I/ A propos du changement d’affectation d’un lot privatif
Par principe, le changement d'affectation de parties privatives ne nécessite pas obligatoirement un accord en assemblée générale des copropriétaires. Cela étant, il existe une abondante jurisprudence à ce sujet, et il convient de raisonner au cas par cas.
Il convient par ailleurs de s'assurer que ce changement d'affectation est conforme à la destination de l’immeuble – dans l’hypothèse par exemple où ce changement aboutirait à exercer une activité commerciale dans un immeuble à destination strictement ou simplement bourgeoise –, et ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, ou ne serait pas plus strictement encadrée par votre règlement de copropriété.
Ainsi, la jurisprudence a déjà pu reconnaître la validité d'un changement d'affectation de lots qualifiés de cave dans le règlement de copropriété, faute pour les demandeurs (qui contestaient ce changement) de prouver en quoi ces aménagements leur porteraient préjudice et dans quelle mesure ils ne seraient pas conformes à la destination de l'immeuble (Paris, 5 juillet 1995, repris dans la revue Loyers et copro. 1995, n° 534).
A l'inverse, il a également été jugé que n'était pas valable la transformation d'une cave en sous-sol à usage de bureau en un local d'habitation au motif qu'il résulte de l'article L. 1331-22 du Code de la santé publique que les caves ne peuvent être mises à dispositions aux fins d'habitation malgré l'existence d'ouvertures en partie haute (Cour de cassation, 3eme chambre civile, 6 septembre 2018, n° 17-22.172).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation indiquait également qu'une telle transformation n'était pas conforme au caractère bourgeois de la copropriété qui ne comportait que de grands appartements.
Vous nous indiquez par ailleurs que ce changement d'affectation s'est accompagné de la création d’une trémie, soit une ouverture dans le plancher afin de relier la cave à l’appartement. A ce titre là, vous pourriez en effet exiger, de façon certaine, une résolution en assemblée générale afin de ratifier a posteriori ces travaux, sur le fondement de l'article 25 (b), dans la mesure où ceux-ci affectaient le gros œuvre, relevant des parties communes, ou bien solliciter la remise en état des lieux.
La copropriétaire pourrait éventuellement se prévaloir de la prescription quinquennale visée par l'article 2224 du Code civil qui prévoit que :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Toute la question sera alors de démontrer que vous n'étiez pas en mesure de découvrir l'existence de cette trémie jusqu'à sa découverte fortuite dans le cadre des travaux réalisés par le syndicat des copropriétaires...
Enfin, le changement d'affectation de ce lot ne nécessite pas obligatoirement le changement des tantièmes de propriétés et des tantièmes de charges communes générales ou spéciales (il s'agit toutefois d'une question débattue en doctrine par les juristes et géomètres...).
En revanche, ce changement pourrait donner lieu à une modification de la répartition des charges visées à l'alinéa 1er de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 : il s'agit des charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot : cela renvoie typiquement aux charges de chauffage ou d'ascenseur par exemple.
Pour le changement des charges communes, que celles-ci soient générales ou spéciales, vous pourriez disposer d'un certain levier auprès du copropriétaire en conditionnant la ratification de ces travaux à la présentation d'un projet de modificatif au règlement de copropriété (établi et publié à ses frais) visant à tenir compte de ce changement...
II/ Au sujet de l’autorisation à solliciter en mairie
Au titre de l'autorisation préalable qu'aurait dû solliciter la copropriétaire auprès de la mairie : il convient de se reporter à l'article R. 421-17 du Code de l'urbanisme, qui prévoit que :
« Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R*421-14 à *R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants :
[...]
g) La transformation de plus de cinq mètres carrés de surface close et couverte non comprise dans la surface de plancher de la construction en un local constituant de la surface de plancher. »
La question est alors de savoir s'il y a bien eu création de surface de plancher.
A ce titre, l'article R. 111-22 du même Code prévoit que « La surface de plancher de la construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction :
1° Des surfaces correspondant à l'épaisseur des murs entourant les embrasures des portes et fenêtres donnant sur l'extérieur ;
2° Des vides et des trémies afférentes aux escaliers et ascenseurs ;
3° Des surfaces de plancher d'une hauteur sous plafond inférieure ou égale à 1,80 mètre ;
[...]
7° Des surfaces de plancher des caves ou des celliers, annexes à des logements, dès lors que ces locaux sont desservis uniquement par une partie commune ; »
Par conséquent, si cette cave, originellement, n’était accessible que depuis une partie commune, sa surface n'était pas comptabilisée en tant que surface de plancher, et le fait qu'elle ait été ainsi reliée directement à l'appartement du rez-de-chaussée, par la création d'une trémie, aboutit alors à créer de la surface de plancher, et à rendre ainsi potentiellement nécessaire le dépôt d'une déclaration préalable de travaux – à noter en outre qu’une autorisation aurait potentiellement dû être sollicitée en assemblée générale des copropriétaires dans la mesure où le copropriétaire a fait usage d’un droit à construire, qui est en principe accessoire aux parties communes.
III/ Au sujet des règles relatives au logement décent
Enfin, ce changement d’affectation peut également poser des difficultés par rapport aux règles relatives au logement décent et aux règles fixées par le code de la santé publique.
A ce titre, l’article L. 1331-23 du Code de la santé publique prévoit que :
« Ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres dont la définition est précisée conformément aux dispositions de l'article L. 1331-22, que constituent les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d'ouverture sur l'extérieur ou dépourvues d'éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l'habitation, ni des locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation. »
De même, nous vous rappelons certaines dispositions de l’article 2 du décret du 30 janvier 2002 (dans sa version d’aujourd’hui) relatif aux caractéristiques du logement décent :
« Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
[…]
4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R. 111-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre. »
Les pièces principales visées par l'article R. 111-1 du Code de la construction et de l'habitation sont celles destinées au séjour ou au sommeil. Les pièces de service "telles que cuisines, salles d'eau, cabinets d'aisance, buanderies, débarras, séchoirs, ainsi que, le cas échéant, des dégagements et des dépendances." ne font pas partie des pièces principales.
Aussi, dans votre hypothèse, c'est la dernière disposition de cet article qui pourrait notamment poser problème dans la mesure où cette cave abriterait aujourd’hui une pièce principale au sens de cet article R. 111-1...
Enfin, il nous faut rappeler que la plupart des règlements sanitaires départementaux prohibent également l’habitation au sein de caves, sous-sols, combles et pièces dépourvues d’ouverture. Le règlement sanitaire de Paris interdit même de procéder à la pose d’une porte ou d’une trappe de communication avec une cave dans une pièce principale d’habitation ou une cuisine (annexe, article 41 bis dudit règlement).