NON à l’obligation généralisée d’installer des répartiteurs de frais de chauffage :
l’ARC saisit Madame la Ministre Ségolène ROYAL
Suite au maintien des dispositions relatives à la généralisation à outrance des répartiteurs de frais de chauffage, l’ARC sollicite Madame la Ministre Ségolène ROYAL pour faire entendre la voix des usagers.
N’hésitez pas à relayer cette démarche auprès de vos élus.
***
« Madame la Ministre Ségolène ROYAL
Ministère de l’Écologie,
du Développement durable et de l’Énergie
Hôtel de Roquelaure
246, boulevard Saint-Germain
75007 PARIS
Objet : Lettre ouverte sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Paris, le 5 juin 2015,
Madame la Ministre,
Je vous écris en tant que Président de l’Association des Responsables de Copropriété, association représentative des copropriétaires, regroupant plus de 14 000 copropriétés. Depuis plus de 25 ans, nous agissons pour aider les copropriétaires à maîtriser leurs charges d’énergie et à rénover leur copropriété. Nous sommes ainsi directement concernés par le projet de loi pour la transition énergétique et la croissance verte que vous portez. Si un grand nombre de points nous paraissent très positifs, nous tenons cependant à exprimer notre très vive inquiétude concernant certaines dispositions du texte actuel, très défavorables à la rénovation énergétique dans les copropriétés.
Comme beaucoup d’autres, nous avons été séduits dans un premier temps par les promesses de l’individualisation des frais de chauffage (nous avions même co-rédigé un guide à ce sujet avec Ista en 2008). Selon les promoteurs de l’individualisation, ce dispositif doit permettre des économies importantes pour un faible coût. Les retours de terrain que nous accumulons depuis plusieurs années sont – malheureusement – très décevants :
- le système est souvent opaque, et en général complexe à bien mettre en œuvre,
- de nombreux coûts cachés altèrent la rentabilité du dispositif,
- les économies constatées (0 à 10%) sont bien plus faibles que celles annoncées par les promoteurs du système,
- les répartiteurs favorisent une approche individualiste au détriment d’une dynamique commune, élément incontournable d’une rénovation globale,
- l’individualisation des frais de chauffage fait majoritairement peser la charge du chauffage sur les copropriétaires présents en journée, qui sont les plus fragiles (retraités, chômeurs, malades…),
- l’individualisation favorise le développement de la précarité énergétique en amenant les copropriétaires modestes à couper leurs radiateurs.
D’autres arguments ont été avancés en faveur des répartiteurs, en particulier par M. Brottes. Nous les avons étudiés avec intérêt ; mais nous avons abouti à la conclusion qu’ils n’étaient pas fondés (voir notre courrier ci-joint adressé à M. Brottes). Sans modification, la généralisation à outrance de l’individualisation des frais de chauffage que prévoit le projet de loi actuel soulèvera des problèmes d’une toute autre ampleur :
- il va ralentir la transition énergétique des copropriétés car les sommes qui vont être mobilisées pour l’individualisation des frais ne seront plus disponibles pour des travaux qui ont fait leurs preuves (isolation, chaufferie) ;
- la suppression des critères d’éligibilité (seuils de consommation justifiant la rentabilité du système) actuellement en vigueur et mis en place il y a à peine 3 ans par l’article 6 ter – dont la formulation est par ailleurs particulièrement imprécise – sont incompatibles avec la directive efficacité énergétique. Des questions de constitutionnalité peuvent être également soulevées.
D’autre part, la sanction prévue en cas de non mise en place de l’individualisation des frais de chauffage, d’un montant de 1500€ par logement (article 7) paraît extrêmement disproportionnée.
Généraliser à outrance l’obligation d’individualiser les frais de chauffage pour enclencher la transition énergétique relève donc pour nous d’un fantasme dangereux, qui va à l’encontre des objectifs du projet de loi. D’autre part, d’autres mesures, actuellement absentes du projet de loi nous paraissent beaucoup plus urgentes pour permettre réellement enclencher une dynamique de rénovation dans les copropriétés.
Nous tenons à rappeler que la réglementation actuelle[1] est la conséquence d’un travail solide mené en 2012 par le Ministère de l’écologie, qui a mobilisé pendant plus d’un an l’ensemble des acteurs concernés par ce sujet : installateurs, représentants du logement privé et du logement social, thermiciens, etc. Cette réglementation fait l’objet d’un consensus général : Union européenne, usagers et société civile, professionnels.
Notre premier souhait est d’aider les copropriétaires à maîtriser leurs charges d’énergie et à bien prendre le virage de la rénovation énergétique des bâtiments. Nous vous demandons donc de bien vouloir nous recevoir pour que nous puissions échanger à ces sujets, et trouver des solutions acceptables par tous.
Dans cette attente, veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.
Gérard ANDRIEUX
Président ».
[1] Code de l’énergie, notamment son article L. 241-9, décret n°2012-545, arrêté du 27 août 2012