Loi ALUR et Copropriété : un premier bilan en dix points, neuf mois après

12/12/2014 Actions Action

 

Loi ALUR et Copropriété : un premier bilan en dix points,

neuf mois après

 
« Que pensez-vous de la mise en œuvre de la loi ALUR dans le secteur de la copropriété neuf mois après sa promulgation ? Etes-vous contents ? Sur quels points ? Etes-vous mécontents ? Pourquoi ? ».
 
C’est pour répondre à ces questions que l’on nous pose tous les jours depuis quelques semaines que nous avons rédigé le petit dossier qui suit et qui est plutôt pessimiste et sombre, comme on va le voir.

 

1. Les trois décrets concernant les contrats de syndic :

toujours « en arbitrage » au bout de neuf mois

 
 
Sur ce volet très important et très attendu (contrat-type « tout sauf » : liste limitative des prestations particulières, plafonnement des honoraires privatifs), nous sommes toujours en attente des décrets d’application.
En effet, après neuf mois, aucun des trois décrets n’est paru ; et quand ils sortiront (dans quel état et suite à quels types d’arbitrage, nous commençons à être inquiets) nous sommes sûrs que le Gouvernement accordera un délai important de mise en place aux syndics, ce qui permettra à beaucoup d’entre eux, via les contrats de deux ou trois ans, d’atteindre sans difficulté 2017 ou 2018… dans l’espoir, à ce moment, d’une modification espérée de la loi ALUR.
Conclusion : les contrats en cours présentent toujours autant d’abus et d’illégalités et sont toujours régis par l’arrêté NOVELLI du 19 mars 2010, ce qui va encore durer de nombreux mois.

 

2. Le compte bancaire séparé : dérogation, application différée, ouvertures de faux comptes séparés, augmentation injustifiée des honoraires…

 
On sait que Madame Cécile DUFLOT, ancienne Ministre du Logement, avait cédé aux lobbies et exclu in extremis les copropriétés de moins de 16 lots principaux de l’obligation de compte séparé sans dérogation, soit 70 % des copropriétés.
Pour le reste, on assiste depuis la promulgation de la loi :
  • soit à l’ouverture de comptes bancaires séparés moyennant des augmentations d’honoraires de l’ordre de 20 % ;
  • soit à un refus d’ouvrir un compte avant le 25 mars 2015 ou pire, à un renouvellement du contrat  de trois ans sans compte séparé (ce qui peut nous amener à 2017) ;
  • soit à l’ouverture d’un faux compte bancaire séparé grâce à une collusion entre banque et syndic (exemple : chez NEXITY et la banque PALATINE les anciens sous comptes séparés ont été - soit disant - transformés en comptes séparés TOUT EN GARDANT EXACTEMENT LE MÊME NUMÉRO).
Comme on le constate, le bilan est - là encore - plus que décevant…
Conclusion : les syndics profitent toujours des fonds des syndicats de copropriétaires et vont maintenir leurs pratiques « financières » : retards de paiements de fournisseurs, refus de placer les fonds disponibles, etc.

3. L’extranet obligatoire au 1er janvier 2015 :

rien n’est prévu

 
La loi ALUR - sur demande des professionnels - a intégré l’obligation de mettre à disposition du syndicat des copropriétaires un extranet pour chaque copropriété à partir du 1er janvier 2015.
 
Malheureusement aucun encadrement réglementaire n’est prévu :
 
  • quel périmètre aura l’extranet (que doit contenir l’extranet) ?
  • quelle garantie concernant la transmission des données en cas de changement de syndic (interopérabilité) ?
  • quelle garantie pour la non-diffusion de données personnelles ?
 
Malgré nos relances auprès des ministères, rien n’est encore prévu et nous risquons des dérapages et effets pervers redoutables.
 
Nous avons donc rédigé un projet d’arrêté en concertation avec l’UFC-Que-Choisir, que nous tentons de faire accepter par les autorités. En attendant c’est le flou absolu.
 
Conclusion : ce sont les copropriétaires ou les syndicats dans leur ensemble, qui risquent de devenir victimes de cet outil numérique.

 

4. La mise en place du CNTGI : un conseil « déséquilibré » et au service des professionnels

 
Le Conseil National de la Transaction et Gestion Immobilières apparaît bien - ce qu’on pouvait craindre - comme étant caractérisé par deux « faiblesses » rédhibitoires.
 
  1. Il est dominé par les professionnels qui non seulement y sont majoritaires en nombre, et donc en voix, mais en plus sont représentés par des lobbyistes de poids.
 
Rappelons qu’y siège au nom de l’UNIS : le PDG de FONCIA par ailleurs président de l‘association des quinze plus gros syndics, PLURIENCE.
 
  1.  De leur côté les représentants des usagers - uniquement des organisations de consommateurs - apparaissent dans l’incapacité, en ce qui concerne la copropriété de faire véritablement contrepoids : ainsi dans ce domaine essentiel seules deux organisations de consommateurs sur les cinq nommées ont une réelle expertise juridique et une réelle expérience de « terrain ». Ces deux organisations de consommateurs se retrouvent ainsi bien seules et bien démunies face aux SEPT professionnels qui sont en face…
 
Rappelons aussi que l’UFC-Que-Choisir, la première organisation de consommateurs a refusé de siéger dans ce conseil déséquilibré et donc « biaisé ».
 
 
 
Ce déséquilibre au sein de cette instance s’est d’ailleurs vérifié de façon caricaturale avec le projet de contrat-type adopté par la majorité du CNTGI en vue de « forcer » la main au Gouvernement, et qui n’était autre que le projet de l’association PLURIENCE…
 
Conclusion : le CNTGI va privilégier des propositions réglementaires, qui seront le plus souvent à l’avantage des professionnels.
 

5. Le code de déontologie des syndics et l’indispensable Commission Nationale de Contrôle et de Discipline : rien à l’horizon, silence total

 
Alors qu’il s’agit là d’un des apports majeurs de la loi ALUR, aucun code de déontologie n’est en préparation et - surtout - la Commission Nationale de Contrôle et de Discipline qui aurait dû être installée en même temps que le CNTGI ne semble toujours pas à l’ordre du jour des projets de décrets du Gouvernement.
 
Le prétexte invoqué est que cette commission ne verra le jour que quand un code de déontologie aura été élaboré. On tourne en rond et la course de lenteur est engagée.
 
Par ailleurs, il apparaît que les professionnels font tout - là encore - pour écarter l’ARC, association redoutée à juste titre, et exercent à nouveau un chantage sur le Gouvernement pour parvenir à leur fin (« c’est eux ou nous »).
 
Conclusion : une Commission Nationale de Contrôle et de Discipline qui n’est pas prête de se mettre en place, avec une pression des professionnels, pour retarder voire annuler sa constitution. 

 

6. Le décret sur les conflits d’intérêts chez les syndics : rien non plus en préparation au bout de neuf mois

 
Introduite par la loi ALUR (avec beaucoup de difficulté), une disposition nouvelle prévoit une sanction radicale (inopposabilité du contrat) dès lors qu’un syndic ferait travailler sans autorisation spéciale de l’assemblée générale une entreprise qui aurait un lien quelconque avec lui.
 
Un décret doit préciser quelles sont les situations visées pour permettre d’appliquer enfin la loi.
 
Or, non seulement ce décret n’est toujours pas sorti, mais nous pensons que la concertation pour son élaboration n’a même pas commencé d’être mise en place...
 
Conclusion : des filiales de syndics ou entreprises associées indirectement qui continuent à travailler au sein des copropriétés à l’insu des copropriétaires.
 
 

7. La non mise en concurrence du syndic de promotion.

RIEN ne s’est passé. RIEN n’arrive

 
Une autre disposition introduite dans la loi de 1965 par la loi ALUR prévoit l’OBLIGATION de mise en concurrence du premier syndic, syndic dit « de promotion ».
 
Le syndic de promotion - choisi par le promoteur - s’arrange en général pour imposer un contrat de trois ans et a une tendance très prononcée à ne pas trop solliciter le promoteur (qui l’a placé) pour les reprises de malfaçons ou autres problèmes.
 
Or, depuis neuf mois depuis la loi ALUR et alors que cette disposition était immédiatement applicable, RIEN ne se passe et AUCUN promoteur ni AUCUN syndic de promotion n’ont introduit de dispositif de mise en concurrence, pourtant - rappelons-le - désormais obligatoire.
 
Saisis, les ministères déplorent la situation, mais ne font rien.
 
Conclusion : des syndicats de copropriétaires qui continuent à être gérés pendant au moins 3 ans par des syndics de promotion, bloquant ainsi tout recours à l’égard du promoteur.
 

8. Le «  pré-état daté » (lors de la promesse de vente) source de nouveaux abus tarifaires

 
Comme on le sait, la loi ALUR a renforcé les obligations du vendeur concernant la délivrance de certaines informations ou documents au moment de la promesse de vente.
 
Bien que le syndic ne soit nullement tenu par la loi (contrairement à l’« état daté ») de fournir ces informations et documents qui relèvent du seul vendeur, les syndics se sont précipités sur l’occasion pour facturer jusqu’à 500 € ce qu’ils baptisent abusivement « pré-état-daté », ceci en plus des honoraires concernant les états datés.
 
Et pour faire bonne mesure, au lieu d’assumer le fait que cette situation est pour eux une aubaine, ils ont fait mine de s’indigner de ces nouvelles obligations !
 
Conclusion : des frais supplémentaires à la charge du copropriétaire vendeur, avec des professionnels jouant un double jeu.
 

9. La notification des convocations d’assemblée générale par mail :

encore rien non plus

 
Là encore, on attend, sachant qu’il y a deux grandes « écoles » :
 
  • celle qui souhaite (comme nous) un régime simple et accessible ;
  • celle qui souhaite (comme les grands syndics) un régime sophistiqué avec « coffre-fort » électronique personnel ! En gros, une usine à gaz permettant aux gros syndics de maintenir captives les copropriétés mais aussi les copropriétaires.
 
Le Gouvernement n’aurait pas encore tranché, bien que nous craignions qu’il penche plutôt pour la solution très sophistiquée.
 
Analyse : Une disposition qui manque de clarté, avec des conséquences potentiellement dangereuses pour les syndicats de copropriétaires et les copropriétaires.
 

10. Le seul résultat malheureusement très concret de la loi ALUR : des augmentations d’honoraires « justifiés » par la loi ALUR

 
Comme l’ARC et l’UFC-Que-Choisir l’on montré dans leur dernière enquête, les syndics n’ont pas tardé à chercher à augmenter leurs honoraires (facilement jusqu’à 20 %) en faisant valoir les nouvelles obligations de la loi ALUR.
Malheureusement, 90 % de ces nouvelles obligations (l’immatriculation des copropriétés, la fiche synthétique, le fonds travaux et même le compte séparé) ne sont pas applicables avant une, deux voire trois années et - qui plus est - sont en attente de décret.
 
Comme nous le disons à l’ARC : « La loi ALUR a bon dos… ».
 
Analyse : augmentation unilatérale des honoraires du syndic sans contrepartie probante.
 
*
Conclusion : maigre bilan, très maigre bilan, voire bilan négatif, ce qui est un comble après tant d’efforts.
 
Nous avons néanmoins décidé de continuer à y croire et d’agir pour faire bouger les lignes.