Loi malus-bonus sur l’énergie : une loi décidément non faite pour la copropriété

24/01/2013 Actions Action

Loi malus-bonus sur l’énergie :

une loi décidément non faite pour la copropriété

 
 
En septembre 2012 le Député socialiste François BROTTES déposait une proposition de loi dite malus-bonus. Nous en avions parlé à l’époque et avions expliqué pourquoi cette loi était - selon nous - totalement inadaptée aux copropriétés avec chauffage collectif (voir : Actualité 04.10.12 : « L’ARC consulté par le Parlement sur la proposition de loi concernant la future tarification de l’électricité et du gaz »).
Après quelques avatars (le Sénat a rejeté la loi telle qu’elle était proposée), cette loi est revenue devant l’Assemblée Nationale qui - tenant compte de nos critiques - a tenté de contourner les difficultés.
 
Malheureusement le remède est presque pire que le mal.
 
L’Assemblée Nationale a cru bon, en effet de proposer de rajouter à la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, un article de loi - l’article 24-7 - qui, pour nous, représente une double erreur.
 
Nous avons tenté de l’expliquer à Monsieur François BROTTES ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires dans la lettre qui suit.
 
Comme disait SEMPÉ : « Rien n’est simple tout se complique ». Et comme on dit à l’ARC : « Fuyons ce qui est trop compliqué ».
 
 
                                                                                                                                   
 
Paris, le 18 Janvier 2013
 
 
Objet : Alerte relative à des modifications de la loi du 10 juillet 1965 (concernant les copropriétés) proposées dans le cadre de la loi BROTTES sur le bonus-malus.
 
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
 
La loi « BROTTES » concernant le bonus-malus en matière énergétique est une excellente loi dans son principe, mais elle peut entraîner des effets « pervers » importants, comme nous l’avions déjà signalé par courrier détaillé adressé le 27 septembre 2012 à tous les parlementaires.
La Commission des Affaires Economiques (C.A.E.) de l’Assemblée Nationale a visiblement pris en compte nos remarques concernant l’impossibilité de l’application du principe malus-bonus dans les copropriétés avec chauffage collectif (dans notre note adressée à Monsieur BROTTES et diffusée aux parlementaires).
 
Malheureusement la solution imaginée pour répondre à nos objections (ajout dans la loi du 10 juillet 1965 d’un article nouveau) entraîne - comme on va le démontrer - des effets pénalisants non repérés par la C.A.E., sans résoudre les problèmes de base.
 
Nous le répétons : la loi malus-bonus est totalement inadaptée à la copropriété avec chauffage collectif et il est dangereux de s’obstiner dans ce sens, en empilant les mesures complémentaires pour y parvenir comme a tenté de la faire la C.A.E. de bonne foi.
 
Comme on va le constater, une fois de plus le « diable est dans le détail », et une fois de plus il apparait que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».
 
 
I. Les modifications proposées à la loi de 1965
 
La C.A.E. propose de créer un article 24-7 ainsi libellé :
 
«  Art. 24-7. – Lorsque l’immeuble est pourvu d’installations communes de chauffage et n’est pas équipé d’une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif, toute proposition en vue d’autoriser cette installation est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
« Les décisions concernant l’installation de compteurs d’énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage et les décisions concernant la répartition du bonus-malus mentionné au titre II bis du livre II du code de l’énergie sont approuvées dans les conditions de majorité prévues au premier alinéa de l’article 24. ».
II. Analyses du projet d’article 24-7
 
A- Généralisation du vote sur les répartiteurs de frais de chaleur
 
Cette proposition introduit, comme on le voit, deux dispositions nouvelles dans la loi de 1965 :
 
  1. il faudra désormais obligatoirement que TOUS les syndicats de copropriétaires qui disposent du chauffage collectif se prononcent sur la pose de répartiteurs ou compteurs calorifiques, ce qui se fera à la majorité simple ;
  2. les assemblées générales pourront voter une répartition du malus-bonus différente de la répartition des charges de chauffage prévue par le règlement de copropriété, ceci à la majorité simple.
 
L’intention est louable, mais seulement louable.
Pour dire vite le législateur entend favoriser la pose de compteur de chaleur ou de répartiteurs dans toutes les copropriétés pour permettre à ceux qui souhaitent faire des économies de le faire.
 
Le législateur oublie cependant qu’il existe déjà un décret qui oblige à poser des répartiteurs dans les immeubles où les consommations de chauffage sont supérieures à un certain niveau fixé par décret du 23 avril 2012 plus un arrêté du 27 août 2012 (il y a donc seulement quatre mois).
 
Cela veut donc dire que l’article 24-7 proposé vise à obliger TOUTES les copropriétés à se prononcer sur la pose de répartiteurs, y compris les copropriétés dont les consommations se situent en deçà des seuils fixés par l’arrêté du 27 août 2012. Et pour cela l’article prévoit que la majorité requise sera la majorité la plus faible possible alors même qu’il s’agit d’une amélioration et qu’il n’y a aucune obligation réglementaire pour les copropriétés situées au-dessous des seuils établis par l’arrêté du 27 août 2012 (donc qu’il il faudrait une majorité qualifiée).
 
Or, ces immeubles (qui consomment MOINS que ce que prévoit l’arrêté du 27 août 2012) auront forcément des consommations collectives inférieures au seuil fixé par la loi bonus-malus, ce qui veut dire que la nouvelle obligation prévue par l’article 24-7 proposé n’a aucun sens et n’aura aucune efficacité sur la baisse des consommations ou n’aura qu’une très faible efficacité.
 
Elle aura néanmoins les incidences négatives suivantes :
 
  1. favoriser les sociétés (souvent des grands groupes) qui pratiquent le « comptage » calorifique [et qui imposent des contrats de location-relevés d’une durée minimale de dix ans pour des coûts atteignant facilement 12 euros par radiateurs soit 72 euros pour un F4] ;
 
  1. favoriser les syndics de copropriétés qui facturent aussi la gestion de ces comptages au prix fort [jusqu’à 10 euros - oui 10 - par radiateur] ;
 
  1. pénaliser les occupants des logements les plus défavorisés thermiquement, la répartition des frais de chauffage entraînant mécaniquement un transfert des logements favorisés thermiquement (plein sud, entourés par d’autres logements) vers ceux défavorisés (plein nord, sur pignon froid, sur terrasse mal isolée ou sur caves), ce que nous avons démontré dans notre guide : « Les répartiteurs de frais de chauffage : oui ou non ? » (octobre 2012) sans être démenti dans notre analyse ;
 
  1. au final, rendre encore plus difficile dans les copropriétés le vote de travaux importants (pourquoi l’occupant privilégié thermiquement voterait-il les travaux d’isolation du toit  ou du pignon nord ?), ce que nous démontrons aussi dans notre guide.
 
On le voit, les bonnes intentions de la C.A.E. sont :
 
  • non justifiées pour une part : les immeubles censés trop consommer sont DÉJÀ obligés de s’équiper de répartiteurs ;
  • injustifiées et perverses pour le reste, tout juste bonnes à favoriser les grands prestataires de services facturant cher le « comptage » calorifique.
 
Nous vous prions en conséquence de ne surtout pas voter l’introduction de l’article 24-7 dans la loi de 1965, article forcément inspiré par les lobbyistes du syndicat professionnel du comptage qui ont su trouver les mots justes pour convaincre les élus soucieux des problématiques environnementales.
 
B- Disposition concernant le vote d’une nouvelle répartition du bonus-malus à la majorité simple
 
Le deuxième paragraphe du projet de l’article 24-7 dispose ceci :
 
« Les décisions concernant l’installation de compteurs d’énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage et les décisions concernant la répartition du bonus-malus mentionné au titre II bis du livre II du code de l’énergie sont approuvées dans les conditions de majorité prévues au premier alinéa de l’article 24 ».
 
Notre premier commentaire est : « qu’est-ce que cela veut dire ? ».
 
Cela veut-il dire qu’une assemblée générale qui déciderait de ne pas faire le bonheur des prestataires de services en comptage surfacturé aurait le droit d’introduire à la majorité simple de l’article 24 une répartition du bonus-malus différente de celle prévue par la grille de charges chauffage du règlement de copropriété ? Ou bien cette possibilité n’est-elle ouverte que si des compteurs ou répartiteurs sont posés ?
 
Ce n’est pas clair du tout et c’est donc source d’insécurité et de danger.
 
Par ailleurs quel critère les copropriétés devraient-elles retenir pour la répartition du bonus-malus ?
Comment empêcher l’arbitraire, voire l’injustice ? Le texte est muet sur ce point.
 
Ce que nous pouvons dire, c’est que cette disposition, en l’état, ouvre la porte à l’arbitraire, aux conflits, aux injustices et que nous pensons qu’il faut rejeter une telle proposition qui semble ne pas reposer sur une analyse suffisante de la situation.
 
Pour finir, nous dirons ceci :
 
  • alors que nos associations - l’ARC et l’UNARC - sont des « militants » convaincus de la rénovation énergétique, des acteurs dynamiques de la baisse des consommations et des charges, nous sommes obligés de nous opposer à l’application de cette loi en copropriété et pensons - comme nous l’avons déjà dit - qu’elle va introduire :
 
  • une incroyable complexité de gestion dans les copropriétés ;
  • une rente de situation pour les grands groupes de comptage, aux frais élevés des occupants et ceci sans incidence sur les consommations globales ;
  • des conflits ;
  • des tricheries ;
  • des effets contre-productifs (absence de gros travaux concernant le bâti, comme nous l’avons déjà dit).
 
La proposition de création d’un article 24-7 dans la loi de 1965 introduite par la C.A.E. ne fait que renforcer notre hostilité et nous invitons la représentation parlementaire à ne pas adopter cette voie, sachant qu’il en est d’autres non seulement plus simples, mais aussi beaucoup plus efficaces et auxquelles nous nous permettons de renvoyer les députés et sénateurs :
 
  • élaboration (gratuite) d’un B.I.C. (Bilan Initial de Copropriété) ;
  • réalisation d’un audit global partagé ;
  • mise en place de plans pluriannuels de travaux adaptés ;
  • mise en place de plans de financements collectifs adaptés ;
  • voire : vote d’un C.P.E. (Contrat de Performance Energétique) avec travaux.
 
Nous vous invitons - si vous êtes sceptiques - à découvrir pour commencer le B.I.C. mis au point par notre association et l’association Planète Copropriété : http://arc-copro.fr/bic.pdf
 
Veuillez recevoir, Mesdames et Messieurs, les Députés, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l’assurance de nos salutations distinguées
 
Fernand CHAMPAVIER                                                   Marie Noëlle AMBLES
Président de l’ARC                                                            Présidente de l’UNARC ».