Obligations concernant les travaux de rénovation énergétique en copropriété : le point de vue de l’ARC et de l’UNARC

21/03/2013 Actions Action

Obligations concernant les travaux de rénovation énergétique en copropriété : le point de vue de l’ARC et de l’UNARC

 

 

Face à l’échec de sa politique « d’incitation », Monsieur Philippe PELLETIER (Président du Plan Bâtiment Durable) vient de créer un nouveau groupe de travail, concernant la mise en place éventuelle d’obligations sur les travaux de rénovation énergétique dans les copropriétés.

 

Vous trouverez ci-dessous la position de l’ARC que nous venons d’adresser à M. Raphaël CLAUSTRE, Président du CLER (Comité pour la Transition Energétique) l’une des deux personnes nommées pour animer ce groupe de travail.

 

Nous vous prions de recevoir, Mesdames, Messieurs, l’assurance de nos salutations

 

ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE

 

 

À quelles conditions une obligation de travaux de rénovation énergétique pourrait-elle être mise en place dans les copropriétés ?

 

 

Chacun le sait : les copropriétés ont beaucoup de mal (voire de plus en plus de mal) à voter des travaux de rénovation et encore plus à voter des travaux de rénovation énergétique.

 

Depuis quatre ans les responsables du Grenelle disent : « Il ne faut pas mettre en place des obligations de travaux ; restons-en aux incitations : incitations fiscales ; prêt à taux zéro ; incitations par l’obligation d’afficher - à la location comme à la vente - l’étiquette énergétique, etc. ».

 

Or cette politique d’incitation a vite montré son impuissance. C’est pourquoi de plus en plus de personnes se posent tout haut la question : « Ne faut-il pas introduire une obligation concernant les travaux de rénovation énergétique ? ». Aujourd’hui, les responsables du Plan Bâtiment Durable eux-mêmes se posent la question et ont suscité un groupe de travail dont les responsables nous interrogent, sachant que nous sommes tout à la fois des ardents défenseurs de la rénovation énergétique (pour des raisons économiques, sociales et écologiques), mais aussi des ardents défenseurs des copropriétaires, au premier rang desquels les plus modestes.

 

I. Obligations en matière de travaux : être prudent

 

En matière de travaux obligatoires, la loi de 2003 concernant les travaux (obligatoires) relatifs à la mise en sécurité des ascenseurs a montré, qu’il fallait être très avisé :

 

  1. les travaux nécessaires sont difficiles à déterminer, certains équipements surdimensionnés ou inutiles étant « imposés » par des entreprises qui abusent de la situation ;

 

  1. les copropriétés sont souvent seules face à des professionnels (ou entreprises) indélicats, d’autant plus que les syndics sont eux-mêmes vite dépassés par la complexité des problèmes ou tentés de profiter aussi de la situation.

 

Travaux inappropriés, prix non contrôlés, concurrence souvent illusoire... A priori, l’exemple des « ascenseurs » nous pousse à ne pas être très favorables à des obligations de travaux.

 

Par contre, comme nous le rappelons plus loin nous sommes tout à fait partisans à l’ARC de modifier les règles de gouvernance des copropriétés en matière de gros travaux (rénovation énergétique ou non) par l’institution d’un fonds travaux obligatoire et la mise en place du plan pluriannuel de travaux (mise en place également obligatoire).

 

En effet, il est souvent difficile, voire inopportun de dissocier la rénovation énergétique et la rénovation « tout court » (si l’on peut dire), surtout en copropriété où un gros retard a pu s’accumuler.

 

Néanmoins, dans une première partie, nous allons tenter de répondre à la question posée concernant notre position relative à une éventuelle obligation de travaux visant les économies d’énergie.

 

III. Trois types d’obligations possibles en matière de travaux. Dans quelles conditions ?

 

On dénombre plusieurs idées en matière d’obligations de travaux « énergétiques » dans l’habitat existant. Passons ces idées en revue et précisons nos analyses à leurs sujets :

 

  1. Obliger les copropriétaires des « passoires à calories » (immeubles en classe E, F et G) à faire des travaux pour monter d’une ou deux « classes ».

C’est la première idée d’obligation souvent mise en avant.

Il est certain qu’il est difficilement admissible de laisser de tels immeubles en l’état, sachant que les logements y sont souvent - surtout quand ils sont dans des zones foncières peu tendues - soit acquis par des gens modestes, soit loués à des gens non moins modestes.

 

Nous proposerions néanmoins une solution intermédiaire :

 

  1. donner cinq ans aux copropriétés concernées pour faire des travaux permettant de gagner deux classes et pour cela, prévoir des aides et des moyens d’accompagnement ;

 

Le montant des aides doit être simple et garanti dans le temps. Le manque de visibilité des aides est en effet contre-productif pour la planification de travaux d’économies d’énergie en copropriété.

 

  1. ne mettre en place des obligations assorties de sanctions qu’après cette période de cinq ans, tout en garantissant, comme on l’a dit, des aides sur cette période de 5 ans.

 

Une des sanctions pouvant être, par exemple, une minoration des loyers à hauteur de 20 ou 30 % (ce sont, en effet, en général, les bailleurs qui sont les plus réticents à financer les travaux d’économies d’énergie, réticences d’autant moins admissibles qu’ils peuvent répercuter une partie de ces investissements sur leurs loyers).

 

Notre proposition permet ainsi d’introduire l’idée d’obligation, mais par palier et avec une sanction très efficace à la clef touchant les propriétaires les plus réticents.

 

  1. Obligation de travaux lors de la vente

 

A priori cette obligation est la plus facile à mettre en place et la plus juste pour plusieurs raisons :

 

  • dans les marchés fonciers tendus, il n’est pas normal qu’on puise bénéficier de cette tension et donc vendre chers des logements peu performants ;
  • dans les marchés moins tendus, le montant des travaux d’amélioration pourra facilement être répercuté dans le prix de vente ;
  • par ailleurs certains travaux sont beaucoup plus faciles à faire préalablement à la vente (lorsque les logements sont vides).

 

Le problème est le suivant : de nombreux travaux pourraient s’avérer soit peu efficaces, soit insuffisamment « rationnels » (isolation sans ventilation, par exemple), soit inadaptés. C’est tout le problème - par exemple - de l’isolation par l‘intérieur : respiration des bois ; confort d’été...

 

Ces travaux pourraient donc soit compromettre le bâti, soit le confort, ceci sans forcément amener des gains énergétiques garantis.

 

Si une telle obligation était instaurée, il faudrait donc développer considérablement l’aide aux BONS conseils et instaurer un système de prescriptions adaptées. Tout le problème est de savoir comment... Certes les EIE et ALE seront là, mais comment faire en sorte que la pertinence de tous les projets soit d’une façon ou d’une autre assurée et contrôlée ? Nous ne faisons pas confiance aux entreprises pour cela.

 

  1. Obligation de ravalement thermique

 

Un certain nombre de municipalités prennent des arrêtés de ravalement obligeant les copropriétés à procéder régulièrement au gros entretien de la façade.

 

C’est pourquoi, certains préconisent d’aller un peu plus loin et de prendre des arrêtés de ravalement avec isolation thermique.

 

Cette idée doit être étudiée, mais dans une telle hypothèse les collectivités devront mettre en place des moyens :

 

  • d’une part, des aides financières (du moins pour les plus modestes) ;
  • et d’autre part, surtout là encore, une assistance « technique » pour éviter que les copropriétés ne soient la proie d’entreprises chères et inexpérimentées.

 

C’est pourquoi il faudrait que les collectivités soient en mesure de proposer :

 

  • un cahier des charges ;
  • des conseillers pour étudier la possibilité d’engager d’autres travaux (ou de ne pas compromettre la possibilité de faire d’autres travaux) ;
  • des contrôles concernant la qualité des entreprises et des travaux.

 

La Ville de Grenoble a montré avec ses opérations spécifiques que c’était possible ; mais, on le sait, l’accompagnement est - dans ces cas - relativement coûteux, dès lors que l’on vise des résultats de qualité.

 

À ces conditions, l’obligation de ravalement thermique peut être non seulement souhaitable, mais certainement très efficace.

 

VI. Mieux que l’obligation de travaux, l’obligation de programmer et de provisionner

 

Comme on vient de le voir, pour nous les obligations de travaux sont envisageables dans différents cas, mais risquent de poser problème sans un accompagnement fort des collectivités, accompagnement coûteux et donc aléatoire.

 

C’est pourquoi - et nous nous excusons de notre insistance - notre préférence irait non pas à des obligations de travaux, mais d’abord à des obligations d’avoir à constituer des fonds travaux puis à élaborer un programme de travaux.

 

En copropriété, dès que les gens ont commencé à « épargner» pour faire des travaux, ils sont décidés à voter des travaux. C’est ce que l’on constate dans les copropriétés qui ont institué spontanément un fonds travaux.

 

Voilà pourquoi l’obligation de constitution de fonds travaux et d’élaboration de plans pluriannuels de travaux (énergétiques et autres) que nous réclamons est - à notre avis - une solution plus adaptée à la copropriété et à sa grande diversité. Il faudra aussi, naturellement, comme nous nous y attelons en partenariat avec les E.I.E. et ALE aider les copropriétés à faire faire des diagnostics globaux (énergétiques et techniques) de qualité.

 

Commençons par là, instituons l’obligation de constituer des fonds travaux, ensuite aidons les copropriétés à mettre au point et à voter un programme pluriannuel, et enfin à compléter le financement au-delà du fonds travaux. C’est la voie que nous préconisons à l’ARC.

 

Ceci dit, comme on l’a vu dans cet article, on peut aussi tenter la voie de l’obligation ciblée et progressive.

 

 

 

ARC - mars 2013.

 

 

Mots clés associés