Le CPE en copropriété : peut-on éviter les mauvais « coûts » ?

31/01/2013 Dossiers conseils Conseil

 

Le CPE en copropriété : peut-on éviter les mauvais « coûts » ?

 

Pourquoi avons-nous réalisé un dossier sur le CPE ou Contrat de Performance Energétique ? Pour au moins deux raisons :

 

  1. en raison d’abord de la publication, le 3 décembre 2012, du décret d’application de l’article 7 de la loi Grenelle 2 qui prévoit que les copropriétés après avoir réalisé leur audit énergétique ou DPE (Diagnostic de performance Energétique) collectif obligatoire, vont devoir se prononcer sur un CPE OU un plan de travaux ;
  1. en raison, ensuite, du fait que beaucoup de personnes parlent du CPE comme d’un dispositif à valoriser, mais sans véritablement avoir fait le tour de la question.

 

C’est précisément le « tour de la question » que nous avons décidé de faire en quelques pages et pour tous. On verra d’ailleurs qu’au-delà des mises en garde, nous allons aussi pointer des solutions possibles.

 

I. Le CPE (Contrat de Performance Energétique) : un dispositif, en apparence, très adapté aux copropriétés

 

Rappelons en quelques mots que le CPE est un contrat qui se caractérise ainsi :

 

  • un groupement d’entreprises (chauffagiste plus entreprise du bâtiment plus architecte plus bureau d’études thermiques) propose un programme de travaux concernant tant les installations de chauffage que le bâti ;
  • ce groupement s’engage sur un objectif de consommations après travaux (garantie de résultat) ;
  • au besoin il propose aussi un financement de travaux (tiers-financement).

 

Le CPE c’est donc :

 

  1. un contrat concernant un programme de travaux  ;
  1. un contrat de gestion de chauffage (montant et durée) intégrant un objectif garanti de consommations après travaux ; à noter que le contrat P2 (maintenance) est souvent associé à un contrat P3 (garantie et renouvellement) et - ce qui est regrettable, comme on le verra au point VIII - à un contrat P1 (fourniture du combustible) ;
  1. éventuellement la prise en charge du financement des travaux, moyennant ensuite un remboursement sur un nombre d’années plus ou moins important.

 

Voici les raisons qui font que le CPE - qui est une sorte de contrat global clef en main - est souvent présenté comme un dispositif particulièrement adapté aux copropriétés dont on connaît les difficultés à savoir QUOI faire, COMMENT le faire et COMMENT le financer.

 

Nous allons voir que - derrière ces apparentes évidences - la réalité est beaucoup plus problématique.

 

II. Les partisans du CPE : grands groupes et représentants de l’État

 

On relève deux grandes catégories de partisans quasi inconditionnels du CPE.

 

  1. D’abord, naturellement, les grands groupes du bâtiment et du chauffage qui peuvent s’associer (ainsi que les fournisseurs d’énergie, éventuellement).

On peut nommer BOUYGUES, EIFFAGE, DALKIA, VINCI, SPIE, GDF-Suez et ses filiales, EDF et ses filiales...

 

Évidemment ces poids « lourds » ont mis en place des moyens importants pour faire entendre leur voix et leurs arguments. Par ailleurs, certains ont su se rapprocher d’autres grands groupes (de syndics, par exemple, comme NEXITY) pour tenter de faire passer plus efficacement leurs idées et leurs intérêts.

 

  1. Ensuite - et cela est plus curieux - on note dans la catégorie des défenseurs « inconditionnels » du CPE de nombreux responsables représentants l’État (Ministères du Logement et de l’Écologie, ADEME, Plan Bâtiment Durable ex-Grenelle).

 

Ces responsables d’État sont sincèrement persuadés que le CPE est bien adapté aux copropriétés et aux difficultés qu’elles ont, tout à la fois, de monter des programmes de travaux d’économies d’énergie et d’en contrôler les résultats énergétiques. Ces responsables semblent tenir le raisonnement suivant : « Certes le CPE n’est pas parfait et les contrats ne sont pas forcément toujours les plus intéressants possible pour les copropriétés, mais au moins, grâce au CPE, on peut atteindre 20, voire 30 % d’économies, ce qui est déjà satisfaisant. ».

 

Ce qui suit devrait permettre de relativiser cette approche optimiste...

 

III. Une loi sur-mesure mais en partie irréaliste

 

Une autre raison qui explique l’engouement des responsables d’État concernant le CPE vient de ce que ceux-ci croient sincèrement que les économies garanties vont pouvoir payer les travaux, TOUS les travaux.

 

Dans la loi Grenelle 1 on peut même découvrir un article (article 5) assez naïf qui en dit long sur l’illusion qui plane en matière de CPE. Citation :

 

III.  Afin de permettre une rénovation accélérée du parc résidentiel et tertiaire existant en matière d'économie d'énergie, l'État mettra en place des actions spécifiques incluant un ensemble d'incitations financières destinées à encourager la réalisation des travaux. Ainsi :


a) L'État favorisera la conclusion d'accords avec le secteur des banques et des assurances, tout en mobilisant les établissements financiers publics, pour développer le financement des investissements d'économie d'énergie ; ces accords auront pour objet la mise en place de prêts aux particuliers dont les caractéristiques financières permettront le remboursement des annuités d'emprunt au moyen des économies d'énergie réalisées ; de même, l'État encouragera la simplification et l'aménagement des contrats de performance énergétique en vue de faciliter leur diffusion, notamment dans les copropriétés, et s'assurera de l'élaboration de modèles de contrats de performance énergétique adaptés aux différents secteurs (résidentiel, tertiaire, industriel) ; il incitera le secteur des assurances à développer une offre de produits visant à garantir le bon résultat des travaux d'amélioration énergétique des bâtiments résidentiels. »

 

Les responsables d’État étaient (et sont encore pour certains) persuadés que le coût des travaux serait (via un prêt ou un CPE) entièrement compensé par la baisse des charges.

 

Or cela n’est vrai que pour certains types de travaux simples et efficaces (exemple : changement de chaudière) autrement dit « rentables », mais ne l’est pas du tout pour les travaux « lourds » (isolation par exemple) qui sont  rentables à bien plus long terme.

 

Ceci aide à comprendre pourquoi le CPE peut à la fois apparaître comme un dispositif intéressant et s’avérer - dans la réalité - être inadapté, voire dangereux.

 

IV. Pourquoi, malgré les apparences, le CPE peut être très dangereux et inadapté pour de nombreuses copropriétés ?

 

Si l’on a compris ce qui précède, on comprend que - pour être plus facilement retenues par les copropriétés - les entreprises vont essayer de mettre au point un programme de travaux qui sera :

 

  • le moins coûteux ;
  • le plus efficace en termes d’économies.

 

C’est ce qu’on appelle les travaux  et les programmes les plus rentables ou encore les plus « efficients » (la plus forte économie par euro investi).

 

Le problème est que ce ne sont pas les travaux les plus efficients dont ont besoin les copropriétés, mais des travaux les plus efficaces en terme d’économies d’énergie, travaux qui peuvent coûter très cher et avoir des temps de retour très longs (exemple : isolation de façade ; mise en place d’une ventilation adaptée...).

On favorise donc des actions à court terme, qui vont à l’encontre des intérêts à long terme de la copropriété.

 

Plus grave : les copropriétés peuvent avoir besoin d’autres travaux que des travaux de rénovation énergétique ; dans ce cas le CPE va passer à côté de ces travaux qui - dans deux, cinq ou dix ans - vont s’avérer indispensables, mais n’auront pas été intégrés dans un plan de travaux cohérent.

 

Plus grave encore : si une copropriété fait les travaux les plus rentables d’abord, si elle veut faire ensuite les travaux les moins rentables, ceux-ci seront alors presque impossibles à financer, car - comme on le voit - leur temps de retour sera très, très long. En faisant les travaux les plus rentables, on « mange son pain blanc », comme on dit, et on compromet l’avenir. On dit aussi (exemple : André POUGET qui est une grande figure de la rénovation énergétique) qu’on « tue le gisement »...

 

Voici donc pourquoi tant d’observateurs impartiaux pensent que les CPE non seulement ne sont pas une solution intéressante, mais peuvent même représenter une solution plutôt dangereuse.

 

Nous allons voir qu’il y a bien d’autres raisons qui invitent à la méfiance.

 

V. Des garanties d’économies malheureusement trop souvent en trompe l’œil

 

L’un des aspects les plus « intéressants » du CPE est la garantie de consommations après travaux.

 

Cette garantie rassure puisqu’elle signifie que le client n’aura pas à payer plus qu’une certaine consommation pondérée, fixée par contrat.

 

Pas de mauvaise surprise, en somme. Alors, où peut être le problème ?

 

En ceci que les entreprises ont une fâcheuse tendance à fixer une consommation de référence (la consommation avant travaux) plus élevée que ce qu’elle est réellement, en utilisant pour cela différentes « astuces » (voir plus bas).

 

Or, plus la consommation de référence sera élevée, plus l’objectif de consommation après travaux sera lui aussi élevé et plus artificielle sera la « garantie ».

 

Prenons un exemple chiffré pour comprendre ce point : si la consommation réelle pondérée et corrigée avant travaux est de 100.000 kWh, mais que l’entreprise retient - après mise en œuvre de différentes astuces - 115.000 kWh, elle va pouvoir :

 

  1. annoncer sans problème une consommation de 80.000 kWh après travaux ;
  2. « vendre » ainsi une économie de 30 % alors qu’elle ne sera en fait que de 20 %.

 

Mais, dira-t-on, comment font les entreprises pour imposer une consommation de référence supérieure à la réalité ?

 

Voyons cela rapidement.

 

VI. Comment certaines entreprises peuvent facilement fausser les consommations de référence ?

 

Sans rentrer dans le détail, disons que les entreprises ont tendance à prendre en compte les consommations moyennes les plus « médiocres » des dernières années intégrant la baisse de rendement des installations, l’embouage des réseaux, la suppression du ralenti de nuit, voire dans certains cas, des températures de consignes très élevées.

 

Dans le premier exemple de CPE que nous examinons au point X de cette note, la consommation de référence correspond à une température de consigne de...22° !

 

Ainsi grâce à des « astuces » connues de tous les chauffagistes, la consommation de référence va être surévaluée, vidant ainsi la garantie de résultat de son sens.

 

VII. les autres « ficelles » du CPE

 

D’autres ficelles bien connues des spécialistes, mais difficiles à comprendre pour les copropriétaires (ou les juristes partisans du CPE...) finissent de rendre ce genre de CPE totalement indésirable.

 

  1. La première ficelle : « l’intéressement ».

 

Tous les CPE prévoient un intéressement. Celui-ci signifie que si l’entreprise réalise plus d’économies que ce qui est prévu au contrat, elle touchera une partie des économies. « C’est normal, dira-t-on ».

Oui, sauf si précisément la consommation contractuelle d’objectif a été majorée artificiellement.

 

Reprenons notre exemple :

 

  • la consommation de référence (avant travaux) prise en compte dans le contrat est de 115.000 kWh au lieu de 100.000 kWh ;
  • la consommation d’objectif (après travaux) sera donc de 80.000 kWh (donc moins 30 % par rapport à la référence).

 

Du fait de la surestimation de la consommation de référence, le chauffagiste pourra facilement arriver à une consommation de 70.000 kWh et il touchera donc un intéressement sur les 10.000 kWh (souvent 50 % !), qui sera autant de moins pour la copropriété...

 

  1. La deuxième ficelle : le forfait concernant le réchauffement de l’eau chaude quand l’installation concerne le chauffage collectif plus l’eau chaude collective

 

En chauffage collectif, en effet, la même chaudière produit souvent à la fois l’eau chaude pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire (celle de la douche, par exemple). Or, il est difficile - sans mesures précises - de savoir quelle est la partie de combustible qui est nécessaire pour produire l’eau chaude sanitaire et celle qui est nécessaire pour le chauffage.

 

Dès lors les entreprises et les bureaux d’études « paresseux » appliquent un « forfait » de consommation par mètre cube d’eau chauffée (appelé petit « », « q » pour quantité) qui - naturellement - est toujours bien supérieur à la réalité (réalité difficile à connaître, comme on l’a dit).

 

Ainsi un chauffagiste appliquera un forfait de 160 kWh pour chauffer chaque mètre cube d’eau alors que la réalité sera plutôt de 120 kWh.

 

Cette ficelle aura deux conséquences négatives pour les copropriétés :

 

  • elle augmente le coût du mètre cube d’eau chaude, donc la marge du chauffagiste ;
  • elle augmente aussi le niveau d’intéressement, car elle permet d’abaisser la consommation affectée au chauffage.

 

Vous ne comprenez pas ? C’est normal, vous n’êtes pas chauffagiste.

 

Dans ce dossier, nous ne pouvons pas, malheureusement, expliquer cette « ficelle », mais nous vous invitons à découvrir nos démonstrations sur ce sujet dans les articles disponibles sur notre site Internet sur le « contrat à intéressement ».

 

VIII. Autre problème : celui du P1 ou comment empêcher une copropriété d’obtenir le meilleur prix du combustible

 

Cet autre problème explique que le CPE est ce que nous appelons à l’ARC un « marché de dupe ».

 

En effet très souvent des entreprises arrivent à imposer aussi avec le CPE un contrat de fourniture d’énergie dit P1.

 

L’entreprise fournira, dans ce cas, le combustible (le gaz, en général) sur les bases des tarifs dits « régulés ».

 

Or, dans la réalité l’entreprise va pouvoir obtenir des prix beaucoup plus faibles, dont la copropriété ne bénéficiera pas, alors qu’elle aurait pu en bénéficier si elle avait été libre de choisir elle-même son fournisseur.

 

En général, lorsqu’il y a P1, l’entreprise peut faire une marge sur le combustible de l’ordre de 15 à 20 %, marge dont la copropriété est privée.

 

Par ailleurs il n’est pas inutile de rappeler qu’une société qui vend de l’énergie sera moins soucieuse (ce qui est un euphémisme) de permettre de réaliser les économies maximum...

 

IX. Les problèmes quasi insolubles concernant la mise en concurrence de plusieurs CPE en copropriété

 

On va voir qu’il est - en fait - impossible (sauf à faire n’importe quoi) de mettre en concurrence deux C.P.E.

 

Pourquoi ?

 

Un C.P.E. c’est, comme on l’a dit :

  • un programme de travaux ;
  • un prix de travaux ;
  • un prix de contrat de chauffage ;
  • une durée de contrat ;
  • un objectif d’économies.

 

Si l’on voulait obtenir une véritable concurrence il faudrait que la copropriété :

  • définisse elle-même un programme rigoureux et précis ;
  • fixe un objectif précis de consommations après travaux.

 

Mais dans la réalité des C.P.E., cela ne se passe pas ainsi. Lorsqu’on veut mettre en concurrence deux ou trois groupements d’entreprises, on procède en deux temps :

 

  1. d’abord on établit un « programme fonctionnel », assez ouvert, qui décrit les attentes et les résultats que l’on veut atteindre ;
  2. chaque groupement intéressé fait une réponse, adaptée selon son expérience et les technologies qu’il maîtrise ;
  3. on mène avec chaque groupement un dialogue - parfois confidentiel, parfois ouvert - pour améliorer les solutions proposées ;
  4. puis on établit le cahier des charges définitif, auquel chaque groupement doit se conformer ;
  5. enfin, on sélectionne la meilleure offre.

 

On appelle ce dispositif le « dialogue compétitif ».

 

Le problème est que si une collectivité territoriale ou un organisme HLM peuvent légalement procéder ainsi, une copropriété ne le peut pas ou très difficilement.

 

Nous avons plusieurs fois signalé ce problème aux autorités, sans aucun résultat pour le moment.

 

X. Le premier CPE en copropriété : travaux partiels ; objectifs médiocres : une démonstration à l’envers

 

Au mois de février 2012 a été signé le premier C.P.E. (Contrat de Performance Energétique) en Copropriété intégrant des travaux sur le bâti.

 

Ce C.P.E. signé entre Bâti-rénov (BOUYGUES) et NEXITY (syndic) et ayant bénéficié de l’assistance juridique du cabinet PELLETIER-LEFEBVRE concerne une copropriété de 60 logements située à Neuilly-sur-Marne.

 

Ce C.P.E. étant présenté par l’ADEME et le Plan Bâtiment Grenelle comme un dispositif particulièrement intéressant et efficace (tant du point de vue énergétique que financier). Nous avons naturellement voulu pouvoir étudier de près non seulement ce contrat, mais l’opération elle-même.

 

Que disait, en effet, la fiche descriptive ? Ceci :

 

  • l’opération concernait un ravalement isolant complet ainsi que le changement de toutes les fenêtres ;
  • le coût était de l’ordre de 13.500 € par logement (25 logements de 45 m2 et 35 logements de 60 m2) ;
  • l’économie garantie était de 40 %.

 

 A priori, en effet, rien que de très bonnes choses : une opération ambitieuse ; une économie importante.

 

1. Première surprise : impossibilité de pouvoir étudier de près cette opération

 

L’ARC étant la seule association à faire partie de groupes de travail ou commissions officielles concernant le C.P.E., nous avons demandé à analyser de près cette opération, non par suspicion, mais par cohérence et pour être sûr que l’intérêt des copropriétaires avait été bien défendu.

 

Nous avons, alors, eu l’immense surprise de constater que l’on nous refusait l’accès à toutes les informations que nous demandions sur cette opération, telles que :

 

  • une présentation de la copropriété ;
  • le diagnostic thermique initial permettant de définir les objectifs d’économie du contrat ;
  • le détail des travaux et des prix ;
  • la façon dont étaient calculées et justifiées les économies ;
  • etc.

 

Ni Bâti-rénov, NI BOUYGUES, NI même l’ADEME ne voulurent nous communiquer les informations nécessaires... L’explication ? Confidentialité.

 

Explication évidemment fantaisiste : ce CPE étant présenté dans tous les colloques comme un dispositif performant et très intéressant, comment était-il possible de nous refuser d’accéder à la moindre information précise le concernant (au-delà des quelques maigres données fournies par les « auteurs » du C.P.E.) ?!

 

Nous avons donc décidé de publier un communiqué de Presse un peu « corsé » appelé « Le C.P.E. Mystère », où nous expliquions la situation de rétention totale d’information de toutes parts et où nous exprimions nos inquiétudes. Suite à ce communiqué, nous avons enfin pu obtenir - via un membre du conseil syndical - le contrat complet.

 

2. Des découvertes surprenantes...

 

La lecture du contrat nous a laissé tout à fait incrédules. Nous y avons découvert ceci (entre autres) :

 

  1. D’abord, la « consommation de référence » est la consommation de la dernière année de chauffe et cette consommation (285 kWh PCS par m2 habitable), est incroyablement et anormalement élevée (or, on sait que plus la consommation de référence est élevée, plus élevée sera la consommation garantie après travaux, donc moins intéressant sera le contrat) ; qui peut assurer que les logements n’ont pas été chauffés à 23 ° durant l’année de référence ? Pourquoi partir de cette consommation et non pas d’une analyse des « besoins » énergétiques réels des bâtiments avant travaux ?

 

  1. Ensuite, les travaux envisagés sont assez partiels : rien qui concerne l’installation de chauffage par exemple ; rien non plus concernant la ventilation (alors que les bâtiments feront l’objet d’une isolation totale par l’extérieur et que toutes les fenêtres seront changées) !

 

  1. Mais le pire est ailleurs : la consommation garantie par le C.P.E. s’élève à... 170 kWh PCS par m2 habitable, alors même que l’opération bénéficie d’une pré-labellisation BBC Effinergie-Rénovation (soit, un maximum à atteindre de 104 kWh par m2 de SHON et par an).

Comment peut se justifier, dans ces conditions, une consommation d‘objectif contractuelle si élevée ?

 

3. Des dispositions très défavorables aux copropriétaires

 

De deux choses l’une :

 

  • soit ceux qui ont pré-accordé le label BBC Effinergie-Rénovation se sont lourdement trompés, ce qui est peu probable ;
  • soit ceux qui ont établi le contrat ont biaisé les chiffres, au moins sur deux points importants :

 

  • d’abord en prenant une consommation de référence à l’évidence surévaluée, comme on l’a vu (avant travaux) ;
  • ensuite en sous-estimant volontairement et lourdement les économies générées et donc garanties aux copropriétaires.

 

Si tel est le cas (ce qui est vraisemblable), ceci serait de nature à discréditer le Contrat de Performance Energétique en général et à justifier les pires soupçons que certains formulent à l’égard des C.P.E., et qui se résument ainsi :

 

  1. travaux insuffisants et partiels (l’entreprise générale fait uniquement les travaux ayant une image « grenellienne » sans tenir compte du confort et de la santé des occupants ; ainsi dans notre exemple, comme on l’a dit, aucun travaux concernant l’amélioration de la ventilation n’est prévu, ce qui est particulièrement surprenant) ;

 

  1. consommations de référence surévaluées ;

 

  1. économies sous-évaluées par l‘entreprise (ceci pour être sûr d’atteindre facilement les résultats annoncés).

 

Cette situation est donc à la fois paradoxale et à la fois particulièrement pénalisante pour les copropriétaires puisque :

 

  • soit elle n’incite pas l’exploitant à réaliser toutes les économies possibles suite aux travaux ni à assurer une gestion rigoureuse dans la durée (dans ce cas le C.P.E. est contre-productif) ;
  • soit elle dépossède les copropriétaires d’une partie des économies réalisées facilement au-delà de l’objectif contractuel (sous évalué) ceci via la clause d’intéressement (qui permet à l’entreprise de récupérer 50 à 60 % des économies supplémentaires).

 

Même si dans ce premier contrat, et à titre exceptionnel (comme il est mentionné dans le contrat), Bâti-rénov a renoncé à cette clause d’intéressement, cela ne change rien et incitera d’ailleurs forcément l’exploitant à faire le minimum.

 

XI. Les bons CPE sont-ils possibles ? Oui, mais ils sont très difficiles à obtenir en copropriété

 

La question est en effet : « Mais alors, est-il possible de négocier et d’obtenir un bon CPE en copropriété ? ».

 

La réponse est : « Oui, mais cela est difficile et - pour le moment -exceptionnel ».

 

Si vous avez bien suivi ce qui précède, vous aurez compris ceci :

 

  1. Les entreprises sont, évidemment, tentées de placer des CPE « rentables ».

Or, ces CPE ne sont pas favorables aux copropriétés (travaux insuffisants ; réalisation des mesures les plus rentables au risque de compromettre l’avenir).

 

  1. Les entreprises proposent des consommations garanties après travaux beaucoup trop élevées, d’une part pour minimiser leurs risques, d’autre part pour accroître leur marge (via la clause d’intéressement).

 

  1. Par ailleurs les entreprises cherchent souvent à imposer un contrat P1 (fourniture du combustible), ce qui n’est pas non plus favorable aux copropriétaires.

 

Un bon CPE, ce serait donc (ce que cherchent d’ailleurs à négocier les HLM) :

 

  • un CPE qui intègre beaucoup de travaux sur le gros œuvre, y compris des travaux qui ne sont pas des travaux d’économies d’énergie ; 
  • un CPE qui garantit une consommation bien évaluée (avec, par exemple, des calculs fins concernant l’eau chaude et non pas des quantités forfaitaires) ;
  • un CPE qui permet aux copropriétés de négocier elles-mêmes leur fourniture d’énergie.

 

En fait, le bon CPE est négociable par des copropriétés préparées, très « évoluées » et expérimentées, mais on se demande d’ailleurs, à ce moment, si elles ont vraiment besoin d’un CPE...

 

Précisons aussi que des copropriétés qui pourraient bénéficier d’une assistance adaptée telle celle que la Région Ile de France envisage de mettre en place avec la SEM, Energie Posit’IF seront aussi, sans doute, en mesure de signer un C.P.E. bien négocié.

 

Pour finir, disons un mot de la garantie de performance, dont certains pensent qu’elle est une voie d’avenir plus efficace que la garantie de résultat.

 

XII. Garantie de résultat et garantie de performance 

 

On l’a vu plus haut : la garantie de résultat est en apparence une garantie satisfaisante, mais, dans la réalité, elle peut facilement signifier une garantie médiocre, du moins une consommation garantie médiocre.

 

C’est pourquoi on peut préférer une garantie non de résultat, mais de performance : l’entreprise (ou plutôt le groupement d’entreprises) va garantir que si l’on fait tels et tels travaux correctement on va obtenir une performance.

 

Nous ne pouvons pas - dans ce dossier consacré au C.P.E. - rentrer dans le détail, mais nous pouvons donner quelques pistes.

 

Pour obtenir les résultats annoncés, il faut pouvoir contrôler d’abord la performance tout au long de la chaîne. Cela implique :

 

  1. des calculs qui soient à la base corrects ;
  2. des préconisations de travaux qui soient adaptées ;
  3. une mise en œuvre (des travaux) qui soit performante ;
  4. une réception des travaux qui permette un contrôle réel.
  5. enfin, un « suivi » pendant l’année suivant la réception.

 

Si ces diverses étapes sont effectuées rigoureusement,  les résultats seront forcément au rendez-vous et donc plus besoin d’« une garantie de résultat » médiocre comme avec un CPE.

 

Un exemple : si l’on contrôle durant le chantier que l’étanchéité à l’air des nouvelles fenêtres isolantes est parfaite, on a, grâce à cela, la garantie que les consommations seront bien maitrisées.

 

Cette garantie de performance est bien supérieure à une garantie de résultats, surtout lorsque les résultats garantis sont médiocres pour les raisons que nous avons passées en revue dans les points précédents.

 

XIII. Le plan pluriannuel de travaux avec garantie de performance : peut-être la vraie solution

 

Le CPE - qui paraît au départ une excellente formule - se révèle en fait décevant :

 

  1. la mise en concurrence s’avère difficile pour un maître d’ouvrage non qualifié comme l’est une copropriété ;
  2. les économies garanties sont artificiellement gonflées et, en fait, médiocres (ceci pour éviter aux entreprises d’avoir à prendre des vrais risques) ;
  3. les travaux proposés par les entreprises sont souvent :

 

  • d’une part les plus « efficients » et non les plus « efficaces » ;
  • d’autre part, pas forcément les travaux les plus nécessaires.

 

Voici pourquoi, malgré les apparences et le discours officiel, le CPE n’est en soi ni un dispositif intéressant, ni simple à mettre en place (dès lors qu’on veut un CPE équilibré et efficace) et que le plan pluriannuel de travaux peut s’avérer être un bien meilleur choix à tout point de vue.

 

Il suffit « simplement », dans ce cas :

 

  • de mettre en place une démarche adéquate (BIC - Bilan Initial de Copropriété - plus Audit Global Partagé) ;
  • de prendre un peu plus de temps.

 

 

Mais  ceci est une autre histoire que nous vous invitons à découvrir d’abord en découvrant « Le cahier du Bilan Initial de Copropriété »...

http://arc-copro.fr/sites/default/files/files/bic_0.pdf 

 

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ARC - Février 2013.