Une disposition introduite par le Sénat dans loi A.L.U.R. et qui va, malgré elle :
● entraîner une complication bien inutile de la gestion des copropriétés ;
● risquer d’engendrer des conséquences dramatiques ;
● générer à coup sûr de nombreux et divers abus
Le Sénat a adopté un amendement à la loi A.L.U.R. qui - à première lecture - ne semble pas poser de problème et qui, en fait, en deuxième lecture s’avère être une source potentielle de complications, de difficultés, d’effets pervers et d’abus en tous genres. Nous sommes persuadés que le Sénat n’a pas vu tous ces problèmes. D’où la présente note d’alerte afin que la disposition soit rectifiée lorsque le texte reviendra à l’Assemblée Nationale.
Voici le texte voté par le Sénat :
Introduire dans la loi du 10 juillet 1965 l’article suivant :
« Chaque copropriétaire s’assure contre les risques dont il doit répondre en sa qualité soit de bailleur soit d’occupant. Il remet chaque année au syndic une attestation de l’assureur ou de son représentant ».
- Cet article confie au syndic le soin de récupérer les attestations d’assurance (devenue obligatoire) des propriétaires occupants et bailleurs
Or ceci va poser de multiples problèmes :
Premier type de problèmes : sachant qu’il y aura forcément des copropriétaires négligents et des réfractaires, où commencent et s’arrêtent les obligations du syndic ? Aura-t-il satisfait à la loi en se contentant de recueillir les attestations que les copropriétaires voudront bien lui remettre ? Devra-t-il « demander » (mais comment ?) ces attestations ? Devra-t-il agir s’il n’a pas toutes les attestations ? Et agir comment et jusqu’où ? Engager une procédure judiciaire ? On va voir plus loin que ceci n’est pas une hypothèse d’école.
Deuxième type de problèmes : les prises d’effet des contrats d’assurance sont étalées sur toute l’année civile ; dès lors, le syndic devra-t-il assurer un suivi des échéances de chaque contrat pour relancer les copropriétaires qui ne lui auront pas adressé l’attestation de renouvellement d’assurance ?
- Au-delà de problèmes pratiques évoqués, il y a le problème de la responsabilité du syndic en cas de sinistre
En effet si un sinistre survenait et qu’un copropriétaire concerné n’ait pas souscrit d’assurance, le syndic qui n’aura pas récupéré d’attestation et n’aura engagé aucune action, ne pourra-t-il pas voir engager sa responsabilité (exemple : par l’assurance de la copropriété ou le syndicat des copropriétaires) ?
- Des abus nombreux en perspective
Enfin, nous voyons plusieurs types d’abus possible derrière cette disposition inopportune.
- Sachant qu’aujourd’hui beaucoup de syndics (surtout les gros syndics) ont une filiale de courtage d’assurance, il est certain qu’ils vont être tentés de profiter d’une part de leur position de syndic d’autre part de leur nouvelle fonction (récupérer les attestations) pour « placer » des assurances (à noter que certains n’ont pas attendu, voir le groupe CITYA). Inutile d’avoir beaucoup d’imagination pour anticiper ce que cela va engendrer comme pressions, sollicitations et abus.
- Par ailleurs les syndics vont évidemment faire valoir ce nouveau travail pour demander des honoraires supplémentaires. Ils auront raison sur le fond, mais - là encore - nous savons que ce sera la porte ouverte à de nombreux et nouveaux abus.
Conséquence :
- Cet amendement confie un nouveau travail (aux contours incertains) aux syndics alors même qu’ils ont déjà beaucoup de mal à faire aujourd’hui l’essentiel concernant la gestion des copropriétés.
- Par ailleurs, ce travail qui paraît a priori simple pourra s’avérer dans la réalité difficile et complexe (actions contre les négligents et réfractaires ; suivi des échéances de chaque contrat, etc.).
- Les conséquences liées à l’absence éventuelle de récupération d’attestations peuvent s’avérer très importantes, ce qui va forcément crisper le système.
- Enfin - cerise sur le gâteau - cet amendement ouvre la porte à des abus commerciaux d’une part, tarifaires d’autre part dont les copropriétés et les copropriétaires n’ont pas vraiment besoin...
Conclusion : il est impératif que la deuxième phrase de cet amendement soit supprimée et qu’une réflexion sérieuse et concertée soit engagée sur ce sujet.
ARC - 17 Octobre 2013