Recouvrement des impayés : Comment des frais imputés aux mauvais payeurs peuvent se retrouver payés par tous?

20/03/2020 Dossiers conseils Conseil

Les copropriétés qui font face à des impayés de charge savent généralement que cette situation fait peser un poids supplémentaire sur les épaules des copropriétaires bons payeurs car il faut bien régler les fournisseurs quoi qu’il advienne. Ce qui est moins connu en revanche, c’est la manière dont une partie des frais de recouvrement imputés au copropriétaire débiteur par le syndic peuvent se retrouver supportés par l’ensemble des copropriétaires.

Pour comprendre ce mécanisme, il faut d’abord avoir une vision claire des frais autorisés par la loi dans le cadre du recouvrement des charges, afin de voir comment des frais illégaux peuvent finalement être réglés par tous.

I. Qu’est-ce qu’un syndic peut légitimement facturer à un copropriétaire débiteur ?

L’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, prévoit la possibilité d’imputer au seul copropriétaire concerné « les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ».

Le décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 définissant le contrat type de syndic permet de clarifier les actes facturables au copropriétaire en situation d’impayés :

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 Au moment de l’audience au tribunal, ces frais pourront être légitimement présentés devant le magistrat en lui demandant à ce que le débiteur concerné soit condamné à les régler – en plus de ses charges.

A priori, ces dispositions permettent d’encadrer les frais de recouvrement sans pénaliser la copropriété. Mais certaines pratiques peu scrupuleuses détournent l’esprit de la loi et génèrent des frais qui finiront par être payés par l’ensemble des copropriétaires.

II. Comment des frais rejetés par le juge se retrouvent payés par tous ?

Lorsqu’un syndic impute des frais de recouvrement sur le compte du débiteur, il « se paye » sur le compte de la copropriété comme il le fait pour tous ses honoraires. Au moment où le débiteur règle sa dette, les frais « avancés » par la copropriété sont alors remboursés et crédités sur son compte. En théorie, il s’agit donc d’une opération blanche.

Mais dans le cas où un syndic multiplie abusivement les frais de contentieux et/ou leur applique un tarif excessivement élevé, il existe un fort risque que ces frais soient rejetés partiellement ou totalement par le juge.

Prenons un exemple réel concret. Sur une copropriété en 2019, une personne en impayés est imputée tous les trimestres d’une mise en demeure (38€), d’une lettre de relance (32€) et de « frais d’ouverture contentieux » (100€) comme en témoigne une copie de l’extrait de compte du copropriétaire concerné.

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Au moment de l’audience devant le tribunal, le syndicat des copropriétaires réclamait une condamnation à 6.023,07€ au titre des charges non réglées, ainsi que 889,49€ de frais de recouvrement. Or, le magistrat a considéré le 19 février 2019 que ces derniers n’étaient que « partiellement justifiés » et accorde une condamnation sur 400€ uniquement. Le syndicat en est quitte pour prendre à sa charge la différence de 489.49€.

De fait, sur l’appel de fond du 2ème trimestre, on retrouve en crédit sur l’extrait de compte du débiteur condamné, une ligne intitulée « frais occulte jugement 19/02/19 » où l’on retrouve ces 489.49€ de frais non validés par le juge.  

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Cela signifie concrètement que ces frais imputés jusqu’alors dans le compte du copropriétaire sont retirés de son compte mais devront néanmoins être payés puisque des frais ont déjà été engagés par le syndic. Et c’est bien la copropriété qui va régler cette différence. Voilà donc comment des frais a priori privés deviennent collectifs.

Conclusion :

En matière de frais de recouvrement infligés aux mauvais payeurs, il faut se garder d’une vision simpliste qui consisterait à croire que celui qui a des dettes est forcément celui qui règle tout à la fin. Certes, jusqu’à l’étape du jugement, ces frais restent « invisibles » sur les comptes de la copropriété puisqu’ils sont uniquement inscrits sur le compte du copropriétaire défaillant. Mais il suffit que le juge déboute tout ou partie de ces frais pour que la copropriété dans son ensemble se trouve aussi porteuse de ces frais. Au moment de l’approbation des comptes, s’il s’avère que ces frais étaient non fondés, il faut alors en refuser le paiement et exiger que le syndic les rembourse. Le recouvrement des charges doit rester une mission de gestion et non pas une occasion pour le syndic d’augmenter indument ses revenus.

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