Pourquoi l’idée de création d’un Ordre des professions immobilières est-elle, selon nous, une fausse bonne idée ?

11/10/2012 Actions Action

I. L’UPSI, nouvelle association au service des professionnels de l’immobilier
 
Le 16 avril 2012 les professionnels de l’immobilier adressaient un communiqué de Presse pour annoncer la création d’une association  - UPSI, qui signifie Union des Professionnels des Services Immobiliers - qui a deux objectifs :
 
  • obtenir des Pouvoirs publics la création d’un Ordre des professionnels de l’immobilier, Ordre qui serait évidemment contrôlé par les professionnels eux-mêmes ;
  • obtenir la modification de la loi HOGUET (sur les professions immobilières) pour pouvoir ainsi facturer en toute légalité des « services » immobiliers facturés aujourd’hui souvent hors du cadre légal, ce qui entrave d’une certaine manière l’activité des professionnels.
 
Voyons brièvement :
 
  • ce qu’est l’UPSI ;
  • ce que veut l’UPSI ;
  • pourquoi nous nous opposons au projet de l’UPSI ;
  • ce que nous proposons de notre côté.
 
 II. Un « lobbying » affiché
 
Il y a maintenant deux ans, les professions immobilières ont réussi à empêcher qu’arrive en discussion  au Parlement un projet de loi rédigé par le Ministère de la Justice après l’affaire URBANIA, projet qui prévoyait - entre autre - la mise en place de commissions régionales disciplinaires paritaires (présidées par les magistrats). Ce projet de loi correspondait pourtant exactement à ce qui est, selon nous, nécessaire et attendu par tous les consommateurs et copropriétaires.
 
Après avoir obtenu le retrait du projet de loi, les professionnels mirent en route ce qu’ils appelèrent les « États Généraux des Professions Immobilières », dans le but de faire accepter leur propre projet de loi, incluant DEUX points majeurs, à savoir déjà :
 
  • la création d’un Ordre des professions immobilières à la place des commissions paritaires disciplinaires ;
  • la réforme de la loi HOGUET qui réglemente les professions immobilières.
 
Face à l’opposition et au boycott partiel des organisations de copropriétaires et de consommateurs ?  mais aussi face au scepticisme des pouvoirs publics ? l’opération échoua.
 
Les professionnels n’ont cependant pas renoncé et ont même décidé de relancer leur action en créant une nouvelle association, qui ne cache pas qu’elle est entièrement vouée à faire du lobbying.
 
Cette association, c’est justement l’UPSI (Union des Professionnels des Services Immobiliers) ; elle a deux particularités :
 
  1. D’une part elle regroupe - outre les deux principales chambres professionnelles que sont la FNAIM et l’UNIS - une autre association : Plurience qui, elle, réunit les plus grands groupes des professionnels de l’immobilier ainsi que les grands réseaux. Ainsi,  on retrouve, aux côtés des deux chambres professionnelles les groupes suivants :
  • Foncia ; Urbania ; Nexity-Lamy, Oralia,  Loiselet & et Daigremont, Tagerim, Square Habitat, Akerys, Billon Immobilier, BNP Immobilier, Sergic, la Bourse de l’Immobilier, Procivis Immobilier (IMMO de France), Crédit Agricole Immobilier,
 
et les principaux réseaux :
 
  • Century 21, La Forêt, l’Adresse, Guy Hoguet, ERA, ORPI.
  1. D’autre part cette association affiche clairement ses objectifs : être un groupe de pression pour faire aboutir le projet d’un Ordre et modifier la loi HOGUET.
 
À noter d’ailleurs que les statuts de l’association Plurience prévoyaient déjà clairement que cette association des « grands » groupes était consacrée à faire du lobbying, comme cela ressort de ses statuts /
 « Faire un lobbying actif en vue d’obtenir des dispositions législatives et/ou réglementaires non défavorables ou favorables aux marchés et aux professionnels dans l’exercice de leurs activités ». Nous voici avertis.
 
Notre impression est que ce sont surtout les vingt grands groupes de services immobiliers qui vont mener la bataille pour obtenir une modification de la législation en leur faveur :
 
  • ils ont l’argent pour mener cette campagne (ne vient-on pas d’apprendre que le fondateur de PLURIENCE - Serge DEGLISE, patron d’ORALIA - venait de racheter quatre cabinets de syndics pour trente millions d’euros ?) ;
  • ils ont beaucoup plus intérêt que les « petits » syndics ou cabinets immobiliers à imposer un Ordre (qu’ils contrôleraient sans difficulté, pensons-nous) et une modification importante de la loi HOGUET qui permettrait une démultiplication des « services ».
 
Évidemment, la FNAIM et l’UNIS vont dire qu’il n’en est rien et qu’elles contrôlent parfaitement la situation ainsi que les grands groupes. Évidemment.
 
III. Du côté des associations d’usagers de l’immobilier
 
Du côté des associations de copropriétaires et de consommateurs, tout le monde rejette l’idée - voir plus bas pourquoi - d’un Ordre des professions immobilières. Tout le monde, sauf l’U.N.P.I. (Union Nationale des Propriétaires Immobiliers regroupant surtout des bailleurs) qui d’ailleurs accueille en son conseil d’administration des professionnels et n’a jamais caché sa proximité avec eux.
 
D’ailleurs si un Ordre était mis en place, nul doute que les professionnels seraient ravis de pouvoir proposer une place à l’U.N.P.I. pour laisser croire ainsi à un Ordre « ouvert » aux usagers...
 
Ceci étant dit, insistons bien : toutes les autres organisations de copropriétaires et de consommateurs sont totalement opposées à l’idée même d’un Ordre.
 
IV. Pourquoi l’UPSI veut un Ordre et pourquoi nous n’en voulons pas
 
Nous allons maintenant expliquer pourquoi, à notre avis,  l’UPSI veut un Ordre des professionnels de l’immobilier, ce qui nous permettra d’expliquer en même temps les raisons qui expliquent notre rejet.
 
  1. La première raison qui justifie aux yeux de l’UPSI la création d’un Ordre est que ce sont les Ordres qui établissent - entre « professionnels » concernés - les codes de déontologie, c’est-à-dire les règles que doivent respecter les membres de l’Ordre.
 
L’UPSI veut élaborer seule son Code de déontologie.
 
L’UPSI ne veut surtout pas que les associations d’usagers et de copropriétaires (sauf peut-être l’U.N.P.I., comme on l’a dit) participent à ce travail et contribueNT ainsi à élaborer un VRAI Code de déontologie contraignant.
 
Imaginons par exemple que (sous la pression des usagers) le code de déontologie introduise l’idée qu’il faut écarter tout « conflit d’intérêts » chez les professionnels. Cela serait dramatique (pour les professionnels) car cela empêcherait les grands groupes de faire travailler leurs filiales de plus en plus nombreuses dans les copropriétés et les immeubles qu’ils gèrent.
Conséquence : pas question de « négocier » avec les représentants des usagers la rédaction d’un Code de déontologie complet et rigoureux  susceptible de brider les « affaires ».
 
 
2.  La deuxième raison qui fait que l’UPSI veut un Ordre / les Ordres assurent eux-mêmes la discipline, grâce à des commissions internes, là aussi hors la présence des usagers et des juges.
 
« Pas besoin d’instances extérieures » dit l’UPSI. Nous sommes assez grands pour faire le « ménage » chez nous.
 
Certains diront : « Mais c’est très bien, ça, de vouloir assurer la discipline ».
 
Peut-être (et encore) dans le principe, mais nous savons parfaitement - dans la réalité - que l’Ordre et sa commission de discipline entièrement contrôlée par des professionnels ne pourront traiter (et, par ailleurs, très lentement) QUE les gros cas de délinquance et nullement les milliers et milliers d’entorses parfois très graves à la déontologie, à la loi, aux décrets, aux contrats, etc.
 
Voici donc une deuxième raison qui explique que nous ne voulons surtout pas d’un l’Ordre et de son dispositif disciplinaire peu efficace et en trompe-l'œil.
 
  1. Le troisième intérêt que l’UPSI voit à l’Ordre est que ce sont les Ordres qui assurent le tri à l’entrée des professions et qui assurent la « formation professionnelle continue ».
 
L’UPSI veut ainsi sans doute éviter que ne se crée une filière professionnelle « Internet » voire une filière européenne qui ne remette en question les pratiques et les tarifs des professionnels « traditionnels » (ceux qui ont des bureaux en France).
 
Mais l’UPSI veut aussi certainement « récupérer » et gérer au profit de l’Ordre l’argent considérable de la formation professionnelle (0,45 % de la masse salariale, ce qui est énorme). Certainement pas uniquement pour améliorer les compétences professionnelles de ses membres.
 
Voilà donc une troisième raison qui explique notre opposition au principe d’un Ordre.
 
  1. Un autre intérêt d’un Ordre aux yeux de l’UPSI est celui-ci : ce sont les Ordres qui décrètent quelles sont les associations d’usagers qui sont « fréquentables » et quelles sont celles qui ne le sont pas.
 
Ainsi pourrait être reconnue telle association d’usagers ou de copropriétaires comme « interlocuteur valable » (voir plus haut) et rejetée telle autre association jugée trop « indépendante » (suivez notre regard...). Le bonheur absolu pour certains professionnels qui nous pardonneront de ne pas être d’accord avec cette vision unilatérale des « échanges ».
 
  1. Dernier avantage d’un Ordre aux yeux de l’UPSI : ce sont les Ordres, qui peuvent le plus facilement faire modifier les lois.
 
Or, comme on l’a déjà souligné à plusieurs reprises, l’UPSI veut faire modifier la loi HOGUET pour que les professionnels puissent développer un maximum de services sans soucis des conflits d’intérêts et sans entrave.
 
Voici donc, cinq raisons qui font que l’UPSI et ses adhérents rêvent d’un Ordre « À EUX », et les raisons qui font que nous n’en voulons pas.
 
Ce qui est d’ailleurs particulier est que - d’une certaine façon - l’Ordre peut paraître -à certains et en première approximation - une solution très respectable et sécurisante, comme on l’a déjà évoqué :
 
  • contrôle des professionnels à l’entrée ;
  • formation ;
  • discipline.
 
Toute chose très intéressante à une époque où ni l’État ni la Justice ne peuvent plus assurer le contrôle ou la formation des professionnels.
 
Mais veut-on un contrôle « corporatiste », une formation « maison » et pas forcément adaptée, une discipline insuffisante et des sanctions, elles aussi, très insuffisantes ? Veut-on régler les problèmes  simplement superficiellement  ou profondément ?
 
À noter qu’il existe une sixième raison, qui nous fait refuser à toute force cette idée d’un Ordre : les professionnels de l’immobilier souhaitent un Ordre qui rassemble les TROIS métiers : gérant, transactionnaire, syndic de copropriété. Comme si les règles applicables aux uns pouvaient s’appliquer aux autres !
 
Telles sont donc les six raisons qui expliquent qu’un Ordre serait, selon nous, une très mauvaise solution pour les consommateurs et les copropriétaires ; pire, peut-être : une solution partielle et trompeuse.
 
V. Quelle autre solution proposons-nous ?
 
Face à l’UPSI nos demandes sont simples. Une partie d’entre elles avaient d’ailleurs déjà été intégrées, comme on l’a dit, dans le projet de loi sur les syndics que le Ministère de la Justice avait rédigé et qui a été retiré sur pression des professionnels.
 
Voici, en sept points, nos propositions :
 
  1. Mettre en place, au niveau national, un Conseil de la Copropriété regroupant toutes les parties concernées (ministères, organisations professionnelles de syndics, organisations de copropriétaires, notaires, géomètres-experts, experts-comptables...).
Ce Conseil aurait pour but premier (au départ) :
  • d’élaborer un vrai Code de déontologie ;
  • de définir les niveaux de compétenceS requis ainsi que les contenus de la formation initiale et continue des syndics ;
  • d’assurer un suivi des commissions locales visées aux points suivants.
  1. Mettre en place dans chaque département une commission paritaire de traitement des litiges syndics/copropriétaires dont le secrétariat serait assuré par l’administration comme c’est le cas pour les commissions « locatives ».
Nous sommes, d’ailleurs, prêts - dès demain - à mettre en place une telle commission sur UN département à titre expérimental, comme nous l’avons écrit à Madame Christiane TAUBIRA (Ministre de la Justice).
  1. Mettre en place, dans le ressort de chaque Cour d’Appel une commission disciplinaire - également paritaire - sous l’autorité d’un magistrat.
 
À noter que ces deux types de commissions (points 2 et 3) permettraient de traiter rapidement un nombre important de problèmes, ceci de façon paritaire, donc avec des garanties pour toutes les parties.
  1. Instaurer par ailleurs le compte bancaire séparé obligatoire pour chaque copropriété, ceci sans dérogation possible, afin de pouvoir rétablir des règles de gestion financière transparentes dans toutes les copropriétés.
  2. Prévoir des dispositions impératives empêchant - chez les professionnels de l’immobilier - les conflits d’intérêts (donc empêchant, par exemple, les syndics de faire travailler dans les copropriétés qu’ils gèrent des sociétés leur appartenant - directement ou indirectement - ou à qui ils appartiennent...).
  3. Réglementer les contrats de syndics via un vrai décret adapté, remplaçant l’arrêté NOVELLI  (très insuffisant du 19 mars 2010.
  4. Renforcer les possibilités - pour les assemblées générales - de confier des missions plus importantes aux conseils syndicaux qui le souhaitent (délégations de pouvoir).
 
 
 
*
 
Comme on le voit, nos propositions sont, en partie partenariales, et, pour l’essentiel, simples à mettre en œuvre.
                                                
Nous envisageons d’ailleurs de faire déposer rapidement une proposition de loi reprenant a minima ces sept points.
 
 
 
De tout cela nous parlerons :
  • à notre Colloque Franco-québécois du 17 octobre 2012,
  • à notre salon « indépendant » de la Copropriété
des 24 et 25 octobre 2012.