Lettre à Mme TAUBIRA, Ministre de la Justice et le nécessaire renforcement des effectifs des Tribunaux pour permettre le redressement des copropriétés en difficulté

23/02/2015 Actions Action

Lettre à Mme TAUBIRA, Ministre de la Justice et le nécessaire renforcement des effectifs des Tribunaux pour permettre le redressement des copropriétés en difficulté

 
 
 
  1. Le constat : des copropriétés en difficulté qui ne peuvent pas se redresser faute de moyens suffisants au sein des Tribunaux

 
Nous avons choisi de détailler, dans cet article, trois éléments de blocage au sein des Tribunaux qui retardent les procédures et qui, au final, entravent le redressement des copropriétés en difficulté notamment celles de Seine-Saint-Denis alors même qu’elles font parfois l’objet d’un dispositif d’opération publique.
Les copropriétés en difficulté devraient bénéficier de moyens supplémentaires pour accélérer les procédures de recouvrement et à faible coût compte tenu du niveau de leur trésorerie, mais elles se retrouvent au contraire enliser faute de moyens suffisants au sein des Tribunaux et particulièrement, au sein du Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
C'est pourquoi nous avons décidé de saisir Madame la Ministre de la Justice, Mme TAUBIRA, afin de lui rappeler ces blocages et l’enjeu que cela constitue pour le redressement des copropriétés en difficulté.
 
  1. Des injonctions de payer de plus en plus rejetées par les juges
Nous avons récemment publié un article sur les rejets des injonctions de payer de plus en plus nombreux par les Tribunaux : http://arc-copro.fr/documentation/injonction-de-payer-refusee-par-le-tribunal-pourquoi-que-faire-les-conseils-de-larc.
 
Nous évoquions, parmi les raisons de ces rejets, la surcharge des tribunaux. En effet, les juges n’ont pas le temps d’instruire les demandes d’injonction de payer et renvoient le demandeur pour qu’il assigne le débiteur. C’est une façon de gagner du temps (pour le tribunal…).
 
Il devient dès lors quasi-impossible pour les copropriétés d’obtenir des ordonnances d’injonctions de payer alors qu’il s’agit d’une procédure particulièrement adaptée aux copropriétés en difficulté : peu coûteuse, car elle n’impose par le recours à un avocat (frais de syndic et d’huissier uniquement), simple et rapide (décision prise par le juge directement sur la base du dossier transmis).
 
 
  1. Des délais d’obtention de l’aide juridictionnelle trop longs
Les copropriétés en difficulté, faisant l’objet d’un plan de sauvegarde ou étant sous administration provisoire, peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle pour « l’exercice des actions de recouvrement des créances tant en demande qu’en défense. » (art.2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique).
Il s’agit d’une aide financière destinée à prendre en charge la totalité ou une partie des frais de recours aux auxiliaires de justice (avocat, huissiers, etc.).
La demande d’aide juridictionnelle doit être faite par le syndic ou l’administrateur provisoire au Tribunal pour chaque copropriétaire débiteur pour lequel le syndicat des copropriétaires souhaite lancer une assignation afin d’obtenir un jugement.
Malheureusement, nous constatons que les délais d’obtention de l’aide juridictionnelle pour les copropriétés sont de plus en plus longs. Il est arrivé sur certaines copropriétés que ce délai atteigne un an !
Cela a pour conséquence de retarder l’engagement des procédures contre les débiteurs malgré l’urgence de certaines situations. Parfois, les débiteurs ne payent plus aucune charge et la procédure ne peut pas être engagée sans l’aide juridictionnelle au vu de la situation financière de certaines copropriétés. 
C’est un véritable cercle vicieux, car ces copropriétés bénéficiant de l’aide juridictionnelle ne peuvent pas se redresser correctement si elles n’engagent pas rapidement les procédures envers les débiteurs, parfois de mauvaise foi. Et plus l’engagement de la procédure tarde, plus le risque d’irrécouvrable augmente.
 
  1. Des dates d’audience trop lointaines
Un autre phénomène est observé en matière de délais de justice : il s’agit des délais d’obtention d’une date d’audience au Tribunal.
 
En effet, entre le moment où la copropriété demande une date au Tribunal d’instance (pour les dettes inférieures à 4 000 €) et le jour de l’audience, il peut y avoir plus de 6 mois d’attente.
 
L’assignation délivrée par un huissier de justice au débiteur mentionne la date d’audience et doit être délivrée au moins 15 jours avant la date d’audience. Mais généralement, elle est délivrée plusieurs mois avant la tenue de l’audience. Entre temps, les charges impayées augmentent et si le copropriétaire débiteur ne se présente pas à l’audience, la dette n’est pas actualisée le jour de l’audience et le montant retenu est celui au moment de l’assignation. Le jugement ne portera donc pas sur les sommes appelées postérieurement à l’assignation.
 
Concernant les procédures au Tribunal de Grande Instance (pour les dettes supérieures de 10 000 €), l’assignation délivrée au débiteur ne mentionne pas la date d’audience ; elle permet d’informer le débiteur qu’il aura prochainement à comparaître devant un juge. L’audience ou les audiences de mise en état dépendent des conclusions échangées entre l’avocat de la copropriété et l’avocat du débiteur. C’est le Tribunal qui fixe, dès que les éléments apportés par les avocats le lui permettent, une date d’audience de plaidoiries. Là encore, entre l’audience de mise en état et l’audience de plaidoiries, il peut s’écouler plusieurs mois.
 
 
  1. L’action de l’ARC : Une lettre adressée à Madame TAUBIRA, Ministère de la Justice

Face à ces trois constats, voici le courrier que nous avons envoyé au Ministère de la Justice :
 
Madame Christiane TAUBIRA,
Ministre de la Justice
13, Place Vendôme
75001 PARIS
 
                                                                                                          Paris, le 9 février 2015
 
Objet : Renforcement des effectifs des Tribunaux de Seine-Saint-Denis
Madame la Ministre,
 
Comme vous le savez certainement, les copropriétés en difficulté, notamment celles faisant l’objet d’opérations publiques, sont confrontées à de nombreux blocages qui retardent le processus de redressement de ces copropriétés, particulièrement en Seine-Saint-Denis.
 
Nous exposerons ici trois situations particulièrement complexes :
  • Les procédures simples, rapides et surtout peu coûteuses, telles que les injonctions de payer, deviennent impossibles à mettre en place, car sont en permanence rejetées en raison de la volonté des juges d’obtenir un « débat contradictoire » alors qu’il s’agit de procédures particulièrement adaptées aux copropriétés en difficulté. »
  • Les délais d’obtention de l’aide juridictionnelle, pour les copropriétés faisant l’objet d’un plan de sauvegarde ou étant sous administration judiciaire, sont de plus en plus longs (parfois même jusqu’à un an), ce qui retarde l’engagement des procédures judiciaires, alors même que les copropriétés en difficulté ont besoin – au vu de leur situation financière – de recouvrer au plus vite leurs créances, pour payer notamment leurs fournisseurs.
  • Les délais pour obtenir des dates d’audience en vue de faire condamner les copropriétaires débiteurs sont également de plus en plus longs. La conséquence est toujours la même : cela retarde l’obtention d’un jugement et le recouvrement des fonds nécessaires au fonctionnement des copropriétés en difficulté. Autre conséquence observée : la dette des débiteurs augmente jusqu’au moment de l’audience et si le copropriétaire ne se présente pas à l’audience, la dette n’est pas réactualisée. Ainsi, le débiteur est condamné au paiement du montant indiqué dans l’assignation et non au montant de la dette du jour de l’audience. La copropriété ne possède donc pas de titre pour les sommes postérieures.
Les copropriétés en difficulté devraient bénéficier de moyens supplémentaires pour accélérer les procédures de recouvrement et à faible coût compte tenu du niveau de leur trésorerie, mais elles se retrouvent au contraire enliser faute de moyens suffisants au sein des Tribunaux et particulièrement, au sein du Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
 
Au vu du constat de ces derniers mois, il nous semble essentiel que soient renforcés les moyens des tribunaux, et particulièrement ceux de Seine-Saint-Denis et ceci en urgence si l’on souhaite favoriser le redressement des copropriétés en difficulté qui pour la plupart fait d’ailleurs l’objet d’un financement public dans le cadre d’une opération de réhabilitation.
 
Nous vous prions de recevoir Madame la Ministre, l’assurance de notre haute considération.
 
 
Émile HAGEGE,                                                                              Jean-Claude BOUILLET,
Directeur de l’ARC                                                                           Président de l’ARC