Un projet d’arrêté sur la dématérialisation des convocations des procès-verbaux des assemblées générales qui risque de provoquer de graves abus irréversibles

12/12/2013 Actions Action

Un projet d’arrêté sur la dématérialisation des convocations des procès-verbaux des assemblées générales qui risque de provoquer de graves abus irréversibles  
 
Voici maintenant plus de deux ans que les opérateurs essayent de faire passer un décret permettant la notification électronique des convocations et procès verbaux des assemblées générales. Bien que l’ARC soit favorable à un tel dispositif, elle a dû dénoncer plusieurs abus potentiels que prévoyaient les premières moutures du projet, ajournant ainsi leur publication.
 
Dernièrement, les opérateurs ont fait une nouvelle tentative en excluant les associations de copropriétaires comme l’ARC des négociations. Malheureusement pour eux, l’association « grandes oreilles » qu’est l’ARC, a tout de même intercepté le nouveau projet de décret et d’arrêté sur ce thème. Nous avons donc alerté immédiatement le ministère de la justice de cette situation inacceptable en lui précisant que le projet d’arrêté tel que rédigé pouvait entraîner, encore une fois, de graves préjudices irréversibles pour les copropriétaires ainsi qu’une captation des copropriétés « dans les mains » de leur syndic.
 
Voici  donc le courrier :
 
                                  
                                                                                          « Ministère de la Justice   
Direction des Affaires Civiles
                                                                                              et du Sceaux - DACS
                                                                                              Madame C. CHAMPALAUNE  Directrice
5,  boulevard de la Madeleine
                                                             75001 PARIS
 
                                                                                                          Paris,  9 Décembre 2013
Madame la Directrice,
 
En tant qu’association membre de la Commission Relative à la Copropriété, nous sommes très surpris d’apprendre par un « opérateur » qu’un décret et un arrêté concernant la notification électronique en copropriété ont été finalisés et que le décret lui-même a déjà été adressé au Conseil d’État qui a donné un avis favorable.
 
Nous avons donc, dans l’urgence, organisé une réunion avec l’ensemble des acteurs concernés par ce projet (syndics, opérateurs, directeurs informatiques de grands groupes) afin de  connaître leur position et surtout savoir si le dispositif tel que présenté était réalisable. Malheureusement, votre direction n’a pas pu être présente nous proposant de vous faire un compte-rendu sur cette réunion, ce que nous faisons.
 
 Comme vous le savez, le décret prévoit deux modes de dématérialisation : la lettre recommandée électronique ou l’envoi de documents dans une plateforme internet fondée sur l’utilisation d’un « coffre fort ».
 
Comme nous allons vous le montrer, la seconde alternative ne présente non seulement aucun intérêt pour les copropriétaires mais risque en plus de provoquer de graves problèmes irréversibles avec même un danger de captation des copropriétés par les gros syndics.
 
 
 
 
En effet :
 
  1. L’arrêté prévoit dans son article 7 deuxième alinéa de déposer les convocations d’assemblée et les procès verbaux dans  l’espace sécurisé  du copropriétaire. Ceci implique que chaque copropriétaire devra payer en plus du service de dématérialisation un coût pour disposer de son propre coffre fort. Ce module complémentaire (coffre fort) est inutile du fait que la convocation et le procès verbal n’ont pas d’intérêt à être conservés sur de longues périodes. Seul le syndic a besoin de garder la preuve de l’envoi et du dépôt électronique, ce qui ne justifie en rien l’obligation de coffre fort individualisé. Bien sûr, les opérateurs vous diront que le coût supplémentaire du coffre fort sera toujours moins élevé que la convocation « papier » mais cela n’est pas une raison suffisante pour imposer un coût supplémentaire qui, en soi, n’apporte aucun intérêt.
 
  1. Chaque syndic va négocier avec son opérateur des solutions de coffre fort. Les copropriétaires vont donc se retrouver contraints d’utiliser l’espace sécurisé proposé par leur syndic sans pouvoir imposer celui dont ils disposent déjà (coffre fort mis à la disposition par l’opérateur téléphonique, la banque, l’employeur….). En effet, l’arrêté ne précise pas la possibilité pour le copropriétaire d’imposer à son syndic son coffre fort. Cela implique qu’un copropriétaire qui a, au cours de la vie de la copropriété, plusieurs syndics va se retrouver à avoir plusieurs coffres fort. Cette solution, à la longue, n’est donc pas envisageable. A cela, il est important de rajouter  qu’actuellement les opérateurs ne sont pas en mesure de déposer des documents sur un coffre fort autre que celui qu’ils ont eux-mêmes développé. En effet chaque opérateur dispose de son propre langage informatique ce qui ne permet pas l’interopérabilité entre coffres forts.
 
  1. Certains syndics vont proposer de mettre à la disposition des copropriétaires des coffres forts individualisés. Cela va entrainer une captation des copropriétaires qui ne pourront plus changer de syndic du fait que les données déposées y compris personnelles (bulletins de paye et déclarations d’impôt numériques …) seront inaccessibles si la copropriété se sépare de son syndic. Ce type de procédé est donc très dangereux pour les copropriétés qui perdront leur indépendance vis-à-vis de leur syndic.  Une explication plus approfondie de vive voix sur ce point est nécessaire.
 
  1. La loi ALUR prévoit l’obligation pour les syndics de mettre à disposition pour chaque copropriété qu’ils gèrent un site intranet. Cette disposition a pour objet de donner aux copropriétaires la possibilité d’avoir accès numériquement à des documents internes à la copropriété ainsi que des informations personnelles dans un espace sécurisé (appels de fonds, lettres de relance, mises en demeure etc.…). En donnant la possibilité au syndic de faire payer aux copropriétaires un coffre fort, certains syndics vont opter pour cette solution afin de ne pas investir dans un développement informatique spécifique.  En effet, les syndics se contenteront de déposer l’ensemble des documents dans les coffres forts payés par les copropriétaires, économisant ainsi un développement informatique. Selon les syndics interrogés, le coût serait entre 50 000 et 100 000 €. Les copropriétaires vont donc, encore une fois,  se retrouver avec les « restes à charge ».
 
Pour finir, il est important d’être pragmatique en précisant  que les syndics opteront pour la solution d’envoi numérique qui est, pour eux, la plus bénéfique (et non la plus économique). Les copropriétaires ne pourront pas imposer à leur syndic le type d’envoi.
 
Deux scénarios sont alors envisageables : soit ils seront contraints d’utiliser la solution optée par leur syndic, soit, scénario plus grave, ils boycotteront le dispositif continuant ainsi à recevoir les documents au format papier, ce qui n’est souhaitable pour personne.
 
Il est donc indispensable d’organiser au plus vite, une réunion au sein de votre ministère avec l’ensemble des acteurs y compris les associations pour que ces points soient explicités et abordés en toute transparence.
 
Nous adressons copie de la présente aux deux ministres concernées ainsi qu’au Conseil d’État.
 
Vous remerciant par avance de l’attention portée à notre démarche, nous vous prions de recevoir, Madame la Directrice, l’assurance de nos salutations distinguées.
 
 
Fernand CHAMPAVIER                                                               Bruno DHONT
Le Président de l’ARC                                                                  Directeur de l’ARC.
 
Copie :                                                    
  • Madame Christiane TAUBIRA, ministre de la Justice
  • Madame Cécile DUFLOT, ministre du Logement
  • Monsieur Jean-Marc SAUVÉ, président du Conseil d’État ».