, complexité juridique, copropriété très petite ou très grande…) mais résultent surtout d’un laxisme ou d’incompétences dans la gestion (absence de contrôle des dépenses, carences d’entretien, indélicatesses ou malversation de la part d’anciens syndics ou de prestataires, absence de réaction et de mesures face aux impayés…)[1].
 
C’est pourquoi le redressement d’une copropriété donc une approche globale et sur mesure, abordant tous les registres à la fois et notamment l’assainissement de l’équilibre financier de la copropriété et l’amélioration de sa gestion[2].
 
Dans cette dynamique de redressement, les copropriétaires élus au sein du conseil syndical pour assister et contrôler leur syndic jouent un rôle primordial. L’investissement des conseils syndicaux dans la gestion de leur copropriété est indispensable pour accompagner le syndic afin de maîtriser les charges, recouvrer les impayés, assainir les finances, mettre fin aux carences d’entretien et aux dérives. C’est également le moteur qui permet de remobiliser les copropriétaires et les habitants en faveur du redressement et de la revalorisation de leur copropriété.
 
L’intervention publique sur les copropriétés en difficulté ne respecte pas toujours ces dynamiques. L’objectif de réaliser rapidement des gros travaux visibles peut notamment souvent prendre le pas sur les actions nécessaires à la remobilisation des instances de gestion et au rééquilibrage financier de la copropriété, préalables pourtant indispensables à la viabilité du programme de rénovation. Mal engagés, les gros travaux peuvent en effet précipiter la dégradation de la copropriété plutôt que la redresser : sans diminution des charges courantes sans restauration d’un climat de confiance et sans mesure pour stopper les impayés, les copropriétaires vont avoir des difficultés et des réticences à honorer le paiement des travaux, les impayés vont continuer à se creuser et les copropriétaires les plus mobilisés vont définitivement se décourager et partir.
 
Parfois, la puissance publique est même tentée de se substituer aux copropriétaires et aux  instances de gestion de la copropriété pour faire passer en force un programme de travaux et contrecarrer un phénomène de paupérisation. Elle peut pour cela appeler à un organisme HLM pour racheter les logements de la copropriété ou faire nommer un administrateur provisoire qui se substitue à l’assemblée générale. Mais loin de faciliter l’intervention, ces tentatives de substitution accentuent au contraire les difficultés de la copropriété et peuvent conduire à des situations d’impasse. Voyant leurs prérogatives confisquées, les derniers copropriétaires qui s’investissaient pour remettre en place une gestion maîtrisée et saine se démotivent et quittent le navire. Les pouvoirs publics peuvent alors se retrouver eux-mêmes piégés par les difficultés croissantes de la copropriété. Solutions de la dernière chance, les opérations de démolition peuvent être particulièrement préjudiciables pour les habitants, en particulier les copropriétaires occupants qui n’ont pas de garantie de relogement et qui reçoivent des indemnités très réduites ne compensant généralement pas leurs dettes de charges.
 
Dans une copropriété fragile ou en difficulté, ce qu’on appelle communément la « participation des habitants » n’est pas une formalité, c’est une condition indispensable pour un redressement effectif, durable et pérenne. Comme l’affirme le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre : « afin de parvenir au redressement des copropriétés, les interventions doivent placer les habitants au cœur des instances de gouvernance en les associant aux décisions et aux actions ».
 
C’est pour cela que depuis de nombreuses années, l’ARC aide les « responsables de copropriétés » - conseils syndicaux et syndics bénévoles -  à se former sur tous les problèmes de la copropriété pour être en mesure de contrôler les professionnels (syndics, entreprises, prestataires, fournisseurs…) et résoudre les problèmes juridiques, pratiques et financiers de leur copropriété.
 
Depuis la fin des années 1980, l’ARC n’a par ailleurs cessé de sensibiliser les pouvoirs publics à ces problèmes, tout en bâtissant des outils et des partenariats pour améliorer l’efficacité des interventions et renforcer le « pouvoir d’agir » des conseillers syndicaux.
 
Des avancées notables ont été réalisées ces dernières années, notamment avec :
 
  • le rapport de Dominique Braye, président de l’ANaH, qui a souligné la nécessité d’agir de façon préventive et précoce dans les copropriétés fragiles et qui a contribué à faire émerger, à titre expérimental, de nouveaux « programmes opérationnels de prévention et d’accompagnement en copropriété » (POPAC)
 
  • La mobilisation des collectivités locales de plus en plus nombreuses à vouloir jouer un rôle actif dans la prévention des risques pour leurs copropriétés. L’ARC a ainsi tissé avec plusieurs villes des partenariats pour mettre en place un « plan local copropriété » visant à fédérer les intervenants locaux, former les copropriétaires, repérer les situations de fragilité et mettre en place un observatoire local des charges : www.unarc.fr/8q4d
 
  • Certaines dispositions de la loi ALUR et notamment l’instauration d’un fonds travaux obligatoire qui va contribuer à améliorer les capacités d’entretien des copropriétés et à protéger les copropriétaires modestes. (On parle de l’abandon de créance ?)
 
A contrario, certaines mesures de la loi ALUR concernant spécifiquement les « copropriétés très dégradées » font craindre de certains droits des copropriétaires dans les situations les plus extrêmes. Sur ces questions, n’hésitez par à consulter les actualités de notre site internet. Nous proposons des notes d’analyse sur les dispositions de la loi et leurs évolutions au fur et à mesure des lectures à l’Assemblée et au Sénat. Nous préparons à ce sujet un mini-guide spécial sur la « loi ALUR et les copropriétés en difficulté » ainsi qu’une journée de colloque.
 
La Fondation Abbé Pierre s’est engagée de longue date, aux côtés de l’ARC, sur la question des copropriétés en difficulté. Elle a en effet très tôt participé à des expérimentations sur des interventions innovantes telle que le « portage provisoire ». Aujourd’hui, l’ARC et la Fondation Abbé Pierre réfléchissent ensemble, avec la Fondation de France, aux façons de consolider les actions de redynamisation des copropriétés en difficulté à travers la mobilisation collective des conseils syndicaux, des copropriétaires et de l’ensemble des habitants.


[1] A ce sujet, nous vous invitions à consulter notre excellent guide : Traiter les copropriétés fragiles ou en difficulté. Comment prévenir, agir et guérir, Vuibert, 152 pages, 2012.