Sommaire livraison des lots privatifs
Les Lots privatifs :
- Règlementation Acoustique et Thermique des bâtiments neufs à usage d'habitation
Les initiatives unilatérales de copropriétaires sur les parties communes ne constituent pas des actes isolés et peuvent donner lieu à des contestations judiciaires quant à leur légalité.
Un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2020 apporte un nouvel éclairage sur cette question, via la pose d’une signalétique commerciale sur les parties communes.
Une résidence sise à Paris 1er arrondissement comprend notamment un lot commercial affecté depuis plus de 100 ans à la haute joaillerie, et ce, conformément à la destination de l’immeuble prévue par le règlement de copropriété.
Le propriétaire du lot installe unilatéralement sur la façade du bâtiment une enseigne commerciale à une date incertaine, qui pourrait se situer entre 1953 et 1964.
Une assemblée générale du 9 septembre 2011 adopte un projet de ravalement de la façade intégrant la dépose et la repose de l’enseigne commerciale.
Le propriétaire d’un lot, opposant à cette résolution, invoque judiciairement sa nullité. Il justifie son action sur le fait, que l’intervention légitime du détenteur d’un lot sur une partie commune, telle la façade de l’immeuble, suppose l’autorisation de l’assemblée générale à la majorité des voix du syndicat des copropriétaires selon l’article 25 alinéa b de la loi du 10 juillet 1965.
Or, cet aval impératif faisant manifestement défaut en l’espèce, la présence de cet aménagement privatif se révèle illicite et, ne peut donc être intégré par le syndicat dans le cadre des travaux d’entretien des parties communes.
A cette procédure engagée à l’encontre du syndicat, se joint le propriétaire du lot commercial concerné.
Si les deux premières juridictions judiciaires civiles écartent l’argumentation de ce contestataire (jugement TGI Paris du 18 juin 2013, décision de la cour d’appel de Paris du 17 juin 2015), la Cour de cassation fait partiellement droit à sa demande par un arrêt du 15 décembre 2016, en censurant la présence illicite et inopposable au syndicat de l’enseigne commerciale et renvoyant les parties devant la cour d’appel de Paris.
Dans son arrêt n° 17 - 06400 du 15 mai 2019 la cour d’appel de Paris, confirmé par la Cour de cassation dans sa décision n° 19 - 21732 du 22 octobre 2020, suite à un nouveau recours du propriétaire contestataire, entérine la signalétique commerciale sur la façade de l’immeuble.
Ces derniers magistrats assimilent, tout comme leurs homologues de l’instance inférieure, la présence de l’enseigne individuelle sur la façade collective, à un droit de jouissance privatif de son propriétaire (usage exclusif de cette installation personnelle par le détenteur du lot commercial exploité en joaillerie) sur une partie commune.
Or, le droit de jouissance peut aussi bien résulter d’une décision initiale ou ultérieure du syndicat stipulée dans le règlement de copropriété, que d’une situation de fait de plus de trente ans incontestée judiciairement pendant ce laps de temps, comme en l’espèce : «... La cour d'appel a retenu à bon droit qu'un droit de jouissance privatif sur des parties communes est un droit réel et perpétuel qui peut s'acquérir par usucapion et qu'un tel droit peut avoir pour objet l'apposition d'enseignes sur les parties communes de la copropriété. Elle a constaté que la pose d'enseignes en imposte sur les portes cochères n'avait pas été autorisée par l'assemblée générale et que le règlement de copropriété ne contenait aucune stipulation sur ce point.
Elle a relevé que la société R.H.F. avait apposé les enseignes depuis 1964, voire 1953, et avait manifesté, depuis lors, son intention de se comporter en titulaire exclusif du droit de les poser.
Elle en a souverainement déduit, sans qu'il y ait lieu de caractériser une acceptation expresse des copropriétaires, qu'il ne s'agissait pas d'une simple tolérance des autres copropriétaires, mais que cette société, ayant accompli, sans interruption depuis plus de trente ans, des actes caractérisant une possession continue, ininterrompue, paisible, publique et non équivoque, avait acquis, par usucapion, un droit de jouissance privatif réel et perpétuel au maintien des enseignes."
En présence d’un aménagement exécuté illicitement par le propriétaire d’un lot sur les parties communes, la personne morale ou physique qui envisage de faire cesser l’illégalité doit apprécier à juste mesure la nature juridique de l’irrégularité et donc la prescription applicable.
Dans le cas contraire, elle s’expose à engager à l’égard du contrevenant un contentieux long, onéreux et surtout vain.
Les délibérations des assemblées générales peuvent être contestées conformément à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 sous certaines conditions. En effet, seuls les copropriétaires défaillants ou opposants peuvent contester une délibération de l’assemblée générale.
Les contestataires ont un délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal pour saisir la justice en annulation des délibérations.
Néanmoins, pour pouvoir contester une délibération, il est nécessaire de prouver que la délibération est entachée d’une irrégularité.
Dès lors, pour tout copropriétaire qui souhaite contester une délibération, il est fondamental de savoir si elle est irrégulière ou non. La loi apporte beaucoup d’éléments permettant de déduire si la délibération est régulière ou non.
Par exemple, si la majorité n’est pas la bonne pour l’adoption de la décision, il est possible de contester la décision. Pour d’autres cas, la loi est muette et c’est la jurisprudence qui nous apporte d’importantes indications.
Par cet arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 15 avril 2015 (n°14-13255), des informations précieuses nous sont apportées quant à l’irrégularité d’une délibération concernant l’approbation des comptes en raison de l’absence des frais privatifs relatifs à un seul copropriétaire dans le compte du syndicat des copropriétaires.
Par ailleurs, cette décision précise également les modalités de transcription sur le procès-verbal de la question figurant à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
Suite à l’assemblée générale, des époux copropriétaires contestent judiciairement plusieurs résolutions La première d’entre elles, concerne l’approbation des comptes.
En effet, les copropriétaires considèrent que l’approbation des comptes est irrégulière puisque les frais privatifs imputables à un seul copropriétaire, n’apparaissent pas sur le compte du syndicat des copropriétaires.
Cette question est très intéressante, car la répartition des charges communes se fait en principe en fonction des tantièmes de chaque copropriétaire. Cependant, la loi du 10 juillet 1965 et le contrat-type du syndic permettent de mettre à la charge d’un seul copropriétaire concerné des frais afférents à certaines demandes comme l’établissement d’un état daté ou la convocation d’une assemblée générale extraordinaire à la demande d’un seul copropriétaire.
En cas de frais privatifs, il est bien précisé que les frais sont imputables au(x) seul(s) copropriétaire(s) concerné(s), de sorte que généralement plusieurs copropriétaires ou membres du conseil syndical s’étonnent de retrouver dans le compte banque du syndicat des copropriétaires cette somme et pensent que le syndic a commis une erreur.
D’ailleurs, la Cour d’appel considère dans cette affaire que ‘les frais de l’assemblée générale du 19 janvier 2009, convoquée à la demande de l’un des copropriétaires constituent une charge personnelle de ce copropriétaire, lui ont été facturés comme tels et n’ont pas à figurer dans l’état des dépenses de la copropriété pour l’exercice 2008-2009. »
Cependant, la Cour de cassation raisonne différemment et énonce : « est entachée de nullité la résolution d’une assemblée générale approuvant des comptes irréguliers (….) les comptes auraient dû faire apparaitre les frais relatifs à la tenue de l’assemblée générale, quand bien même ces frais auraient été supportés par le copropriétaire, à l’initiative de la tenue de cette assemblée. »
Autrement dit, les frais privatifs imputables au(x) seul(s) copropriétaire(s) concerné(s) tel que les frais de mise en demeure en cas de copropriétaire débiteur, les frais d’opposition sur mutation en cas de vente de lot privatifs, doivent impérativement apparaitre dans le compte du syndicat des copropriétaires.
Le cas échéant, les comptes sont irréguliers ! La sentence est forte.
Cela signifie comptablement, que le syndic doit inscrire cette somme au débit du compte du syndicat des copropriétaires, parallèlement l’affecter sur le sous-compte du copropriétaire concerné. Dès que le copropriétaire concerné paie les frais, le syndic doit rembourser le compte du syndicat des copropriétaires.
Ainsi, dans les faits seul le copropriétaire concerné paie les frais, mais il faut impérativement que cette somme apparaisse dans le compte du syndicat des copropriétaires.
Les copropriétaires ont également contesté une autre délibération concernant des travaux, au motif que la question inscrite au procès-verbal, n’est pas identique mot pour mot à celle figurant à l’ordre du jour.
La question est donc de savoir si la délibération encourt une nullité si elle n’est pas reproduite telle qu’elle figure à l’ordre du jour.
Cette question est primordiale dans la mesure où elle peut ouvrir la voie à de multiples contentieux et une contestation sans borne des délibérations.
L’article 17 du décret du 17 mars 1967 qui fixe les modalités du procès-verbal prévoit qu’il est établi un procès-verbal de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance par le Président, secrétaire et les éventuels scrutateurs. Le procès-verbal doit contenir les éventuels mandats de vote distribués, l’intitulé de chaque question inscrite à l’ordre du jour, le résultat des votes. Ils précisent le nom et nombre de voix des opposants et abstentionnistes. Ainsi que les éventuelles réserves et les incidents techniques ayant empêché la visioconférence.
En revanche, le texte ne précise pas si l’intitulé des questions inscrites à l’ordre du jour doit être recopié en termes identiques, à défaut, si cela constitue une irrégularité.
C’est donc la Cour de cassation qui est tenue de répondre à cette question. Elle indique alors « qu’aucune disposition n’imposait la stricte identité de rédaction du projet de résolution et du texte définitivement adopté, sauf à nier la liberté de discussion et de vote des copropriétaires lors de l’assemblée générale ».
Autrement dit, il est donc impossible de contester la régularité d’une délibération au motif que la question mentionnée dans le procès-verbal de l’assemblée générale n’était pas recopiée mot pour mot comme l’ordre du jour.
Néanmoins, il existe une limite importante, en effet, la reformulation de la question ne doit en aucun cas dénaturer l’objet de la résolution.
En conséquence, il est possible de modifier la rédaction de la question à l’ordre du jour sur le procès-verbal tant qu’elle a le même sens que celle mentionnée dans la convocation.
Dès lors, si le sens changerait, il y aurait une irrégularité.
Par ailleurs, la Cour de cassation invoque un élément fondamental de l’assemblée générale : la liberté de discussion. Ainsi, il est reconnu que chaque délibération peut faire l’objet d’un débat entre les copropriétaires. Ce débat et le sens du débat n’ont pas à être mentionnés sur le procès-verbal de l’assemblée générale.
Ainsi, la Cour de cassation apporte de précieuses informations quant à la régularité des résolutions.
Nous sommes souvent interrogés par des copropriétaires qui sont aussi parfois membres du conseil syndical pour connaître les conséquences de l’approbation des comptes et leurs possibilités de recours en cas de contestation portant sur leur propre situation comptable.
Nous allons reprendre ce que prévoit la loi du 10 juillet 1965 ainsi que le décret du 14 mars 2005 pour ensuite mettre en exergue la récente décision de la Cour de Cassation du 1er février 2018 (16-26992).
I. Un délai pour contester les décisions de l’assemblée générale et un autre pour les copropriétaires
L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit deux délais de recours.
Par ailleurs, conformément à l’article 8 du décret du 14 mars 2005, les copropriétaires sont amenés à se prononcer au cours de l’assemblée générale sur l’approbation des dépenses de l’exercice en vue de régulariser les excédents, les insuffisances de charges ou de produits.
Ainsi, il s’agit donc d’une décision qui concerne le syndicat de copropriétaires et non directement les copropriétaires.
Par conséquent, même si un copropriétaire approuve les comptes, il reste dans son droit de contester non pas le montant global des charges mais leur répartition, qui a un impact direct sur sa situation comptable.
II. Une décision confirmée par la Cour de cassation
La Cour de Cassation a censuré sèchement la décision de la Cour d’Appel de Bastia en considérant :
« • l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967 précise bien que "l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires", ce qui est logique : l’approbation des comptes est un acte entre le syndicat des copropriétaires et le syndic qui présente ses comptes, alors que la répartition des charges relève de l’application du règlement des copropriétaires, contrat entre les copropriétaires et entre les copropriétaires et le syndicat ; dès lors, chaque copropriétaire en tant que partie au contrat est libre de contester l’application qui en est faite par l’autre partie sans qu’on puisse lui opposer un acte ayant eu lieu entre d’autres parties !
• dès lors que l’action du copropriétaire ne concerne pas une décision de l’assemblée mais une contestation de son compte comme l’article 45-1 lui en donne le droit, la prescription applicable n’est pas celle du 2ème alinéa de l’article 42 mais de son 1er alinéa, à savoir celle s’appliquant aux actions personnelles entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, qui se prescrivent par un délai de dix ans ! »
Par conséquent, cet arrêt est clair l’approbation des comptes ne vaut pas approbation de la répartition des charges.
Les copropriétaires éprouvent régulièrement des difficultés pour appréhender la nature juridique de fractions du bâti (parties communes ou privatives), mais également les droits qui leur sont consentis sur celles-ci par le règlement de copropriété.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 mars 2019, rappelle la distinction fondamentale entre la jouissance et la propriété d’un bien immobilier.
L’achat d’un bien immobilier dans une résidence en copropriété implique l’existence d’un lot appelé partie privative, c’est-à-dire un local déterminé (stipulé dans l’état descriptif de division, généralement rattaché au règlement de copropriété), auquel est indissociablement rattaché la propriété indivise du gros-œuvre, d’équipements collectifs ou parties communes générales (détenues par tous les copropriétaires), voire spéciales (appartenant uniquement à certaines copropriétaires) selon l’article 1 de la loi du 10 juillet 1965.
Conformément aux principes généraux du droit, le possesseur d’un lot en copropriété a l’usage exclusif de celui-ci, la capacité de le louer ou de le céder (article 544 du Code civil).
Il a pour seules restrictions de se conformer aux prescriptions du règlement de copropriété définissant notamment les parties communes et privatives, ainsi que la destination de l’immeuble, qui peut être exclusivement bourgeoise (habitation), bourgeoise (permettant tout ou partie des professions libérales), mixte (autorisant toutes les activités commerciales ou uniquement certaines d’entre elles).
Il ne doit pas nuire non plus aux droits des autres copropriétaires de jouir librement de leurs parties privatives et des parties communes comprises dans leurs lots (article 9 de la loi du 10 juillet 1965).
La configuration d’une résidence en copropriété peut conduire le syndicat à octroyer à un lot (transmissible) ou à un propriétaire précis (non transmissible) un privilège particulier, qualifié de jouissance exclusive ou privative sur une partie commune (cour, courette, toiture, terrasse, jardin).
Elle se distingue de la propriété d’un bien immobilier, en ce sens que le bénéficiaire en a un usage précaire, puisqu’il ne peut pas vendre uniquement ce droit d’usage.
Ce droit peut disparaître, soit à l’occasion de la mutation du bien (si la jouissance est concédée nominativement), soit par un modificatif de règlement de copropriété approuvé en assemblée générale, avec impérativement le vote favorable du copropriétaire disposant du droit de jouissance.
Le bénéficiaire de ce droit d’usage n’a la capacité de réaliser certains aménagements superficiels (démontables) que moyennant une autorisation de l’assemblée générale à la majorité des voix du syndicat, dès lors que ceux-ci affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble (article 25 alinéa b de la loi du 10 juillet 1965).
Il doit supporter les menues opérations d’entretien (nettoyage), ainsi que l’intervention des prestataires du syndicat pour les opérations de réfection de la partie commune dont il peut disposer.
En l’espèce dans une copropriété sise dans le sud de la France, le propriétaire d’un lot commercial bénéficiant de la jouissance du jardin contigu et d’un hangar, sollicite et obtient d’une assemblée générale du 28 août 2014 l’autorisation de réaliser à ses frais divers travaux de destructions et de construction sur ceux-ci, dans le cadre du réaménagement de son local commercial.
Un copropriétaire opposant, considérant l’opération comme illicite, notamment pour les aménagements du jardin et du hangar, qu’il considère être une appropriation de partie commune et un changement de destination de l’immeuble, assigne le syndicat en annulation des résolutions litigieuses.
Sa demande est écartée, la Cour d’appel considérant que le jardin et le hangar sont compris dans la composition d’un lot, et étant affectés à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé, sont des parties privatives. Il se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation dans son arrêt n° 17-23285 du 14 mars 2019 infirme la décision rendue par la juridiction inférieure en précisant la nature juridique du jardin (partie commune) et l’illégalité de travaux sur celle-ci par une personne ne disposant pas de la propriété donc du droit d’en disposer, mais simplement d’un droit de jouissance :
« […] Qu'en statuant ainsi (hangar et jardins sont des parties privatives), alors qu'il ressortait de l'état descriptif de division figurant au chapitre II du règlement de copropriété que le lot n° 1 ne comportait que le droit à la jouissance exclusive et particulière du jardin et du hangar y édifié, la cour d'appel, qui a dénaturé les dispositions claires et précises de ce document, a violé le principe susvisé ; ».
Droit de jouissance et de propriété d’un bien immobilier constituent deux notions juridiques distinctes. Le syndicat doit apprécier précisément le projet d’un copropriétaire sur un bien immobilier, notamment s’il concerne une partie commune.
En effet, si l’opération envisagée entraîne l’appropriation de celle-ci, entre autre par une construction, elle suppose préalablement de procéder à la création d’un nouveau lot, par un avenant au règlement de copropriété qui fera ensuite l’objet d’une cession.
La configuration d’une résidence peut attiser les velléités de copropriétaires de bénéficier d’un usage exclusif sur une partie commune (terrasse, cour, jardin) contiguë de leur lot.
La Cour de Cassation rappelle dans un arrêt du 6 septembre 2018 la législation applicable.
Le règlement de copropriété constitue la « loi du syndicat », c’est-à-dire qu’il fixe librement les parties privatives, les parties communes ainsi que les modalités de jouissance et d’administration de celles-ci, à la seule condition de ne pas enfreindre des dispositions d’ordre public (art. 8 de la loi du 10 juillet 1965).
Autrement dit, le règlement de copropriété a vocation à contenir les éventuels usages exclusifs que détient un lot sur une partie commune. Ce droit exclusif peut donc avoir été octroyé dès l’origine et stipulé tel quel dans ce document. C’est un droit réel.
Le droit de jouissance exclusif sur une partie commune peut également être accordé ultérieurement par le syndicat, moyennant une résolution de l’assemblée générale (art. 17 de la loi de la loi du 10 juillet 1965), adoptée à la double majorité de l’article 26 du même texte.
Une telle décision ne donne pas forcément lieu à un avenant au règlement de copropriété notamment lorsque l’assemblée concède ce privilège à un copropriétaire déterminé et non à un lot. C’est un droit personnel.
Dans cette hypothèse, lors de la mutation du lot, ce droit ne se transmet pas au nouvel acquéreur, il s’éteint avec le départ du vendeur, contrairement à une jouissance privative sur la partie commune qui serait accordée à un lot, transmise au nouvel acquéreur du lot.
A titre exceptionnel, le copropriétaire qui occupe de manière publique et continue pendant trente ans une partie commune peut en revendiquer la jouissance, voire la propriété (art. 2272 du Code civil).
En l’espèce, dans un immeuble parisien, comprenant deux terrasses sur lesquelles le syndicat a consenti un droit de jouissance personnel à deux copropriétaires distinctes, l’une d’elles prétend détenir également l’usage exclusif de l’autre partie commune par une convention (non validée en assemblée générale) et par une occupation de celle-ci pendant plus de 10 ans.
Dans l’arrêt n°17 - 22180 du 6 septembre 2018, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rejette le recours de cette copropriétaire selon sa jurisprudence constante :
« […] Mais attendu qu'ayant relevé que l'assemblée générale du 30 mai 1956 avait autorisé Mme A..., précédente propriétaire de l'appartement, à installer une terrasse et que l'assemblée générale du 14 mai 1985 avait accordé à Mme X... le droit d'usage de la deuxième partie de la terrasse, souverainement retenu que les copropriétaires avaient souhaité octroyer de simples autorisations personnelles aux propriétaires successifs de l'appartement nommément identifiés, de sorte que Mme X... n'avait pu, en acquérant les lots obtenir un droit de jouissance exclusif sur la première partie de la terrasse et constaté, d'une part, que la convention signée le 12 septembre 1985 entre le syndicat des copropriétaires et Mme X... contrevenait aux termes de l'assemblée générale du 12 mai 1985, en ce qu'elle indiquait que le droit de jouissance était attaché aux lots 10 et 11, d'autre part, que Mme X... exerçait une action réelle en revendication d'un droit de jouissance privative, soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que Mme X... ne pouvait se prévaloir que d'un droit personnel et ne pouvait bénéficier de l'usucapion ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé […] »
L’assemblée générale avait autorisée un droit à titre personnel. La convention signée avec le syndicat des copropriétaires avait accordé ce droit de jouissance au lot, cela aurait pu être qualifié de droit réel.
La Cour n’a pas retenu cette convention qui était contraire à ce qui avait été décidée par l’assemblée générale. Par conséquent, le droit personnel ne permettant pas d’acquérir avec le temps, la demande de la copropriétaire a été rejetée.
Tout copropriétaire doit se conformer expressément aux droits accordés par le syndicat sur une partie commune et ne pas confondre un droit d’usage accordé à une personne avec le même droit accordé à un lot.
Peut-on demander judiciairement la nullité de l’approbation des comptes au motif qu’ils incluent des travaux qui ont été réalisés dans des conditions autres que celles votées en assemblée générale ?
C’est sur cette question que la Cour de cassation a eu à se prononcer dans un arrêt du 14 mars 2019 (Cass. 3e civ., 14 mars 2019, n° 17-26190).
En l’espèce, un copropriétaire a assigné son syndicat de copropriétaires en annulation d’une résolution ayant approuvé les comptes de l’exercice écoulé, qui comportaient une dépense de travaux.
Or, l’entreprise qui a finalement réalisé les travaux n’est pas celle dont le devis avait été retenu par l’assemblée générale des copropriétaires qui avait voté les travaux.
La Cour de cassation rejette la demande du copropriétaire au motif que :
« L’approbation des comptes emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat ».
Le fait que les travaux n’aient pas été réalisés dans les conditions votées en assemblée générale ne constitue donc pas une irrégularité entraînant la nullité de la délibération incriminée.
L’arrêt n’offre donc pas de possibilité de remettre en cause l’exécution de travaux en passant par une demande d’annulation de la délibération approuvant les comptes.
Une telle jurisprudence reste conforme à la loi et aux décisions judiciaires déjà rendues en la matière.
Rappelons qu’une approbation des comptes sans réserve a pour effet principal de ratifier les dépenses engagées par le syndic et de valider l’excédent ou le déficit par rapport au budget prévisionnel, avant de le répartir sur les comptes individuels de chacun des copropriétaires.
Le vote favorable a pour conséquence d'interdire toute révision ultérieure des comptes, sauf dans les hypothèses prévues par l'article 1269 du Code de procédure civile « d’erreur, d’omission ou de présentation inexacte ».
Ce principe a été plusieurs fois rappelé par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 avril 1988, n° 86-17431 et 9 novembre 1988, n° 87-13128 ; Cass. 3e civ., 22 mars 1989, n° 87-17329 ; CA d’Aix-en-Provence, 16 mars 1995, n° 83/6277).
Cet article 1269 vient donc très largement réduire les possibilités de remettre en cause l’approbation de comptes lorsqu’elle a été votée, et l’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans ce cadre.
L’approbation des comptes n’a, en revanche, pas d’incidence sur le compte individuel de chaque copropriétaire qui conserve son droit à contester la répartition des charges et donc l’imputation qui en est faite sur son compte individuel, dans la mesure où « l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires » (article 45-1 du décret du 17 mars 1967).
C’est là un principe rappelé par la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans un arrêt récent du 1er février 2018, n°16-26992 (voir notre article intitulé : L’approbation des comptes ne vaut pas approbation des comptes individuels des copropriétaires).
S’agissant des conséquences du refus d’approbation, celui-ci entraîne logiquement le refus de donner quitus au syndic pour sa gestion et la nécessité de soumettre à nouveau les comptes à une délibération ultérieure.
La jurisprudence a eu l’occasion de reconnaître, en l’absence de droit particulier conféré par le règlement de copropriété, qu’un copropriétaire pouvait se prévaloir d’un droit de jouissance privatif sur une partie commune. La plupart du temps, il s’agira d’une partie commune attenante à un lot ou y donnant accès : cour, jardin, terrasse, chemin…
La Cour d’appel a retenu, dans cette affaire, que les copropriétaires du rez-de-chaussée qui utilisaient depuis plus de 30 ans une partie de terrain à titre privatif n’avaient pas pu acquérir pour autant un droit de jouissance par usucapion.
La Cour de cassation, dans son arrêt de 2007, censure le juge d’appel et retient « qu'un droit de jouissance privatif sur des parties communes est un droit réel et perpétuel qui peut s'acquérir par usucapion ».
Le moyen de l’usucapion est en principe utilisé pour faire valoir un droit de propriété, et non un simple droit de jouissance. Or, le droit de jouissance n’est pas un droit de propriété : la partie concernée reste donc bien une partie commune, mais les copropriétaires concernés bénéficient du droit d’en jouir seuls – excluant une jouissance par d’autres copropriétaires – comme s’ils y avaient été autorisés par le règlement de copropriété ou une décision d’assemblée générale.
Très souvent, les copropriétés sont dotées de jardins, cours, combles, terrasses, balcons, attenants à certains lots.
Pour en connaître la nature précise, à savoir partie privative ou commune, il faut s’en référer au règlement de copropriété qui doit définir ces catégories.
Il arrive que les règlements, parfois anciens et non modifiés, soient silencieux concernant certaines parties.
L’article 3 de la loi de 1965 présume, dans le silence du règlement de copropriété, certaines parties de l’immeuble comme communes, telles que le sol, le gros œuvre, les cours, les jardins, les voies d'accès, le droit de surélever un bâtiment affecté à l'usage commun, le droit de construire afférent aux parties communes… On peut noter ici que certaines parties, qui donnent pourtant lieu à nombre de litiges, comme les balcons ou les combles, ne sont pas mentionnées dans cette liste. Ces litiges donnent lieu à l’appréciation des juges au cas par cas en fonction de certains critères, liés souvent à la configuration des lieux et aux modalités d’accès à ces parties.
Un élément de complexité s’ajoute lorsque le règlement de copropriété consent à certains copropriétaires un droit de jouissance privatif sur des parties communes.
L’adjectif « privatif » peut être trompeur : il ne s’agit pas de reconnaître au copropriétaire concerné un droit de propriété sur cette partie (balcon, terrasse, cour, jardin…), celle-ci n’étant pas incluse dans son lot privatif. Il s’agit seulement de lui en donner l’usage exclusif, donc à l’exclusion des autres copropriétaires, sauf à ce que plusieurs d’entre eux bénéficient du même droit sur la même partie (par exemple l’usage de sanitaires communs situés sur un palier par les résidents de l’étage concerné).
La jurisprudence a maintes fois rappelé que le droit de jouissance privatif n’est pas un droit de propriété : le copropriétaire qui en bénéficie ne peut donc pas prendre les initiatives que pourrait prendre un propriétaire, telle que l’annexion de cette partie (comble, couloir…), la réalisation de travaux sur cette partie, sa transformation, sa vente…
Par exemple, en matière de travaux, il a été jugé que la construction d’une véranda par un copropriétaire sur un terrain sur lequel il bénéficie d’un droit de jouissance devait être autorisée par l’assemblée à la double majorité de l’article 26 de la loi de 1965, dans la mesure où elle est réalisée sur une partie commune (Cass., 3e civ., 8 novembre 2006, n° 05-19757), même si la construction d’une véranda légère et dépourvue de fondations a été admise par la Cour d’appel de Paris (CA de Paris, 23e ch. B, 5 novembre 1993, n° 92/012058).
Comme nous le verrons, l’action du syndicat des copropriétaires pour revendiquer la partie commune et faire démolir la construction irrégulière peut être exercée pendant 30 ans.
La question de l’approbation des comptes clos du syndicat en assemblée générale génère son lot d’interrogations de la part des copropriétaires, quant à la régularité de leur établissement et leur présentation par le syndic.
Autre interrogation : peut-on ne pas approuver les comptes une année, mais les voter l’année suivante ?
C’est une réponse à ces questions que nous apporte un arrêt de la Cour d’Appel de Basse Terre.
Le syndic est chargé de l’administration de l’immeuble selon l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui comprend notamment : d'établir le budget prévisionnel en concertation avec le conseil syndical, les comptes du syndicat et leurs annexes, de les soumettre au vote de l'assemblée générale et de tenir pour chaque syndicat une comptabilité.
Les propriétaires disposent annuellement d’un droit de consultation, dans les locaux du syndic, des pièces justificatives des charges (contrats, factures…), entre la notification de la convocation et la date de tenue de l’assemblée générale destinée à se prononcer sur les comptes clos du syndicat des copropriétaires (art. 18-1 de la loi du 10 juillet 1965).
Ce droit de vérification des comptes du syndicat par les copropriétaires, qu’ils décident individuellement d’exercer ou pas, doit leur permettre de pouvoir se prononcer en connaissance de cause à l’assemblée générale ordinaire sur les dépenses du syndicat établis par le syndic. Autrement dit, le syndic doit être en mesure d’attester de l’intégralité des charges et produits enregistrés par ses soins.
Cette obligation s’impose aussi lorsque le syndic fait approuver les comptes établis par son prédécesseur. L'article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 impose à l'ancien syndic la remise au nouveau syndic de la situation de trésorerie, de la totalité des fonds immédiatement disponibles, de l'ensemble des documents et archives du syndicat, du solde des fonds disponibles après apurement des comptes, de l'état des comptes des copropriétaires et de celui du syndicat.
En l’espèce un ensemble immobilier des Antilles françaises n’approuve pas en assemblée générale 2014 les comptes clos du syndicat sur l’exercice 2013 (en raison d’un solde débiteur de plus de 60.000 euros, qu’elle considère comme injustifié) et désigne un nouveau syndic professionnel.
Le nouveau syndic n’obtient pas de son prédécesseur l’ensemble des pièces justificatives des dépenses de 2013. Il convoque cependant une assemblée générale pour approuver ces comptes, sans joindre les annexes comptables. Lors de cette même assemblée, et dans une résolution suivante, il propose d’approuver les comptes 2014, et joint à la convocation tous les documents obligatoires.
L’assemblée ayant approuvé ces résolutions, un copropriétaire les attaque en nullité.
La cour d’appel de Basse Terre dans son arrêt n° 18/001281 du 30 septembre 2019 accueille partiellement ses requêtes :
« Que la résolution (n°4) comprend le compte en partie double à la date du 31/12/2013 portant au débit (sommes dues au syndicat) la somme de 295.890,02 euros, et au crédit (sommes que le syndicat doit) 358.132,25 euros.
Qu’il faut comprendre qu’il s’agit du compte établi par le nouveau syndic sur la base des anciens comptes ;
Que cependant, la résolution comporte également la mention suivante ‘en l’absence de justificatif et d’information sur les soldes antérieurs’ […]
Que par ailleurs, aucun document n’est fourni concernant le détail du compte ;
Qu’en conséquence, il convient d’annuler cette résolution (n°4) […] »
L’approbation des comptes clos du syndicat des copropriétaires en assemblée générale suppose donc que les annexes comptables normalisées (attestant des charges et produits du syndicat sur l’exercice concerné) soient complétées. Le syndic doit aussi détenir les pièces justifiant les dépenses. A défaut, un seul copropriétaire peut obtenir l’annulation de la résolution ayant approuvé les comptes, même s’il est le seul opposant.
En revanche, la cour d’appel ne suit pas le copropriétaire pour la résolution suivante, et ne fait pas droit à sa demande en nullité de la résolution ayant approuvé les comptes 2014 :
« Qu’il est constant que ces pièces (comptables) ont été notifiées avec l’ordre du jour…
Que le fait que certains exercices précédents n’aient pas été approuvés ne constitue pas en soi un obstacle à l’approbation des comptes de l’exercice concerné (2014).
Qu’il n’y a donc pas lieu à annuler la résolution pour ce motif, alors qu’il n’est pas démontré en quoi les comptes présentés seraient irréguliers ou non sincères ».
Cet arrêt prouve donc que chaque exercice comptable du syndicat des copropriétaires est indépendant. Le fait qu’un exercice n’ait pas été approuvé n’empêche pas les copropriétaires d’approuver ceux qui lui succèdent. Ce n’est pas un motif suffisant pour obtenir l’annulation d’une approbation des comptes.
Il faut donc prouver le non respect des règles de comptabilité, l’absence de justificatifs des dépenses ou la non communication des annexes qui doivent être jointes à la convocation, par exemple, pour espérer obtenir, par voie judiciaire, la nullité de la résolution approuvant les comptes.