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L’assemblée générale peut réputer non-écrite une clause relative à la répartition des charges du règlement de copropriété.

Catégories Clause illicite du règlement de copropriété Tenue de l'assemblée générale Répartition des charges
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
10 septembre 2020 (19-17.045)
Observations

C'est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur ce sujet. 

Par cet arrêt, la haute juridiction envoie un signal fort.

Principe retenu

L'assemblée générale a le pouvoir de réputer une clause non-écrite. 

 

Analyse de la décision

La grille de répartition des charges fixe la quote-part que doit payer chaque copropriétaire en fonction soit des charges relatives aux services collectifs et éléments d’équipement commun, soit des charges relatives à l’entretien, la conservation et l’administration des parties communes ou spéciales.

Conformément à l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, si la répartition des charges n’est pas conforme aux dispositions légales, alors le syndicat des copropriétaires ou tout copropriétaire peut saisir le juge pour faire constater la clause du règlement de copropriété comme étant réputée non-écrite, c’est-à-dire, comme étant inexistante pour l’avenir.

Cependant, cet arrêt de la Cour de cassation en date du 10 septembre 2020 (n°19-17.045) énonce que l’assemblée générale peut reconnaitre une clause de répartition des charges comme étant non écrite, car contraire aux dispositions légales d’ordre public.

I. L’assemblée générale est habilitée à reconnaitre une clause de répartition des charges comme étant non écrite

Suite à la division d’un lot privatif en plusieurs lots en 1984, la répartition des charges est modifiée. Cette nouvelle répartition est insérée dans le règlement de copropriété; Une décision d’assemblée générale en 2011, déclare cette clause comme étant réputée-non écrite (suppression de cette clause).

Un copropriétaire assigne le syndicat des copropriétaires en annulation de cette résolution. Il évoque à cet effet deux arguments : la prescription de l’action en annulation de la clause du règlement de copropriété, et le fait que seul le juge peut réputer une clause non écrite.

Conformément à l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, « toute clause contraire aux dispositions des articles (…) 6 à 37(…) et celles du décret prises pour leur application sont réputées non-écrites.

Lorsque le juge, en application de l’alinéa précédent répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. »

Le fait que le juge soit mentionné dans cet article supposerait que seul ce dernier soit habilité à réputer une clause non écrite.

C’est d’ailleurs en ce sens que juge de la Cour d’appel : la constatation d’une clause du règlement de copropriété comme étant non écrite ne peut être effectuée que par un juge.

Le raisonnement de la Cour d’appel, revient à nier à l’assemblée générale le pouvoir de prendre de telle décision, alors qu’il s’agit de l’organe souverain de la copropriété.

Cependant, ce n’est pas la position adoptée par la Cour de cassation qui énonce « l’assemblée générale des copropriétaires est l’organe habilité à modifier le règlement de copropriété, l’article 43 n’exclut pas le pouvoir de cette assemblée générale de reconnaitre le caractère non-écrit d’une clause ».

Ainsi, l’assemblée générale ne connait pas de limite à son pouvoir et la Cour de cassation rappelle que cette action en nullité d’une clause illégale est imprescriptible. Il est donc tout à fait possible pour l’assemblée générale de déclarer la clause de répartition des charges adoptée en 1984, illégale en 2011.

Cette clause est d’ailleurs illégale, car elle ne respecte pas les modalités énoncées pour modifier la répartition des charges énoncées par la loi.

II. La modification de la répartition des charges en cas de division des lots

Ce que reproche le syndicat des copropriétaires pour déclarer la clause de répartition des charges non écrite, c’est l’absence d’approbation de l’assemblée générale de cette nouvelle répartition des charges dans le cadre de division des lots.

En vertu de l’article 11 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, « en cas d’aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions d’un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu’elle n’est pas fixée dans le règlement de copropriété, soumise à l’approbation de l’assemblée générale statuant à la majorité de l’article 24.     

À défaut de décision de l’assemblée générale modifiant les bases de répartition des charges dans les cas prévus précédemment, tout copropriétaire pourra saisir le tribunal judiciaire de la situation de l’immeuble à l’effet de faire procéder à la nouvelle répartition rendue nécessaire. »

Ainsi, dans la mesure où la nouvelle répartition des charges résultait de la division des lots, cette modification de la grille des charges aurait dû être votée en assemblée générale, ce qui n’est pas le cas.

De plus, cet article 11 susmentionné est d’ordre public, c’est-à-dire que nul ne peut y déroger. Or, c’est ce qui s’est passé dans cette copropriété.

Dès lors, la clause est illégale, car contraire à l’ordre public, la sanction afférente c’est de la réputer non-écrite. C’est-à-dire de supprimer son existence pour l’avenir.

Ainsi, la Cour de cassation considère qu’ " en statuant que le lot initial disparaissant en cas de division et de nouveaux lots étant créés, une modification du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division est alors nécessaire et que la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu’elle n’est pas fixée dans le règlement de copropriété, soumise à l’approbation de l’assemblée générale, quand bien même le total des quotes-parts des nouveaux lots est égal à celui des lots dont ils sont issus, la Cour d’appel a violé les textes (articles 11et 43 précités)."

En d’autres termes, l’assemblée générale peut déclarer une clause du règlement de copropriété non écrite si elle est contraire à l’ordre public.

Adaptation du règlement de copropriété : la Cour de Cassation accepte le VOTE UNIQUE

Catégories Clause illicite du règlement de copropriété Tenue de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
13 novembre 2013 (12-25.157)
Observations

A noter, l'article 49 de la loi du 10 juillet 1965 a été supprimé par la loi ALUR. Les dispositions ont été reprises intégralement à l'article 24f de la loi du 10 juillet 1965. 

L'article 24f de ladite loi dispose que sont votées à la majorité des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement. La publication de ces modifications du règlement de copropriété est effectué au droit fixe. 

Principe retenu

Si la décision à prendre concerne à la fois des dispositions constituant une simple "adaptation" du règlement et des dispositions constituant des modifications, il est possible de procéder à un vote global sur l'ensemble à la majorité de l'article 26 (la majorité des copropriétaires représentant les deux tiers des voix du syndicat des copropriétaires)

Analyse de la décision

Depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, et l’introduction de l’article 49 à la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires ont la possibilité de décider d’adapter leur règlement de copropriété. L’objectif poursuivit était de « purger » le texte du règlement de ses clauses réputées non écrites, car directement contraires aux textes de loi. Le règlement de copropriété faisait par la suite l’objet d’une approbation en assemblée, par vote unique, sur la base de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, majorité simple des présents et représentés.

Mais voilà, en réalité, dans le cadre d’une adaptation, les copropriétaires en profitent  - et ils ont raison ! - pour améliorer les clauses de leur règlement, par exemple en présentant des clauses sur le protocole de recouvrement des charges, la clause d’harmonie, ou encore le fonctionnement du conseil syndical….clauses qui sont des clauses d’amélioration.

Classiquement, on avait l’habitude de dire que le projet du règlement étant hybride, puisque comportant une adaptation pure du texte et des clauses d’amélioration, il devait faire l’objet de plusieurs votes distincts :

  • Un vote UNIQUE à la majorité  simple de l’article 24 pour toutes les clauses d’adaptation ;
  • Un vote séparé, clause d’amélioration par clause d’amélioration, à la double majorité de l’article 26…Il y avait donc autant de votes que de clauses d’amélioration au projet,

Cette procédure de vote rendait fastidieuse la tenue de l’assemblée, en temps et en coût, obligeant parfois même le syndic à organiser une assemblée extraordinaire tenue spécialement à cet effet (avec le coût que cela engendre)…

Ainsi, face à cette situation, certains syndics n’hésitaient pas à faire voter par un vote UNIQUE, à la fois les clauses d’adaptation et celles relevant de l’amélioration…malgré un risque important de contestation de la part de copropriétaires, ce qui ne manqua pas d’arriver au  syndicat des copropriétaires de la Résidence « Club de Croix Marie » : un copropriétaire a assigné le syndicat en annulation de la résolution N° 14. 

  1. L’apport de l’Arrêt de la Cour de Cassation

 Les copropriétaires demandeurs à l’action en justice ont défendu l’argument selon lequel chaque question devra faire l’objet d’un vote distinct, la question ne pouvant supporter qu’un seul objet (cf article 9 du décret du 17 mars 1967).

Or, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 23/01/2013,  a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel jugeant que, par interprétation, le texte de l’article 49 de la loi du 10 juillet 1965 ne prévoit pas spécifiquement de vote séparé.

Ainsi, dorénavant, les syndics n’auront plus à faire la distinction entre clauses d’adaptation/ clauses d’amélioration, situation qui allongeait à la fois les réunions préparatoires à l’ordre du jour et la tenue de l’assemblée. L’effet de ce jugement facilite grandement le travail des syndics et allège la procédure de vote en assemblée. Cependant, le juge exige que le vote UNIQUE soit proposé à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. 

VOTE UNIQUE oui, mais à la majorité de l’article 26 donc !

  1.  Aller plus loin avec l’ARC …

L’arrêt de la Cour de Cassation ne s’applique que lorsque le projet d’adaptation comporte à la fois de l’adaptation « pure » et des clauses d’amélioration relevant de la majorité de l’article 26. Bien évidemment, s’il ne comporte que des clauses adaptées, la seule majorité de l’article 24 sera suffisante.

De même, si le projet contient des clauses nécessitant un vote à l’unanimité des voix du syndicat (exemple : modification de la destination de l’immeuble, de la qualification des parties communes/ privatives, certaines catégories de charges…), un seul vote sera requis mais à l’unanimité des voix !

La procédure de vote étant facilitée, les adaptations vont être d’autant plus d’actualité.