Nombre de copropriétés sont confrontées à des actions irrégulières commises par des copropriétaires indélicats, comme le non- respect du règlement de copropriété, la réalisation de travaux privatifs affectant l’harmonie de l’immeuble, sans l’aval de l’assemblée générale, ou l’occupation indue de parties communes …
Il revient au syndic, dès lors qu’il a connaissance des faits reprochés, de mettre en demeure le copropriétaire fautif de cesser, dans un délai fixé, le trouble de jouissance ainsi constaté.
Cependant, face au laxisme, collusion ou refus du syndicat d’engager une action judiciaire coûteuse et à l’issue parfois incertaine, la seule issue pour le copropriétaire qui s’estime lésé est d’agir judicieusement à l’encontre de la personne mise en cause et le syndicat pour défaut d’action. C’est ce que vient à nouveau de confirmer la Cour de Cassation le 26 janvier 2017, en reconnaissant la capacité d’un copropriétaire, d’engager individuellement des poursuites à l’égard du copropriétaire contrevenant.
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Capacité d’une action judiciaire individuelle rappelée par la Cour de Cassation
Le règlement de copropriété constitue la « loi des parties » c'est-à-dire qu’elle s’impose à tous les membres du syndicat. Ainsi, outre la collectivité, un copropriétaire est fondé à agir, afin de faire constater et cesser les infractions à cette convention, telle que l’occupation illicite de parties communes, sans avoir à justifier d’un préjudice personnel, comme le souligne l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 26 janvier 2017 :
« Attendu qu'il résulte de ce texte que, si le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demande qu'en défense, même contre certains des copropriétaires, et peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ceux-ci, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble, tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic ;
Attendu que, pour déclarer l'action en cessation d'occupation de parties communes irrecevable, l'arrêt retient que celle-ci ne concerne pas la propriété ou la jouissance de son lot par Mme X..., que le fait que celle-ci fasse état d'un préjudice résultant de cette situation n'est pas de nature à lui donner qualité à agir et que l'action relève de la seule compétence du syndicat des copropriétaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un copropriétaire peut demander la cessation d'une atteinte portée aux parties communes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE… »
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Les conseils de l’ARC
En cas de situation similaire, le conseil syndical, organe de contrôle du syndic, voire tout copropriétaire, doit interpeller le syndic pour qu’il agisse au titre du syndicat. Si celui-ci n’agit pas en conséquence, il doit lui notifier pour inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale :
- La question de l’habilitation du syndic à agir judiciairement, au nom du syndicat à l’égard du copropriétaire fautif ;
- Le projet de résolution correspondant, en prenant soin d’indiquer le montant d’une provision pour les honoraires de l’avocat avec ses modalités d’exigibilité ;
Par la suite, lors de la tenue de l’assemblée générale, le président doit rappeler aux copropriétaires avant leur délibération sur la question, que :
- l’action en suppression de travaux privatifs affectant les parties communes ou l’aspect extérieur effectués en toute illicéité doit être introduite dans le délai de dix ans suivant leur exécution (art. 42 de la loi du 10 juillet 1965).
Passé ce délai, la remise en état contraignante s’avère impossible ;
- la procédure en restitution d’une partie commune occupée illégalement par un copropriétaire se prescrit par trente ans (art. 2272 du Code civil).
Cela signifie, qu’en l’absence d’assignation dans le délai légal imparti, le copropriétaire peut en revendiquer la propriété, sans avoir à débourser un coût d’acquisition au syndicat.
- Si le syndicat se refuse à poursuivre le contrevenant, il s’expose alors à une action judiciaire de tout copropriétaire qui ferait valoir ses droits et demanderait réparation de son préjudice personnel ;
En conclusion, le syndicat ne doit pas sous-estimer les conséquences dommageables de sa carence à l’égard d’un copropriétaire fautif, car il s’expose alors à subir les effets de son laxisme, à savoir : l’acquis définitif pour le copropriétaire de ses travaux privatifs illicites, voir plus grave encore, l’invocation de la propriété d’un bien immobilier commun par le jeu de la prescription acquisitive trentenaire, sans avoir à reverser un prix d’achat au syndicat. En sus, il encourt de la part d’un copropriétaire lésé, une action judiciaire en indemnisation de son dommage, en raison de son incurie.
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Le texte de référence
Cour de Cassation 3ème chb civ, arrêt du 26 janvier 2017, n° 15 - 24030