Formations (82)
L’irrégularité d’une assemblée générale pour défaut de scrutateurs, ne peut être contestée que par un copropriétaire opposant ou défaillant
Confirmation de jurisprudence
Seul un copropriétaire défaillant ou opposant peut s'opposer à une irrégularité concernant le scrutateur.
La validité d’une assemblée générale implique de se conformer à des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles concernant sa convocation et sa tenue.
Face à cette multitude de prescriptions, les nombreuses irrégularités susceptibles d’affecter les assemblées générales peuvent apparaître et faire l’objet d’action en nullité devant les tribunaux.
La capacité de contestation n’en demeure pas moins limitée, lorsqu’elle concerne la désignation du bureau, comme le rappelle la Cour de Cassation.
Voyons ensemble ce qui est imposé en matière de désignation des scrutateurs (I) avant d’en analyser les conséquences (II).
I. Scrutateurs : faculté ou obligation de le désigner ?
L’article 15 du décret du 17 mars 1967 dispose que l’assemblée générale doit désigner :
- un président, chargé de veiller au bon déroulement de cette réunion du syndicat des copropriétaires, de constater la régularité des délibérations et de contrôler le procès-verbal ainsi que la feuille de présence ;
- un secrétaire, tenu de rédiger en fin de séance l’original du procès-verbal ;
- un ou plusieurs scrutateurs, s’il y a lieu. Cette fonction consiste à assister le président de séance dans sa mission.
Il résulte de ce texte que si les deux premiers postes se révèlent impératifs, le scrutateur peut être facultatif.
Il est donc impératif de se reporter au règlement de copropriété, qui constitue la « loi des parties ».
Il organise le fonctionnement du syndicat des copropriétaires et peut imposer certaines dispositions lors de la tenue de l’assemblée générale.
Il convient donc de se reporter à cette convention, afin de déterminer si elle impose la présence d’un ou plusieurs scrutateurs lors de chaque assemblée générale.
II. Capacité à agir en annulation d’une assemblée générale au motif du manque d’un scrutateur
Si le règlement de copropriété prévoit la présence de scrutateur(s) au bureau de l’assemblée générale et définit leur nombre exact ou minimum, cela doit être scrupuleusement respecté par le président de séance, faute de quoi l’assemblée générale expose la copropriété à une action judiciaire en annulation dans son ensemble.
Un immeuble en copropriété tient son assemblée générale au cours de laquelle un scrutateur est élu à l’unanimité des copropriétaires présents et représentés.
L’un des copropriétaires ayant voté favorablement cette question, mais s’apercevant a posteriori que le règlement de copropriété impose deux scrutateurs, assigne le syndicat de copropriétaires en nullité de l’assemblée générale.
La Cour de Cassation confirme la décision rendue par la juridiction inférieure dans l’arrêt n° 16 - 28651 du 12 avril 2018 :
« Mais attendu qu'ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, qu'en application de l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants et relevé que la décision désignant un unique scrutateur, en contrariété avec le règlement de copropriété, avait été adoptée à l'unanimité des voix des copropriétaires présents ou représentés dont la SCI, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;»
Les juges font une application stricte de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que toute action contestant une décision d’assemblée générale, et se prescrivant dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale par le syndic, ne peut être introduite que par un copropriétaire opposant ou défaillant. Le copropriétaire qui a engagé l’action en nullité a voté pour la résolution désignant le seul scrutateur.
Si la nullité avait été reconnue, alors toute l’assemblée devait être annulée, et pas simplement la résolution.
Les juges de 1ère instance et d’appel n’ont pas suivi le copropriétaire demandeur qui considérait que « faute d’avoir proposé le vote d’un deuxième scrutateur, la notion d’opposant ou défaillant à une résolution proposée n’a pas de sens ».
Cette décision comporte un double intérêt, celui de souligner l’importance pour :
- le président de séance de détenir le règlement de copropriété, et de connaître les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d’application ayant trait à la tenue de l’assemblée générale. Il ne doit pas hésiter à solliciter, en cas de doute, le syndic s’il est présent ;
- un copropriétaire présent ou représenté de s’opposer à toute question qui lui paraitrait suspecte, s’il envisage une action judiciaire en annulation, afin de ne pas agir en vain.
Une clause du règlement de copropriété désignant à l’avance le président d’assemblée est réputée non écrite
Cet arrêt de la Cour d'appel pose le principe toujours en vigueur 20 ans plus tard.
Impossibilité pour le règlement de copropriété d'imposer à l'avance un président de séance.
L’article 15, alinéa 1er du décret du 17 mars 1967 prévoit que le président est obligatoire dans toute assemblée générale et que c’est cette même assemblée qui a compétence exclusive pour le désigner.
Sa désignation, qui se fait à la majorité simple (majorité des voix des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance), n’a pas besoin d’être prévue à l’ordre du jour de l’assemblée.
Son rôle est stratégique, puisqu’il est chargé de veiller à la régularité de la tenue de l’AG, de diriger les débats, de donner la parole aux copropriétaires, de mettre au vote les résolutions inscrites à l’ordre du jour et de les reformuler si nécessaire (ce qui peut être le cas lorsque certaines résolutions sont amendées), d’interpréter les résultats de vote pour considérer une résolution adoptée ou rejetée et de signer le procès-verbal d’assemblée (de même que le secrétaire, voire le scrutateur s’il en a été désigné un).
Or, bien trop souvent – pour ne pas dire la plupart du temps – les syndics prennent l’initiative de se comporter comme présidents de séance en dirigeant les débats, en comptabilisant les votes et en les interprétant, lors des assemblées générales, alors que son rôle de secrétaire (par défaut) le place en principe au second plan.
La question de l’élection du président de séance peut donc être épineuse et susciter des débats au sein de la copropriété.
La difficulté juridique posée dans cet arrêt de la Cour d’appel de Paris de 1991 concerne la force obligatoire du règlement de copropriété, qui constitue le véritable contrat entre les copropriétaires.
Parfois, son application peut être préjudiciable aux copropriétaires, notamment dans le cas de règlements anciens, qui n’ont fait l’objet d’aucune refonte et dont les clauses, si elles étaient justifiées à l’égard des tous premiers copropriétaires, ne sont plus d’actualité pour les copropriétaires qui leur ont succédé.
Cet arrêt est donc très clair sur l’impossibilité, pour le règlement de copropriété d’imposer à l’avance un président de séance. De même, aucune assemblée générale ne peut l’imposer pour les assemblées ultérieures.