Dans une récente interview mettant en exergue le programme de François Fillon dans le domaine du logement, le magazine « Challenge » a révélé que ce dernier souhaitait mettre fin, notamment, à la gestion des copropriétés par les syndics bénévoles.
Cette décision semble être justifiée par une volonté de garantir une meilleure administration des copropriétés, qui ne peut être assumée selon lui que par des professionnels du métier.
Même si Monsieur Fillon n’a pas été élu, il est important d’expliquer pourquoi cette approche est non seulement dangereuse, mais surtout injustifiée et dénote une méconnaissance de la réalité quotidienne de la copropriété.
L’intérêt de cet article n’est pas de tourner en dérision Monsieur Fillon, mais d’éviter que d’autres responsables politiques en activité ne s’approprient cette suggestion au motif qu’elle dynamiserait le secteur des syndics professionnels.
Des copropriétés qui n’intéressent pas les syndics professionnels
Originellement, la gestion directe des copropriétés s’est imposée parce que les syndics professionnels refusaient de gérer de trop petits immeubles pas assez rémunérateurs pour leurs cabinets.
Dans le meilleur des cas, certains syndics acceptaient de les prendre en charge à condition d’y consacrer le minimum de temps, se limitant au mieux à l’envoi des appels de fonds et à la tenue de l’assemblée générale.
L’alternative de la gestion directe (syndics bénévoles) s’est donc très vite avérée comme la solution par défaut, permettant aux petites copropriétés de disposer d’une part, d’un mandataire légal qui les représente et d’autre part, d’un véritable gestionnaire qui administre au quotidien leur immeuble.
Depuis sa mise en place, cette solution a fait ses preuves, puisqu’aujourd’hui un nombre important de petites et moyennes copropriétés voire même de grandes (voir chapitre suivant) ont opté pour cette formule, bannissant les cabinets professionnels.
Mais encore, la gestion directe a su apporter des avantages et des garanties que les syndics professionnels ne peuvent pas assumer.
En premier lieu, il s’agit de nommer comme syndic bénévole un copropriétaire qui, la plupart du temps, habite dans l’immeuble et ne gère que sa copropriété. Son investissement est donc beaucoup plus important que celui d’un gestionnaire professionnel qui gère en moyenne 70 immeubles et depuis… son bureau.
L’interdiction de la gestion directe entraînerait donc non pas un nouveau marché pour les administrateurs de biens, mais, au mieux, des copropriétés mal gérées et au pire des immeubles en déshérence, dépourvus de représentants légaux.
Cette réflexion reprise par Monsieur Fillon émane à n’en pas douter d’une suggestion des chambres professionnelles qui constatent que désormais même des copropriétés de moyenne ou grande taille abandonnent l’option du syndic professionnel pour se lancer dans la gestion directe.
Le nerf de la guerre concerne en réalité ces copropriétés qui représentent pour les professionnels plusieurs millions d’euros qu’ils ne souhaitent pas perdre.
Ainsi, au lieu de se remettre en question en essayant de comprendre pourquoi ces copropriétés les abandonnent à leur tour, ils tirent les ficelles pour que le législateur interdise cette pratique.
Une gestion directe : un choix à présent assumé
En effet, on peut se poser la question : pourquoi des copropriétaires préfèreraient que la gestion de leur immeuble soit assumée par un copropriétaire (de manière rémunérée ou bénévole) plutôt que par un cabinet professionnel ?
Pour répondre à cette interrogation, plusieurs éléments peuvent être mis en avant :
Pour commencer, on constate que le gestionnaire professionnel n’est en réalité qu’un intermédiaire qui, en fonction de la difficulté rencontrée au sein de l’immeuble, la renvoie à des professionnels spécialisés qui auront la mission de les régler, et c’est spécialement vrai avec les syndics en ligne dont les « gestionnaires » travaillent au sein de plateformes téléphoniques basées à des centaines de kilomètres des immeubles gérés… qu’ils n’ont pas vu.
- . Au quotidien, en cas de fuite d’eau le gestionnaire – voire son assistante- appelle un plombier, lors d’un projet de travaux il sollicite un architecte ou un BET pour le montage comme le suivi, et pour gérer le recouvrement des charges il transmet le dossier à un avocat .
Ensuite, le syndic se contente la plupart du temps d’assurer la gestion courante de la copropriété à l’aide de son logiciel qui lui simplifie considérablement les tâches du quotidien :
- Élaboration des appels de fonds, des courriers types, estimation du budget prévisionnel, préparation de la convocation de l’assemblée générale et du procès-verbal associé : les trames sont prêtes et le copié collé règne en maître, réactualiser un budget ? Peu d’étude au cas par cas, un pourcentage d’actualisation et hop le tour est joué.
Ceci étant, le principal moteur du désamour des copropriétaires pour leurs syndics professionnels reste encore – malgré des outils plus performants - le manque de réactivité motivé par … de faibles connaissances, pilier de cet échec.
C’est ainsi que les grosses copropriétés se sont organisées en interne pour reproduire avec efficacité et à un moindre coût ce qu’un cabinet professionnel réalisait mal, à prix fort.
Pour cela, les conseils syndicaux ont su s’entourer de professionnels et faire appel à des associations comme l’ARC pour se faire conseiller utilement.
À présent, il s’agit donc non plus d’une solution par défaut, mais d’un choix assumé.
D’ailleurs, actuellement, un nombre important de grosses copropriétés dépassant les 1000 lots principaux ont opté pour cette solution, se soldant par une gestion plus transparente et pérenne de leur immeuble avec, cerise sur le gâteau, une réduction des charges.
Ce dernier point s’explique, car le « copropriétaire devenu gestionnaire » est directement intéressé par la baisse des charges qui va se répercuter sur le montant de son appel de fonds.
Ainsi, la gestion directe offre une double chance pour les copropriétés : Elle permet d’une part, de garantir une meilleure gestion et d’autre part, de réduire les dépenses cette économie pouvant, au final, servir à financer un projet pluriannuel de travaux au sein de l’immeuble.