Pourquoi les prix du fioul et du gaz (marché libre) vont-ils continuer à baisser

05/11/2014 Actions Action

Pourquoi les prix du fioul et du gaz (marché libre) vont-ils continuer à baisser

 
Voici, pour ceux qui ont besoin d’explications (c’est-à-dire nous tous), un article du MONDE très approfondi qui nous apprend pourquoi les prix du fioul qui ont déjà baissés de 13 % en 2014 vont continuer à baisser et donc entraîner les prix du gaz vers le bas.
[À noter : si les prix du gaz-réglementés (spécificité française) ont augmenté en nombre, c’est pour deux raisons :
  • satisfaire GDF-Suez ;
  • obliger les français à rentrer dans le « marché libre »…].
Article du journal LE MONDE :
 
« La fin du pétrole cher
 
C’est peut-être un changement de paradigme, comme il ne s’en passe qu’une fois toutes les décennies environ. À la City de Londres, de plus en plus d’opérateurs financiers, y compris Goldman Sachs et Citigroup, parient sur un affaiblissement de long terme du prix du baril du pétrole. Pour eux, la chute des cours du brut – À New York, ils se sont repliés de près de 25 % depuis juin, passant brièvement sous le seuil des 80 dollars le baril lundi 27 octobre – n’est pas qu’un phénomène conjoncturel, mais une tendance appelée à durer.
 
Si cela se confirme, ce serait un bouleversement complet du paysage sectoriel. Depuis le milieu des années 2000, le consensus portait sur la fin du pétrole bon marché. D’un côté, la consommation progressait, portée par les pays émergents, Chine en tête ; de l’autre, la production était de plus en plus chère, dans des mers plus profondes et des terrains plus difficiles d’accès. Si la crise financière avait mis un coup d’arrêt à l’envolée des prix, ce n’était qu’une parenthèse conjoncturelle.
 
Ce point de vue évolue. Selon Citigroup, la fin du « supercycle de l’énergie » est en cours. Goldman Sachs estime de son côté qu’un « nouvel ordre pétrolier » est en train de s’ouvrir. La banque américaine parie même sur un baril cotant 70 dollars le baril à New York au deuxième trimestre 2015, puis sur une stabilité, autour de 80 dollars à plus long terme. Si cela se confirme, ce serait un niveau qui n’a plus été vu depuis la grande récession de 2009. Mais cette fois, la croissance mondiale, bien que modérée, est au rendez-vous.
 
Révolution technique
Deux événements se conjuguent pour expliquer ce phénomène. Le premier est la révolution du pé­trole de schiste aux États-Unis. Cette nouvelle technique de fo­rage, d’abord développée pour le gaz, est maintenant utilisée en grande quantité pour l’or noir.
 
 
La production américaine a fait un bond de 60 % en trois ans, et elle dépasse depuis peu son pic du début des années 1970, quand les gisements d’hydrocarbures du Texas tournaient à fond et que les turpitudes de Dallas faisaient fan­tasmer le petit écran.
 
Résultat, les États-Unis se diri­gent à grands pas vers l’indépen­dance énergétique. Ses importa­tions de brut ont été divisées par trois depuis 2007.
« Rien qu'en 2013. la baisse des importa­tions américaines était équiva­lente à la production cumulée de l'Arabie Saoudite et du Nigeria », souligne Seth Kleinman, analyste pétrolier à Citigroup.
 
La deuxième raison se trouve dans le ralentissement de la de­mande mondiale. Avec, en parti­culier, un net fléchissement de la croissance en Chine. Mais pour David Donara, en charge des ma­tières premières à Threadneedle, un fonds d’investissement britan­nique, le phénomène est plus pro­fond. « Pendant longtemps, on a cru que la demande continuerait à croître à l’infini. Il faut revisiter cette idée », dit-il.
 
Il souligne aussi que les efforts d’économies d’énergie menées depuis des an­nées portent leurs fruits : les voi­tures consomment moins qu’autrefois ; la taille des batteries se réduit, permettant le dévelop­pement de véhicules électriques ou hybrides ; les maisons sont mieux isolées. « Le pic de demande est passé aux États-Unis, et il est possible qu’on en soit proche pour le monde entier », continue-t-il.
 
Seth Kleinman, de Citigroup, ajoute un autre argument : la ré­volution du gaz de schiste provo­que un effet de remplacement du pétrole.
 
La fracturation hydraulique pro­voque ainsi deux changements fondamentaux : elle augmente la production de pétrole et elle en réduit la demande. Les États-Unis se retrouvent donc dans une situation inédite : la production de brut augmente en même terne que la demande baisse.
 
Cet effet de ciseau est accentué par une série d’autres éléments. D’abord, les nouvelles technologies d’exploration et production: en mer profonde sont de mieux en mieux maîtrisées et leur coût baisse. Au large de l'Afrique, du Brésil ou dans le golfe du Mexique, le prix de revient des forages tourne généralement autour de 60 dollars le baril, selon les calculs de Citigroup. Cela laisse une marge par rapport au prix actuel.
 
Ensuite, un changement inat­tendu semble s’être opéré au sein de l’Organisation des pays expor­tateurs de pétrole (OPEP). Tradi­tionnellement, les pays du Golfe auraient réduit leur production pour enrayer la chute des prix. Ce n’est pas le cas actuellement. Se­lon les analystes de Goldman Sachs, l’Arabie Saoudite a adopté une nouvelle stratégie : faire bais­ser les prix, afin d’enrayer le déve­loppement du pétrole de schiste aux États-Unis.
 
Une question de rentabilité
 
En laissant le prix du baril descen­dre sous les 8o dollars, l’OPEP por­terait un coup aux nouvelles tech­niques de forage, qui coûtent plus cher que les puits conventionnels au milieu du désert. « L’Arabie Saoudite se concentre sur la sauvegarde de sa part de marché », es­time Goldman Sachs.
 
Toute la question est aujourd’hui de savoir autour de quel prix le pétrole de schiste américain ne sera plus rentable.
Conclusion: nouvel équilibre semble se mettre en place, à un ni­veau bien inférieur aux prévi­sions de ces dernières années.
 
ÉRIC ALBERT ».
 
Une baisse structurelle du prix du baril de pétrole
Variation annuelle du prix du baril brut
2010
2011
2012
2013
2014
+ 17,7
+ 8,4
 
- 5,9
+1,2
 
- 13,5