Le syndic a-t-il le droit de m’appeler des charges avant la livraison de mes parties privatives ? (cas des VEFA)
- La naissance de la copropriété
La loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété et son décret d’application du 17 mars 1967 ne précisent pas à partir de quelle date l’acquéreur d’un bien immobilier acheté sur plan en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) est tenu de payer les charges de la nouvelle copropriété qui va se mettre en place.
Dans une vente en VEFA, la copropriété prend naissance dès qu’il y a eu livraison de parties privatives à au moins deux acquéreurs différents, dans un immeuble.
A partir de ce moment là, il va donc y avoir des charges de copropriété à payer, les honoraires de syndic.
La solution la plus simple survient quand toutes les parties privatives sont livrées simultanément, ou dans un délai de quelques jours : tous les copropriétaires sont redevables des charges de copropriété à compter de la même date. Toutes les charges antérieures de l’immeuble sont réglées par le promoteur.
Mais souvent, l’immeuble n’est qu’en partie achevé. Toutes les parties privatives ne sont alors pas en l’état d’être livrées. Dans cette situation, qu’est ce que le syndic a le droit ou non de faire ?
- Quand l’acquéreur d’un bien immobilier en VEFA est-il tenu de payer les charges de copropriété ?
Lorsque l’achèvement des parties privatives s’étale sur un certain délai, que ce soit à cause de retard de chantiers, ou décidé dès l’origine par le promoteur dans le cas de livraison par tranche, deux positions se confrontent.
- Les charges sont dues par tous les copropriétaires à compter du jour où la copropriété est créée (ce que disent les syndics de promotion).
La conséquence : les parties privatives de la copropriété ne sont pas toutes achevées à la même date mais les charges sont payées par tous les copropriétaires, y compris par ceux qui ne les utilisent pas encore. L’appartement n’est donc pas fini mais son propriétaire doit payer sa quote-part dans les charges de la copropriété.
- Les charges ne sont dues que par les copropriétaires dont les parties privatives sont achevées (ce que nous disons à l’ARC).
La conséquence : les charges correspondantes aux parties privatives non achevées doivent donc être payées par le promoteur.
La Cour de Cassation s’est enfin prononcée sur cette question par une décision en date du 22 janvier 2014, et y a apporté une réponse très claire en donnant raison à l’ARC.
- La jurisprudence antérieure :
Jusqu’à la décision de la Cour de Cassation en date du 22 janvier 2014, dont nous rendons compte ci-après, la jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris considérait que les règles de la copropriété s’appliquaient à tous les copropriétaires à compter de la création de la nouvelle copropriété.
Ainsi, les charges étaient dues par tous les copropriétaires y compris ceux dont les lots n’étaient pas achevés au jour de la création de la copropriété.
Dans l’affaire soumise à la Cour de Cassation, certains lots n’ont été achevés, et donc en l’état d’être livrés que 8 ans après la date contractuelle de livraison, et la création de la copropriété.
Le syndic a alors demandé aux copropriétaires de ces lots le paiement de leur prorata dans les charges de la copropriété pendant ces 8 années. N’ayant pas obtenu le paiement de cette somme, le syndic a assigné ces copropriétaires.
La Cour d’Appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 8 octobre 2012, avait suivi la jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris et avait donné raison au syndicat.
Elle avait appliqué l’Article R261-1 du Code de la Construction qui considère que l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation.
Elle avait considéré qu’un immeuble vendu par lots en l’état futur d’achèvement se trouve soumis au statut de la copropriété dès :
- qu’il est pour partie habitable
- et qu’il appartient à deux copropriétaires au moins.
Selon elle, la défaillance du vendeur dans son obligation d’achever les parties privatives d’un lot n’exonérait pas l’acquéreur de celui-ci du payement des charges de copropriété.
L’acquéreur devait donc, selon elle, régler l’arriéré des huit années de charges pour un appartement dont il ne pouvait disposer.
- La nouvelle jurisprudence:
L’acquéreur en question, qui n’était toujours pas d’accord pour payer ces charges, s’est donc pourvu en cassation et il a eu raison.
La Cour de Cassation, dans son arrêt du 22 janvier 2014, a infirmé cette décision et a considéré que l’acquéreur n’est tenu des charges de copropriété qu’à partir de l’achèvement des lots acquis.
La Cour d’Appel ne devait donc pas, selon la Cour de Cassation, se limiter à rechercher si la copropriété existait bien mais devait aussi rechercher si les lots concernés étaient achevés à la date d’exigibilité des charges.
Donc, le contrôle ne se limite plus à l’immeuble et aux équipements collectifs.
Les magistrats doivent aussi rechercher, selon la Cour de Cassation, si les parties privatives bénéficient bien des aménagements prévus et si aucun défaut grave de conformité n’existe par rapport au bien vendu.
Le constat d’achèvement des lots est donc un élément essentiel pour déterminer la charges imputables au promoteur.
Mais qui doit payer ces charges ?
- Conclusion : le promoteur doit donc payer certaines charges de copropriété
A la lecture de cet arrêt, on comprend bien que tant que le promoteur ne peut pas livrer les lots, c’est lui qui les conservent et doit payer les charges de copropriété qui s’y rattachent. Et cela aussi longtemps qu’ils ne sont pas achevés…
Si vous venez de prendre livraison de votre appartement que vous avez acheté en VEFA, alors contrôlez bien votre premier appel de charges.
Vous ne devez payer que les dépenses engagées après l’achèvement de vos lots.
L’arc peut vous aider dans cette étude.
- Arrêt de la Cour de Cassation
du 22 janvier 2014
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1601-3 du code civil et R. 261-1 du code de la construction et de l’habitation, ensemble les articles 1er et 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 octobre 2012) rendu sur renvoi après cassation (3e civ., 10 février 2009, n° 08-12. 131), que la société Résidence Altamira (la société) a fait édifier un immeuble sur un terrain lui appartenant qu’elle a placé sous le régime de la copropriété et vendu par lots en l’état futur d’achèvement ; que par acte des 5 et 12 février 1975, M. et Mme X... ont acquis les lots 125 et 43 de l’immeuble dont la livraison était prévue le 31 août 1975 ; que la société a été condamnée par arrêt du 3 mars 1983 à délivrer les lots aux acquéreurs ; que le syndicat des copropriétaires de la résidence Altamira a assigné M. et Mme X... en paiement de l’arriéré de charges de copropriété ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l’arrêt retient qu’un immeuble vendu par lots en l’état futur d’achèvement se trouve soumis au statut de la copropriété dès qu’il est pour partie habitable et qu’il appartient à deux copropriétaires au moins et que la défaillance du vendeur dans son obligation d’achever les parties privatives d’un lot n’exonère pas l’acquéreur de celui-ci du payement des charges de copropriété ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’acquéreur n’est tenu des charges de copropriété qu’à partir de l’achèvement des lots acquis et sans rechercher si les lots étaient achevés à la date d’exigibilité des charges, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 octobre 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne le syndicat des copropriétaires résidence Altamira aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires résidence Altamira à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande du syndicat des copropriétaires résidence Altamira ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.