Les PPRP (Plan de Prévention des Risques Professionnels) ne concernent pas les copropriétés : confirmation

26/12/2013 Dossiers conseils Conseil

 

Les PPRP (Plan de Prévention des Risques Professionnels) ne concernent pas les copropriétés : confirmation. Réponse à l'avocat de CITYA

 
Suite à notre abus numéro 3597 concernant la façon dont CITYA impose des factures de PPRP à ses copropriétés, nous avons reçu une lettre de l’avocat de CITYA.
 
Nous avions annoncé celle-ci et notre réponse dans un article de la semaine dernière. Voici l’une et l’autre. Nous le confirmons et le démontrons : les PPRP ne concernent PAS les copropriétés.
 
 
I. La lettre de l’avocat de CITYA
 
N. REF. :      DOSSIER CITYA IMMOBILIER Cl UNARC
 
 
Monsieur,
 
 
Je viens vers vous en ma qualité de Conseil du Groupe CITYA, et notamment de la Société CITYA RUHL SEGESCA.
 
Le 14 novembre 2013, vous avez publié sur votre site Internet, à la rubrique « Abus », un article intitulé «ABUS 35 72 CITYA et les PPRP (Plans de Prévention des Risques Professionnels) ».
 
Aux termes de cet article, vous prétendez que la Société CITYA RUHL SEGESCA aurait demandé à la Société QUALITY CONCEPT de réaliser pour les syndicats de copropriétaires des plans de prévention des risques professionnels, alors que, selon vos dires, un syndicat de copropriété ne pourrait être soumis à cette obligation puisqu'il ne serait pas une entreprise.
 
Vous préciser à cet égard que le « plus grave » serait que la Société QUALITY CONCEPT fait croire aux syndics que leur responsabilité pourrait être engagée en cas de manquement, ce qui serait faux.
 
Vous concluez enfin en appelant les copropriétaires à refuser tout engagement de dépenses pour la réalisation d'un plan de prévention des risques professionnels.
 
Je me permets d'attirer votre attention sur les multiples erreurs que vous commettez dans cet article, et qui ont pour seule finalité d'induire en erreur les copropriétaires sur la probité de leur syndic, et plus particulièrement de la Société CITYA RUHL SEGESCA, ce qui est particulièrement grave.
 
 
 
 
D'une part, vous ne pouvez exclure l'application du Code du Travail aux syndicats de copropriétaires sur le seul motif que ces derniers ne seraient pas des entreprises.
 
Les syndicats des copropriétaires se trouvent bien soumis aux dispositions du Code du Travail lorsqu'ils sont l'employeur d'un ou plusieurs salariés. 
 
Dans ce cas de figure, les articles L.4121-1 et suivants articles R.4121-1 et suivants du Code du Travail imposent aux Syndicats- des copropriétaires de procéder à la rédaction d'un document unique d'évaluation des risques (DUER), lequel, si des risques sont identifiés pour le salarié, doit conduire à l'établissement d'un plan de prévention des risques professionnels (PPRP)
Ces dispositions ne s'imposent cependant aux syndicats de copropriétaires que s'ils emploient un ou plusieurs salariés, et non lorsqu'ils font appel à des prestataires extérieurs.
 
Il est donc faux d'indiquer que la Société CITYA RUHL SEGESCA aurait fait appel à la Société QUALITY CONCEPT pour qu'elle établisse un plan de prévention des risques professionnels à l'intention des entreprises de nettoyage, alors qu'un tel plan n'est pas applicable.
 
En effet, dans le cas où un syndicat de copropriétaires n'emploie pas de salarié et fait appel à des prestataires de services, les dispositions du Code du Travail n'ont pas, a priori, vocation à s'appliquer.
 
Toutefois, il en va différemment lorsque les prestataires font venir leurs salariés dans les locaux du syndicat des copropriétaires : dans ce cas, le syndicat des copropriétaires doit mettre en place un plan de prévention des risques, tel que définit aux articles R.4511-1 et suivants et R.4512-1 et suivants du Code du Travail.
 
La dénomination d'« entreprise utilisatrice » par le Code du Travail pour désigner la personne tenue par cette obligation, ne peut s'interpréter comme désignant les seules sociétés commerciales, comme vous le soutenez.
 
Les jurisprudences française et européenne définissent l'entreprise comme toute entité réunissant un ensemble de moyens matériels, personnels et financiers, et poursuivant un but économique, c'est-à-dire toute activité qui ne participe pas à l'exercice des prérogatives de puissance publique.
 
Le statut juridique de cette entité importe peut, tout comme l'existence ou non d'un but lucratif, au sens du droit français.
 
Une entreprise peut même être constituée de plusieurs personnes physiques et morales.
 
Ainsi, un syndicat de copropriétaires doit être considéré comme étant une « entreprise utilisatrice » lorsqu'il fait appel à un prestataire extérieur, et doit donc mettre en place, sous certaines conditions, un plan de prévention des risques à destination des salariés de l'entreprise extérieure se rendant dans l'immeuble.
 
Ce plan est obligatoire dans deux cas (article R. 4512-7) :
 
1 ° Dès lors que l'opération à réaliser par les entreprises extérieures, y compris les entreprises sous-traitantes auxquelles elles peuvent faire appel, représente un nombre total d'heures de travail prévisible égal au moins à 400 heures sur une période inférieure ou égale à douze mois, que les travaux soient continus ou discontinus. Il en est de même dès lors qu'il apparaît, en cours d'exécution des travaux, que le nombre d'heures de travail doit atteindre 400 heures ;
 
2° Quelle que soit la durée prévisible de l'opération, lorsque les travaux à accomplir sont au nombre des travaux dangereux figurant sur une liste fixée par arrêté du 19 mars 1993.
Une telle obligation appâtait d'ailleurs de bon sens, puisque l'entreprise extérieure qui fait
venir ses salariés dans les locaux du syndicat des copropriétaires, ne peut assurer elle seule la
sécurité et la santé de ses salariés.                        
 
I1 est opportun à ce titre de rappeler que la Convention collective des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 réaffirme l'obligation, pour l'entreprise utilisatrice, de mettre en place le plan de prévention des risques selon les critères du Code du Travail.
 
L'application des dispositions des articles R.4511-1 et suivants et R.4512-1 et suivants du Code du Travail aux syndicats de copropriétaires a d'ailleurs été confirmée par la Cour d'Appel de Dijon, ce qui à conduit Monsieur Lionnel LU ÇA, Député des Alpes-Maritimes, à poser la question de cette application au Ministre du Travail (Question n°24590 du 23 avril 2013, page 4379). /
 
Le rejet péremptoire des dispositions du Code du Travail dans votre article, sans étayer votre argumentation sinon en insinuant qu'il existerait une forme de connivence entre la Société QUALITY CONCEPT et les syndics, ne peut justifier l'incitation faite aux copropriétaires à refuser cette dépense.
 
Cette obligation légale s'impose non seulement aux syndicats de copropriété, mais leur manquement peut parfaitement conduire, en cas d'accident, et à défaut de plan de prévention, à engager la responsabilité civile et pénale du syndicat des copropriétaires et de son syndic.
 
J'ajoute que le groupe CITYA a procède, avant la mise en œuvre de ces démarches, à un
examen approfondi, avec l'aide de ses1 conseils juridiques dont je fais partie, des obligations
légales et réglementaires pensant sur lés syndicats, afin de s'assurer que ce plan de prévention
des risques est bien obligatoire et qu'il n'engagera pas des dépenses inutiles au détriment des
copropriétaires.                               
 
Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir procéder à la rectification de votre article précité, afín de rappeler/ aux copropriétaires qu'il y a bien lieu, dès lors que les conditions sont remplies, de procéder à l'établissement d'un plan de prévention des risques à destinations des salariés des entreprises extérieures.
 
Je reste à votre disposition pour toutes informations complémentaires que vous souhaiteriez.
 
Vous souhaitant bonne réception de la présente,
 
Je vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de mes salutations distinguées.
 
II. La réponse de l’ARC
 
 
ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE
 
 
 
Maître Marc HOFFMANN
Avocat
3, avenue Matignon
75008 PARIS
 
Paris, le 18 décembre 2013
 
V/Réf : dossier CITYA Immobilier C/UNARC
 
Maître,
 
Nous répondons à votre lettre du 28 novembre dernier.
 
  1. Première surprise de taille : vos affirmations concernant le fait que TOUT ce qui est dans le Code du travail s‘imposerait à tous les employeurs. Nous citons :
 
« D'une part, vous ne pouvez exclure l'application du Code du Travail aux syndicats de copropriétaires sur le seul motif que ces derniers ne seraient pas des entreprises.
Les syndicats des copropriétaires se trouvent bien soumis aux dispositions du Code du Travail lorsqu'ils sont l'employeur d'un ou plusieurs salariés ».
 
Comment est-il possible d’émettre de tels propos, sachant que précisément le Code du travail précise toujours à qui s’applique telle ou telle disposition et à qui elle ne s’applique pas : type d’employeur, nombre d’effectif de l’employeur ; type de prestation ; voire dangerosité de l’activité principale de l’employeur ?
C’est bien pourquoi lorsque le Code du travail impose une obligation spécifiquement aux « entreprises », cela signifie bien que sont visées les seules entreprises.
 
  1. Deuxième surprise : tentant de définir ce qu’est une entreprise, vous « apportez de l’eau à notre moulin » et confirmez ce que vous voulez dénoncer. Nous citons :
 
« Les jurisprudences française et européenne définissent l’entreprise comme toute entité réunissant un ensemble de moyens matériels, personnels et financiers, et poursuivant un but économique, c’est-à-dire toute activité qui ne participe pas à l’exercice des prérogatives de puissance publique ».
 
D’abord il aurait été intéressant que vous citiez vos jurisprudences française et européenne.
 
Ensuite vous le dites : une entreprise est une entité qui poursuit un but économique, ce qui - précisément - n’est pas le cas d’un syndicat de copropriétaires.
Merci donc de cette confirmation involontaire.
 
Nous vous laissons par ailleurs la responsabilité du dernier membre de phrase qui n’a ni véritablement de sens ni bon sens.
           
  1. Troisième surprise
 
Vous écrivez par ailleurs ceci, propos une fois encore uniquement destiné à induire votre lecteur en erreur :
 
« Il est opportun à ce titre de rappeler que la Convention collective des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 réaffirme l’obligation, pour l’entreprise utilisatrice, de mettre en place le plan de prévention des risques selon les critères du Code du Travail ».
 
Or, comment voulez-vous qu’une convention collective s’impose au client, en l’occurrence les syndicats de copropriétaires ? Nous vous mettons d’ailleurs en demeure de nous citer les passages précis de cette convention qui réfère au PPRP et à une éventuelle obligation qui pèserait sur le client.
 
Une fois encore vous faites mine de confondre obligation de prévention et obligation de PLAN de Prévention et cette confusion, qu’elle soit volontaire ou non est très inquiétante.
 
  1. Continuons. Quatrième surprise : vous écrivez :
 
« Dans ce cas de figure (syndicat de copropriétaires employeurs) les articles L. 4121-1 et suivants et les articles R. 4121-1 et suivants (SIC) du Code du Travail imposent aux syndicats de copropriétaires de procéder à la rédaction d’un document unique d’évaluation des risques (DUER), lequel, si des risques sont identifiés par le salarié, doit conduire à l’établissement d’un plan de prévention des risques professionnels (PPRP) ».
 
Votre argument est à la fois trompeur et non fondé.
 
  1. Trompeur : vous laissez entendre que l’article L. 4121-1 et s. du Code du travail (qui traite du Document Unique d’Évaluation des Risques) entraîneraient dans certains cas l’obligation d’établir un Plan de Prévention des Risques Professionnels au sens des articles R. 4511-1 et suivants et R. 4512-2 et suivants du Code du travail
 
Or ceci est totalement inexact.
 
  1. Vous confondez en effet la planification de la prévention des seuls salariés de l’employeur que visent les articles L 4121-1 et suivants et l’obligation de prévoir un PLAN concernant les entreprises qui interviennent visée par les articles précités.
Nous n‘arrivons cependant pas à savoir si votre lecture et erronée par manque de compréhension de votre part de ces articles ou par déformation volontaire pour protéger les intérêts de votre client.
 
Dans l’un ou l’autre cas, nous pensons que votre erreur est inquiétante.
 
 
V. L’inadaptation radicale du PPRP à la copropriété
 
En ce qui concerne le fond du problème (les Plans de Prévention n’ont aucun intérêt pour les copropriétés) nous vous invitons à lire attentivement le témoignage suivant que vous pouvez trouver sur le blog d’un syndic professionnel.
Bonjour à tous,
Je préside aujourd’hui le Conseil syndical de ma copropriété et j’ai longtemps dirigé un service de prévention des risques professionnels. Je me permets donc d’intervenir dans le débat.
En dehors des arguments juridiques (inscription au code du travail, mention explicite des entreprises dans le champ d’application, etc.) qui devraient suffire à exonérer les copropriétés de cette obligation, si on veut revenir sur le terrain de la prévention, les dispositions concernant les plans de prévention ne s’appliquent pas aux copropriétés tout simplement … parce qu’elles ne peuvent pas s’y appliquer.
J’aimerais en effet savoir comment les promoteurs de l’obligation règlent la question du droit individuel des copropriétaires à faire intervenir dans l’immeuble des entreprises extérieures. Un exemple suffira pour poser le débat : un copropriétaire (ou pire, un locataire) engage une entreprise de déménagement : pour intervenir, le déménageur va stationner aux abords de l’entrée, occuper les parties communes, y travailler avec des équipements dangereux (monte-charge), y manipuler des meubles, y faire circuler des personnels extérieurs à la copropriété. La copropriété n’est pas informée de cette intervention (je ne connais pas de texte qui oblige à l’informer des projets de déménagements). Il n’est pas possible d’informer les autres entreprises extérieures, pas possible de les réunir pour évaluer les interférences, etc.
Vous pouvez broder sur cet exemple avec ceux qui font changer leurs volets roulants, poser des doubles vitrages, refaire leur salle de bains, livrer des meubles, etc.
Le dispositif légal n’est pas destiné aux copropriétés ET il ne peut pas s’appliquer dans les copropriétés. Cela ne veut pas dire que la copropriété ne doit pas être attentive aux risques liés aux interventions des entreprises qu’elle supervise directement. Elle peut s’inspirer des principes applicables aux entreprises et mettre en place, mais sur une base volontaire, un dispositif adapté à la situation et aux besoins :
- recenser dans un document les contrats avec les entreprises extérieures,
- recenser dans ce document les contacts opérationnels dans les entreprises extérieures,
- leur rappeler leurs obligations génériques par écrit et en garder une trace,
- faire un point au démarrage d’un chantier (ou le faire faire par le syndic) et en garder une trace écrite …
Ceci demande du bon sens et, surtout de se concentrer sur l’objectif (éviter les accidents) plutôt que sur l’exécution formelle et inutile d’une obligation légale (par ailleurs inexistante).
Ceci dit, je comprends que les entreprises spécialisées, qui ont poussé le législateur à multiplier les obligations pour générer du business, défendent leur raisonnement auprès des syndics et ceux-ci auprès des copropriétaires.
Mais il faut in fine rappeler à tous, même à ceux auxquels l’obligation s’applique (les entreprises) que rien ne les oblige à avoir recours à un cabinet expert pour remplir leurs obligations.
Elles peuvent s’appuyer sur la Carsat, sur leur Service de santé au travail, sur un salarié formé à la prévention, sur un cadre particulièrement motivé, sur le responsable de la qualité, sur le dirigeant, etc.
Enfin, ceux qui pensent que l’obligation se limite à faire rédiger par un cabinet spécialisé un « plan de prévention » que l’on produira en cas de problème se trompent. La partie la plus importante du dispositif est la réunion d’information et de coordination qui doit précéder l’ouverture du chantier générant la co-activité. Si les cabinets spécialisés se positionnent sur le premier volet (je personnalise un document-cadre pour votre situation : 350 € HT), bien peu proposent de prendre la responsabilité du second (je me porte garant du bon déroulement de la co-activité sur ce chantier précis).
La législation européenne, dont découle la législation française, a été en grande partie conçue par des anglo-saxons : quand ils la transposent dans leurs propres pays, ils prêtent attention aux objectifs poursuivis par la loi, pas au respect des virgules. Puisque nous les avons laissés définir notre cadre légal, nous ferions bien de les suivre sur le terrain du mode d’application, au lieu de se cantonner à un respect formel, ridicule et totalement inefficace par rapport aux objectifs poursuivis.
Personnellement, j’en ai toujours fait un point de méthode : « à quoi ça sert ? Quel objectif poursuivons-nous ? ». Quand on me répond : c’est la loi machin ou le décret bidule, je ne me contente pas de cette explication. Maintenant, si on arrive à me convaincre du caractère adapté et efficace des mesures que l’on me recommande, je les applique très volontiers.
Merci de l’attention de ceux qui sont allés jusqu’au bout de leur lecture ».
 
Conclusion.
 
Ainsi, on le constate, d’une part que vous n’apportez aucun argument crédible pour justifier votre thèse, d’autre part que toutes vos tentatives confirment au contraire le bien-fondé de notre position.
 
Par ailleurs, d’un point de vue pratique votre argument n’est pas non plus justifié.
 
Espérant avoir pu vous éclairer sur ce sujet difficile et comptant sur vous pour convaincre votre client qu’il ne saurait facturer aux copropriétaires une prestation non obligatoire, inutile et non votée en assemblée générale, je vous prie de recevoir, Maître, l’assurance de mes salutations distinguées.
 
 
Fernand CHAMPAVIER
Président de l’ARC.