Décidément, la législation de la copropriété déroge à toute autre disposition du droit commun : absence de sanction prévue dans les textes, une impossibilité d’assigner le syndic en place et ce même en cas de faute ou d’entrave aux prérogatives du conseil syndical.
Dans ce même esprit, voyons comment est en train de se réformer le droit de la copropriété.
On comprendra alors que les enjeux liés à ce secteur sont bien plus importants que l’on croit.
Des commentaires de la loi avant qu’elle ne soit présentée aux ministres et aux députés
Voici plus d’un mois que l’ARC a mis sur la place publique le projet du gouvernement de réformer, par voie d’ordonnances, la partie législative liée au droit de la copropriété.
Depuis, tout s’est accéléré. On apprend que des textes sont quasiment aboutis, et même présentés au gouvernement, impliquant que des revues spécialisées comme « l’édition législative » commencent à les commenter.
Ainsi, reprenons-le déroulé pour ceux qui pensent avoir raté un épisode.
Une mouture de la nouvelle loi sur la copropriété serait déjà écrite alors que :
- les textes n’ont pas fait l’objet d’une concertation ni même été présentés aux différents acteurs de la copropriété et en premier lieu aux associations représentatives des intérêts des copropriétaires et des syndicats de copropriétaires ;
- le Parlement n’a pas encore donné d’habilitation au Gouvernement pour réformer la loi par voie d’ordonnances ;
- le projet de loi relatif « au droit à l’erreur et à la simplification » qui prévoit cette habilitation, n’a même pas encore été présenté, ni au conseil des ministres ni au parlement ;
Et malgré tout, ces textes sont déjà sur la place publique, incitant les observateurs de la copropriété à faire des commentaires. Si quelqu’un comprend quelque chose, qu’il n’hésite pas à nous faire signe.
Les axes de réformes
Voyons de plus près les principales réformes prévues dans le projet de textes :
-une mise en copropriété dès la livraison du premier lot : il est prévu que l’immeuble devra se constituer en copropriété et détenir la personnalité morale dès la livraison du 1er lot. Cela évitera toute ambiguïté sur la qualité du statut juridique de l’immeuble ;
-la grande innovation reste la mise en place d’un conseil d’administration qui serait composé par des membres élus par l’assemblée générale ainsi que par le syndic. Ce conseil aura entre autres les pouvoirs de l’assemblée générale pour décider de toute question qui relève de la majorité de l’article 24 (la majorité des présents et représentés). Ce modèle serait imposé pour les copropriétés de plus de 100 lots principaux, quant aux autres, cette option serait votée en assemblée générale ;
-les charges de copropriété seront appelées uniquement en clé commune générale et non plus en tantièmes de charges;
-le fonds travaux ne devra plus impérativement être déposé sur un compte bancaire spécifique ;
Qu’en penser ?
Il est encore trop tôt pour apporter notre analyse, sachant que rien n’est encore confirmé.
Nous allons prochainement avoir une nouvelle réunion de travail avec Monsieur Barres, Conseiller Logement auprès de l’Elysée, pour vérifier où en est la situation.
La réforme la plus conséquente est la constitution d’un conseil d’administration.
Il semble que le gouvernement et les experts de la copropriété pointent comme un « canard boiteux » l’assemblée générale qui ne fonctionnerait pas suffisamment pour valider les travaux de rénovation, justifiant la création d’un organe intermédiaire doté d’un pouvoir décisionnaire.
Selon nous, cela est un faux procès car, comme toujours, on veut guérir la maladie plutôt que de traiter la cause.
En effet, il faut comprendre pourquoi les copropriétaires se désintéressent des assemblées générales.
Il ne s’agit ni de fainéants ou de personnes désintéressées par leur patrimoine lequel représente, souvent, l’investissement de presque une vie, mais tout simplement d’un ras le bol dû au manque de considération à leur égard.
Et pour cause, les ordres du jour sont de plus en plus longs, avec des questions inutiles souvent inscrites à l’initiative du syndic qui prolongent inutilement les assemblées générales, provoquant alors des départs des copropriétaires lassés et ce avant d’aborder des questions importantes comme celles liées aux travaux.
Et oui, alors qu’elles sont les plus stratégiques, elles sont présentées en dernier point.
Plus encore, de plus en plus de syndics se dérobent face à leurs obligations, en ne faisant pas les appels d’offres nécessaires pour obtenir des devis, préférant voter une délégation de pouvoir donnée au conseil syndical qui aura au final la responsabilité du choix de l’entreprise et des travaux réalisés.
Et ce n’est pas tout.
Beaucoup de copropriétaires se retrouvent devant le fait accompli lorsqu’en assemblée générale le syndic annonce une nouvelle obligation légale de réaliser des travaux de plusieurs milliers d’euros, leur imposant un accord alors qu’il s’agit d’un bluff.
Qui n’a pas été abusé par des travaux de rénovation des ascenseurs alors qu’il s’agissait de réaliser une mise en conformité ?
On comprend mieux alors le boycott des copropriétaires de participer aux assemblées générales, sachant qu’ils sont sentis comme des « vaches à lait » qui doivent cautionner des stratégies commerciales où tout le monde est gagnant : le syndic, les prestataires, les bureaux d’études ; à l’exception, comme toujours, des copropriétaires.
Alors, est-ce que le conseil d’administration va régler le problème ? Sûrement pas, sachant que le conseil syndical ne prendra jamais l’initiative de voter des travaux de plusieurs centaines de milliers d’euros à l’insu des copropriétaires.
Nous reviendrons plus en détail sur ce sujet, après avoir tenu notre réunion de travail avec le conseiller logement de Monsieur Macron.