L’injonction de payer : réponses aux réticences et arguties des syndics et de certains avocats

06/03/2014 Dossiers conseils Conseil

L’injonction de payer : réponses aux réticences et arguties des syndics et de certains avocats

 

 

Pour réduire les frais de recouvrement et obtenir rapidement un titre exécutoire contre un copropriétaire débiteur, l’ARC préconise depuis de nombreuses années, l’utilisation d’une procédure simple et peu coûteuse : l’injonction de payer.

 

Sur ce sujet, nous avons déjà rédigé plusieurs articles ou dossiers :

 

  • Or, malgré ces articles détaillés, nos adhérents sont souvent confrontés aux réticences de leur syndic, et encore plus de leur avocat (rappelons que le recours à un avocat n’est pas obligatoire pour ce type de procédure ce qui peut expliquer certaines réticences…).

 

  • Dernièrement, l’avocat d’une copropriété adhérente a invoqué les raisons, relatées ci-après, pour dissuader le syndicat d’utiliser l’injonction de payer (nous donnons, en fin d’article, le texte exact de la lettre adressée par cet avocat au syndic).
  • Nous vous proposons de répondre point par point à ces arguments, grâce à l’aide précieuse d’un cabinet d’avocats que l’ARC connaît bien :

 

  • « Les magistrats préfèrent les débats contradictoires, il est donc difficile d’obtenir une injonction de payer »
  • Il est inexact d’affirmer qu’il est difficile d’obtenir une ordonnance d’injonction de payer : le magistrat est saisi par une procédure officielle, ce dernier sera attentif à la production des pièces justificatives de la créance de la copropriété, tout comme une assignation en paiement. Si toutes les pièces sont réunies et que la dette n’est pas contestable, le juge est non seulement parfaitement en capacité de prendre une décision sans débat contradictoire, mais il le fait. Quand il rejette la demande, c’est que le dossier est mal fait…

 

> Les arguments de l’avocat ne sont donc pas recevables !

 

  • [Rappel : Le principe du débat « contradictoire » signifie que chacune des parties (le demandeur, en l'occurence le syndicat des copropriétaires, et le défendeur, soit le copropriétaire débiteur) a été en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que les parties s'opposent.
  • Chacune des parties fait donc valoir ses demandes par l'échanges de leurs "conclusions" et des pièces justificatives. Dans le cas d’une injonction de payer, le juge, pour rendre sa décision se fonde exclusivement sur les seuls documents déposés par le demandeur (syndicat des copropriétaires).
  • La procédure est dite « non contradictoire » ce qui explique qu'il est facilement possible, pour le copropriétaire débiteur, de contester l'ordonnance rendue par le juge (par voie d'opposition)]

 

  • Néanmoins, dans le cas où la demande du créancier (le syndicat) est rejetée, le syndicat engage alors une procédure judiciaire classique (même dossier que pour l’injonction), procédure qui s’avèrera au final beaucoup plus rapide qu’une procédure d’appel ou de cassation.

 

  • « L’ordonnance est caduque si elle n’a pas été signifiée dans les six mois de sa date. »

 

  • Pour être exécuté, un jugement doit également être signifié dans un délai de six mois sous peine de caducité, ce qui ne fait pas une particularité liée à l’ordonnance d’injonction de payer.

 

> Cet argument n'est donc pas convaincant et ne peut être retenu.

 

  • « Une saisie immobilière ne peut être diligentée que sur la base d’une ordonnance d’injonction de payer signifiée à personne alors que dans la plupart des cas, le débiteur est absent au moment de la signification. »
  • Il est erroné de prétendre qu’une procédure de saisie immobilière ne peut être engagée que sur la base d’une ordonnance d’injonction de payer signifiée à personne (c’est-à-dire que l’huissier remet l’ordonnance directement au débiteur de la main à la main) : aucun texte n’interdit d’engager une saisie immobilière en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer dont la signification n’a pas été faite à personne, à la condition toutefois que l’ordonnance soit revêtue de la formule exécutoire (apposition de la formule exécutoire qui doit être sollicitée par le créancier auprès du juge).

 

  • En revanche, si la signification n’est pas faite à personne, le délai d’opposition d’un mois court à compter du premier acte signifié à personne ou, à défaut, de la première mesure d’exécution (en l’occurrence à compter du commandement de payer valant saisie immobilière) et non à compter de la signification de l’ordonnance.

 

  • En somme, si une procédure de saisie immobilière a été lancée sur la base d’une ordonnance d’injonction de payer qui n’a pas été signifiée à personne et que le débiteur fait opposition suite à la délivrance du commandement de payer valant saisie, la procédure de saisie immobilière deviendra caduque car le commandement de payer ne pourra pas être publié dans les deux mois auprès du service de la publicité foncière.
  • Néanmoins, si la décision statuant sur l’opposition s’avère favorable au créancier, il suffira simplement de signifier un nouveau commandement de payer pour relancer la procédure de vente.

 

  • Par ailleurs, ces cas sont rarissimes puisque nous préconisons l’utilisation de l’injonction de payer pour les dettes moyennes (de 2 trimestres à 2 ans d'impayés de charges) afin de limiter les risques de contestation, et pour ce niveau de dette, l'exécution par voie de saisie immobilière est rarement envisagé.

 

> L'argument de l’avocat est donc en décalage avec l'usage préconisé de cette procédure.

 

  • « En définitive, c’est en mettant en œuvre la procédure de recouvrement que l’on peut déclencher une opposition qui anéantira ladite exécution. »

La procédure d’opposition du débiteur n’anéantit pas les mesures d’exécution mais les suspend dans l’attente de la décision qui sera rendue par le Tribunal.

 

> Nous ne pouvons donc entendre cet argument. 

 

  • « Il est donc préférable d’engager une procédure d’exécution sur la base d’un jugement. »

Sous-entendu : en passant par un avocat payé (parfois trop cher) pour cela.

 

La procédure d’assignation en paiement est une procédure plus longue que l’injonction de payer, surtout si le débiteur se défend et oppose des arguments. Elle est aussi plus coûteuse puisqu’elle nécessite l’intervention d’un avocat.

 

En effet, selon notre expérience, l’injonction de payer est une procédure très accessible qui peut « réveiller » un débiteur de « bonne foi » avant que sa dette ne soit trop importante et ne justifie alors une procédure plus longue et plus complexe.

 

Conclusion :

On le voit, l’avocat avec des mots et expressions compliqués tente d’impressionner son interlocuteur et de faire passer l’ARC pour une association peu sérieuse au niveau juridique. En répondant point par point à ces arguties nous avons donc démontré le contraire et remis les choses à leur place.

 

 
 

 

DOSSIER A ADRESSER A VOTRE SYNDIC ABSOLUMENT

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe : lettre complète de l’avocat évoquée dans l’article précédent :

 

Cher Monsieur  [Le syndic],

 

Je fais suite à notre récent entretien concernant l’exécution forcée des ordonnances  d’injonction de payer.

 

En premier lieu, il me semble difficile d’obtenir une ordonnance d’injonction de payer s’agissant de charges de copropriété, les magistrats ayant une préférence en la matière pour un débat contradictoire.

 

Cette procédure est toutefois possible  théoriquement mais pose d’importantes difficultés au niveau du recouvrement.

 

En effet, la procédure de saisie immobilière, voie d’exécution la plus efficace afin de recouvrer des charges de copropriété, ne peut être pratiquée qu'en vertu d'un titre exécutoire.

 

Or l’ordonnance d’injonction de payer ne peut constituer un titre exécutoire que si le débiteur n’y fait pas opposition dans le délai d’un mois à compter de sa signification.

 

Par ailleurs, dans le mois de l'expiration de ce délai, le créancier doit demander l'apposition de la formule exécutoire.

 

En outre, l’ordonnance est caduque si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date ou si l'apposition de la formule exécutoire n'a pas été demandée dans le délai indiqué.

 

Au chapitre des difficultés relatives aux titres exécutoires, il revient au juge de la saisie immobilière de se prononcer, le cas échéant, sur le caractère exécutoire du jugement.

 

Ainsi lui appartient-il de vérifier l'incidence sur la procédure d'exécution en cours de l'opposition formée contre une injonction de payer qui n'a pas été signifiée à personne, de vérifier la régularité de la signification de cette injonction ou encore de vérifier que l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance portant injonction de payer n'est pas prématurée ou tardive.

 

Tous ces points nous échappent puisque l’intervention de l’avocat est retardée au stade de l’exécution. La suspension de la force exécutoire de l'ordonnance d'injonction de payer a ainsi été relevée dans le cas où, la signification n’a pas été faite à la personne même du débiteur, mais à son domicile ou à l'étude de l'huissier, l’ordonnance est rendue exécutoire un mois après sa signification tout en étant susceptible d'opposition jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

 

En effet, il résulte des dispositions de l’article 1416 du code de procédure civile que :

« si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tou ou partie, les biens du débiteur. »

 

Ainsi, dans l'hypothèse où la signification n'a pas été faite à la personne même du débiteur, mais à son domicile, à l'étude de l'huissier de justice ou au dernier domicile connu, l'opposition est encore recevable dans le mois suivant le premier acte d'huissier signifié à personne, ou, à défaut, dans le mois suivant le moment où la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles tout ou partie des biens du débiteur (procès-verbal de saisie-vente, procès-verbal de saisie-attribution, acte de saisie sur les rémunérations du travail notifié par le greffe du tribunal d'instance) a été portée à la connaissance du débiteur.

 

Le délai d'opposition est également interrompu en cas de demande d'aide juridictionnelle contrairement à l’appel d’un jugement exécutoire.

 

Il faut savoir à cet égard que les délais de traitement des dossiers d’aide juridictionnelle sont de l’ordre de 6 mois.

 

Ainsi en cas d’opposition, les actes de procédure de la saisie immobilière seraient purement et simplement annulés.

 

Par exemple, si l’ordonnance n’a pas été signifiée à personne mais est revêtue de la formule exécutoire, le créancier peut signifier un commandement de saisie immobilière.

 

Or le débiteur est en droit de former opposition dans le délai d’un mois suivant la signification dudit commandement : le commandement ne peut dès lors plus être publié et le créancier a engagé des frais en pure perte.

 

Il en est de même s’agissant des autres mesures d’exécution.

 

En définitive, c’est en mettant en œuvre la procédure de recouvrement que l’on peut déclencher une opposition qui anéantira ladite exécution.

 

En conséquence une saisie immobilière ne peut être diligentée que sur la base d’une ordonnance d’injonction de payer signifiée à personne alors que dans la plupart des cas, le débiteur est absent au moment de la signification.

 

Ces difficultés sont évitées lorsque le débiteur a eu l’occasion de présenter des contestations devant le Tribunal.

 

Il est donc préférable d’engager une procédure d’exécution sur la base d’un jugement.

 

Je me tiens à votre disposition si vous souhaitez obtenir de plus amples informations.

 

Je vous prie d'agréer, Cher Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.