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Le droit de jouissance d’un copropriétaire sur une partie commune peut concerner une enseigne commerciale et s’acquérir unilatéralement par une prescription trentenaire

Catégories Prescription Définition des parties communes et privatives
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
22 octobre 2020- (19-21.732)
Observations

Nouvelles précisions apportées par cet arrêt. 

Principe retenu

Le droit de jouissance privatif peut s'acquérir au bout de trente ans.

Analyse de la décision

Les initiatives unilatérales de copropriétaires sur les parties communes ne constituent pas des actes isolés et peuvent donner lieu à des contestations judiciaires quant à leur légalité.

Un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2020 apporte un nouvel éclairage sur cette question, via la pose d’une signalétique commerciale sur les parties communes.

I. Modalités légales d’intervention d’un copropriétaire sur les parties communes

Une résidence sise à Paris 1er arrondissement comprend notamment un lot commercial affecté depuis plus de 100 ans à la haute joaillerie, et ce, conformément à la destination de l’immeuble prévue par le règlement de copropriété.

Le propriétaire du lot installe unilatéralement sur la façade du bâtiment une enseigne commerciale à une date incertaine, qui pourrait se situer entre 1953 et 1964.

Une assemblée générale du 9 septembre 2011 adopte un projet de ravalement de la façade intégrant la dépose et la repose de l’enseigne commerciale.

Le propriétaire d’un lot, opposant à cette résolution, invoque judiciairement sa nullité. Il justifie son action sur le fait, que l’intervention légitime du détenteur d’un lot sur une partie commune, telle la façade de l’immeuble, suppose l’autorisation de l’assemblée générale à la majorité des voix du syndicat des copropriétaires selon l’article 25 alinéa b de la loi du 10 juillet 1965.

Or, cet aval impératif faisant manifestement défaut en l’espèce, la présence de cet aménagement privatif se révèle illicite et, ne peut donc être intégré par le syndicat dans le cadre des travaux d’entretien des parties communes.

A cette procédure engagée à l’encontre du syndicat, se joint le propriétaire du lot commercial concerné.

Si les deux premières juridictions judiciaires civiles écartent l’argumentation de ce contestataire (jugement TGI Paris du 18 juin 2013, décision de la cour d’appel de Paris du 17 juin 2015), la Cour de cassation fait partiellement droit à sa demande par un arrêt du 15 décembre 2016, en censurant la présence illicite et inopposable au syndicat de l’enseigne commerciale et renvoyant les parties devant la cour d’appel de Paris.

II. Conditions pour la régularisation exceptionnelle d’une intervention illicite d’un copropriétaire sur les parties communes de l’immeuble

Dans son arrêt n° 17 - 06400 du 15 mai 2019 la cour d’appel de Paris, confirmé par la Cour de cassation dans sa décision n° 19 - 21732 du 22 octobre 2020, suite à un nouveau recours du propriétaire contestataire, entérine la signalétique commerciale sur la façade de l’immeuble.

Ces derniers magistrats assimilent, tout comme leurs homologues de l’instance inférieure, la présence de l’enseigne individuelle sur la façade collective, à un droit de jouissance privatif de son propriétaire (usage exclusif de cette installation personnelle par le détenteur du lot commercial exploité en joaillerie) sur une partie commune.

Or, le droit de jouissance peut aussi bien résulter d’une décision initiale ou ultérieure du syndicat stipulée dans le règlement de copropriété, que d’une situation de fait de plus de trente ans incontestée judiciairement pendant ce laps de temps, comme en l’espèce : «... La cour d'appel a retenu à bon droit qu'un droit de jouissance privatif sur des parties communes est un droit réel et perpétuel qui peut s'acquérir par usucapion et qu'un tel droit peut avoir pour objet l'apposition d'enseignes sur les parties communes de la copropriété. Elle a constaté que la pose d'enseignes en imposte sur les portes cochères n'avait pas été autorisée par l'assemblée générale et que le règlement de copropriété ne contenait aucune stipulation sur ce point.

Elle a relevé que la société R.H.F. avait apposé les enseignes depuis 1964, voire 1953, et avait manifesté, depuis lors, son intention de se comporter en titulaire exclusif du droit de les poser.

Elle en a souverainement déduit, sans qu'il y ait lieu de caractériser une acceptation expresse des copropriétaires, qu'il ne s'agissait pas d'une simple tolérance des autres copropriétaires, mais que cette société, ayant accompli, sans interruption depuis plus de trente ans, des actes caractérisant une possession continue, ininterrompue, paisible, publique et non équivoque, avait acquis, par usucapion, un droit de jouissance privatif réel et perpétuel au maintien des enseignes."

En présence d’un aménagement exécuté illicitement par le propriétaire d’un lot sur les parties communes, la personne morale ou physique qui envisage de faire cesser l’illégalité doit apprécier à juste mesure la nature juridique de l’irrégularité et donc la prescription applicable.

Dans le cas contraire, elle s’expose à engager à l’égard du contrevenant un contentieux long, onéreux et surtout vain.

Les leçons de la Cour de cassation concernant l’approbation des comptes en présence de frais privatifs et la retranscription du procès-verbal

Catégories Procès-verbal Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
15 avril 2015 (14-13.255)
Observations

Cet arrêt est très intéressant en ce qu'il apporte des précisions concernant les frais privatifs imputables à un seul copropriétaire débiteur dans le compte du syndicat des copropriétaires.

En plus de cela, il apporte des informations quant à la retranscription sur le procès-verbal des questions mentionnées dans l'ordre du jour.

Principe retenu

Les frais privatifs imputables à certains copropriétaires doivent apparaitre dans le compte du syndicat des copropriétaires pour que l'approbation des comptes soit valable; 

La transcription de la question sur le procès-verbal de l'assemblée générale n'a pas besoin d'être identique à celle figurant à l'ordre du jour.

Analyse de la décision

Les délibérations des assemblées générales peuvent être contestées conformément à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 sous certaines conditions. En effet, seuls les copropriétaires défaillants ou opposants peuvent contester une délibération de l’assemblée générale.

Les contestataires ont un délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal pour saisir la justice en annulation des délibérations.

Néanmoins, pour pouvoir contester une délibération, il est nécessaire de prouver que la délibération est entachée d’une irrégularité.

Dès lors, pour tout copropriétaire qui souhaite contester une délibération, il est fondamental de savoir si elle est irrégulière ou non. La loi apporte beaucoup d’éléments permettant de déduire si la délibération est régulière ou non.

Par exemple, si la majorité n’est pas la bonne pour l’adoption de la décision, il est possible de contester la décision. Pour d’autres cas, la loi est muette et c’est la jurisprudence qui nous apporte d’importantes indications.

Par cet arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 15 avril 2015 (n°14-13255), des informations précieuses nous sont apportées quant à l’irrégularité d’une délibération concernant l’approbation des comptes en raison de l’absence des frais privatifs relatifs à un seul copropriétaire dans le compte du syndicat des copropriétaires.

Par ailleurs, cette décision précise également les modalités de transcription sur le procès-verbal de la question figurant à l’ordre du jour de l’assemblée générale.

I. Les frais privatifs, imputables aux seuls copropriétaires concernés doivent apparaitre sur le compte du syndicat des copropriétaires.

Suite à l’assemblée générale, des époux copropriétaires contestent judiciairement plusieurs résolutions La première d’entre elles, concerne l’approbation des comptes.

En effet, les copropriétaires considèrent que l’approbation des comptes est irrégulière puisque les frais privatifs imputables à un seul copropriétaire, n’apparaissent pas sur le compte du syndicat des copropriétaires.  

Cette question est très intéressante, car la répartition des charges communes se fait en principe en fonction des tantièmes de chaque copropriétaire. Cependant, la loi du 10 juillet 1965 et le contrat-type du syndic permettent de mettre à la charge d’un seul copropriétaire concerné des frais afférents à certaines demandes comme l’établissement d’un état daté ou la convocation d’une assemblée générale extraordinaire à la demande d’un seul copropriétaire.

En cas de frais privatifs, il est bien précisé que les frais sont imputables au(x) seul(s) copropriétaire(s) concerné(s), de sorte que généralement plusieurs copropriétaires ou membres du conseil syndical s’étonnent de retrouver dans le compte banque du syndicat des copropriétaires cette somme et pensent que le syndic a commis une erreur.

D’ailleurs, la Cour d’appel considère dans cette affaire que ‘les frais de l’assemblée générale du 19 janvier 2009, convoquée à la demande de l’un des copropriétaires constituent une charge personnelle de ce copropriétaire, lui ont été facturés comme tels et n’ont pas à figurer dans l’état des dépenses de la copropriété pour l’exercice 2008-2009. »

Cependant, la Cour de cassation raisonne différemment et énonce : « est entachée de nullité la résolution d’une assemblée générale approuvant des comptes irréguliers (….) les comptes auraient dû faire apparaitre les frais relatifs à la tenue de l’assemblée générale, quand bien même ces frais auraient été supportés par le copropriétaire, à l’initiative de la tenue de cette assemblée. »

Autrement dit, les frais privatifs imputables au(x) seul(s) copropriétaire(s) concerné(s) tel que les frais de mise en demeure en cas de copropriétaire débiteur, les frais d’opposition sur mutation en cas de vente de lot privatifs, doivent impérativement apparaitre dans le compte du syndicat des copropriétaires.

Le cas échéant, les comptes sont irréguliers ! La sentence est forte.

Cela signifie comptablement, que le syndic doit inscrire cette somme au débit du compte du syndicat des copropriétaires, parallèlement l’affecter sur le sous-compte du copropriétaire concerné. Dès que le copropriétaire concerné paie les frais, le syndic doit rembourser le compte du syndicat des copropriétaires.

Ainsi, dans les faits seul le copropriétaire concerné paie les frais, mais il faut impérativement que cette somme apparaisse dans le compte du syndicat des copropriétaires.

II. La transcription de la question sur le procès-verbal d’assemblée générale, n’a pas besoin d’être identique à celle figurant à l’ordre du jour

Les copropriétaires ont également contesté une autre délibération concernant des travaux, au motif que la question inscrite au procès-verbal, n’est pas identique mot pour mot à celle figurant à l’ordre du jour.

La question est donc de savoir si la délibération encourt une nullité si elle n’est pas reproduite telle qu’elle figure à l’ordre du jour.

Cette question est primordiale dans la mesure où elle peut ouvrir la voie à de multiples contentieux et une contestation sans borne des délibérations.

L’article 17 du décret du 17 mars 1967 qui fixe les modalités du procès-verbal prévoit qu’il est établi un procès-verbal de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance par le Président, secrétaire et les éventuels scrutateurs. Le procès-verbal doit contenir les éventuels mandats de vote distribués, l’intitulé de chaque question inscrite à l’ordre du jour, le résultat des votes. Ils précisent le nom et nombre de voix des opposants et abstentionnistes. Ainsi que les éventuelles réserves et les incidents techniques ayant empêché la visioconférence.

En revanche, le texte ne précise pas si l’intitulé des questions inscrites à l’ordre du jour doit être recopié en termes identiques, à défaut, si cela constitue une irrégularité.

C’est donc la Cour de cassation qui est tenue de répondre à cette question. Elle indique alors « qu’aucune disposition n’imposait la stricte identité de rédaction du projet de résolution et du texte définitivement adopté, sauf à nier la liberté de discussion et de vote des copropriétaires lors de l’assemblée générale ».

Autrement dit, il est donc impossible de contester la régularité d’une délibération au motif que la question mentionnée dans le procès-verbal de l’assemblée générale  n’était pas recopiée mot pour mot comme l’ordre du jour.

Néanmoins, il existe une limite importante, en effet, la reformulation de la question ne doit en aucun cas dénaturer l’objet de la résolution.

En conséquence, il est possible de modifier la rédaction de la question à l’ordre du jour sur le procès-verbal tant qu’elle a le même sens que celle mentionnée dans la convocation.

Dès lors, si le sens changerait, il y aurait une irrégularité.

Par ailleurs, la Cour de cassation invoque un élément fondamental de l’assemblée générale : la liberté de discussion. Ainsi, il est reconnu que chaque délibération peut faire l’objet d’un débat entre les copropriétaires. Ce débat et le sens du débat n’ont pas à être mentionnés sur le procès-verbal de l’assemblée générale.

Ainsi, la Cour de cassation apporte de précieuses informations quant à la régularité des résolutions.

L’approbation des comptes ne vaut pas approbation des comptes individuels des copropriétaires

Catégories Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
1er février 2018 (16-26.992)
Observations

Confirmation de la jurisprudence antérieure. 

Principe retenu

L'approbation des comptes ne vaut pas approbation de la répartition individuelle des charges. 

Analyse de la décision

Nous sommes souvent interrogés par des copropriétaires qui sont aussi parfois membres du conseil syndical pour connaître les conséquences de l’approbation des comptes et leurs possibilités de recours en cas de contestation portant sur leur propre situation comptable.

Nous allons reprendre ce que prévoit la loi du 10 juillet 1965 ainsi que le décret du 14 mars 2005 pour ensuite mettre en exergue la récente décision de la Cour de Cassation du 1er février 2018 (16-26992).

I. Un délai pour contester les décisions de l’assemblée générale et un autre pour les copropriétaires

L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit deux délais de recours.

  • Le premier concerne les décisions prises en assemblée générale, assorties d’un délai de contestation très court ouvert aux copropriétaires opposants ou défaillants un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal.
  • Le second concerne les copropriétaires, qui disposent d’un délai plus long de dix ans pour contester les charges qui leur sont imputées ou encore leur répartition.

Par ailleurs, conformément à l’article 8 du décret du 14 mars 2005, les copropriétaires sont amenés à se prononcer au cours de l’assemblée générale sur l’approbation des dépenses de l’exercice en vue de régulariser les excédents, les insuffisances de charges ou de produits.

Ainsi, il s’agit donc d’une décision qui concerne le syndicat de copropriétaires et non directement les copropriétaires.

Par conséquent, même si un copropriétaire approuve les comptes, il reste dans son droit de contester non pas le montant global des charges mais leur répartition, qui a un impact direct sur sa situation comptable.

II. Une décision confirmée par la Cour de cassation

 La Cour de Cassation a censuré sèchement la décision de la Cour d’Appel de Bastia en considérant :

« •  l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967 précise bien que "l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires", ce qui est logique : l’approbation des comptes est un acte entre le syndicat des copropriétaires et le syndic qui présente ses comptes, alors que la répartition des charges relève de l’application du règlement des copropriétaires, contrat entre les copropriétaires et entre les copropriétaires et le syndicat ; dès lors, chaque copropriétaire en tant que partie au contrat est libre de contester l’application qui en est faite par l’autre partie sans qu’on puisse lui opposer un acte ayant eu lieu entre d’autres parties !

•  dès lors que l’action du copropriétaire ne concerne pas une décision de l’assemblée mais une contestation de son compte comme l’article 45-1 lui en donne le droit, la prescription applicable n’est pas celle du 2ème alinéa de l’article 42 mais de son 1er alinéa, à savoir celle s’appliquant aux actions personnelles entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, qui se prescrivent par un délai de dix ans ! »

Par conséquent, cet arrêt est clair l’approbation des comptes ne vaut pas approbation de la répartition des charges.

 

Droit de jouissance et de propriété ne se confondent pas

Catégories Définition des parties communes et privatives
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
14 mars 2019 (17-23.285)
Observations

Lorsqu'un copropriétaire dispose d'un droit de jouissance privatif, la partie sur laquelle il use de ce droit reste une partie commune. 

La notion est difficile à appréhender pour les copropriétaires et les contentieux se sont multipliés ces dernières décennies sur ce sujet. 

Rappelons que la loi ELAN, oblige la mise en conformité du règlement de copropriété qui ne mentionnerait pas l'existence de partie commune à jouissance privative dans son règlement de copropriété, mais qui dans les faits ce droit de jouissance privatif existerait. 

Principe retenu

Le droit de jouissance n'est pas assimilable à un droit de propriété. 

Analyse de la décision

Les copropriétaires éprouvent régulièrement des difficultés pour appréhender la nature juridique de fractions du bâti (parties communes ou privatives), mais également les droits qui leur sont consentis sur celles-ci par le règlement de copropriété.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 mars 2019, rappelle la distinction fondamentale entre la jouissance et la propriété d’un bien immobilier.

I.             Détention d’un lot en copropriété : sources et objet

L’achat d’un bien immobilier dans une résidence en copropriété implique l’existence d’un lot appelé partie privative, c’est-à-dire un local déterminé (stipulé dans l’état descriptif de division, généralement rattaché au règlement de copropriété), auquel est indissociablement rattaché la propriété indivise du gros-œuvre, d’équipements collectifs ou parties communes générales (détenues par tous les copropriétaires), voire spéciales (appartenant uniquement à certaines copropriétaires) selon l’article 1 de la loi du 10 juillet 1965.

Conformément aux principes généraux du droit, le possesseur d’un lot en copropriété a l’usage exclusif de celui-ci, la capacité de le louer ou de le céder (article 544 du Code civil).

Il a pour seules restrictions de se conformer aux prescriptions du règlement de copropriété définissant notamment les parties communes et privatives, ainsi que la destination de l’immeuble, qui peut être exclusivement bourgeoise (habitation), bourgeoise (permettant tout ou partie des professions libérales), mixte (autorisant toutes les activités commerciales ou uniquement certaines d’entre elles).

Il ne doit pas nuire non plus aux droits des autres copropriétaires de jouir librement de leurs parties privatives et des parties communes comprises dans leurs lots (article 9 de la loi du 10 juillet 1965).

II.           Droit de jouissance d’une partie commune : sources et objet

La configuration d’une résidence en copropriété peut conduire le syndicat à octroyer à un lot (transmissible) ou à un propriétaire précis (non transmissible) un privilège particulier, qualifié de jouissance exclusive ou privative sur une partie commune (cour, courette, toiture, terrasse, jardin).

Elle se distingue de la propriété d’un bien immobilier, en ce sens que le bénéficiaire en a un usage précaire, puisqu’il ne peut pas vendre uniquement ce droit d’usage.

Ce droit peut disparaître, soit à l’occasion de la mutation du bien (si la jouissance est concédée nominativement), soit par un modificatif de règlement de copropriété approuvé en assemblée générale, avec impérativement le vote favorable du copropriétaire disposant du droit de jouissance.

Le bénéficiaire de ce droit d’usage n’a la capacité de réaliser certains aménagements superficiels (démontables) que moyennant une autorisation de l’assemblée générale à la majorité des voix du syndicat, dès lors que ceux-ci affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble (article 25 alinéa b de la loi du 10 juillet 1965).

Il doit supporter les menues opérations d’entretien (nettoyage), ainsi que l’intervention des prestataires du syndicat pour les opérations de réfection de la partie commune dont il peut disposer.

En l’espèce dans une copropriété sise dans le sud de la France, le propriétaire d’un lot commercial bénéficiant de la jouissance du jardin contigu et d’un hangar, sollicite et obtient d’une assemblée générale du 28 août 2014 l’autorisation de réaliser à ses frais divers travaux de destructions et de construction sur ceux-ci, dans le cadre du réaménagement de son local commercial.

Un copropriétaire opposant, considérant l’opération comme illicite, notamment pour les aménagements du jardin et du hangar, qu’il considère être une appropriation de partie commune et un changement de destination de l’immeuble, assigne le syndicat en annulation des résolutions litigieuses.

Sa demande est écartée, la Cour d’appel considérant que le jardin et le hangar sont compris dans la composition d’un lot, et étant affectés à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé, sont des parties privatives. Il se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation dans son arrêt n° 17-23285 du 14 mars 2019 infirme la décision rendue par la juridiction inférieure en précisant la nature juridique du jardin (partie commune) et l’illégalité de travaux sur celle-ci par une personne ne disposant pas de la propriété donc du droit d’en disposer, mais simplement d’un droit de jouissance :

« […] Qu'en statuant ainsi (hangar et jardins sont des parties privatives), alors qu'il ressortait de l'état descriptif de division figurant au chapitre II du règlement de copropriété que le lot n° 1 ne comportait que le droit à la jouissance exclusive et particulière du jardin et du hangar y édifié, la cour d'appel, qui a dénaturé les dispositions claires et précises de ce document, a violé le principe susvisé ; ».

Droit de jouissance et de propriété d’un bien immobilier constituent deux notions juridiques distinctes. Le syndicat doit apprécier précisément le projet d’un copropriétaire sur un bien immobilier, notamment s’il concerne une partie commune.

En effet, si l’opération envisagée entraîne l’appropriation de celle-ci, entre autre par une construction, elle suppose préalablement de procéder à la création d’un nouveau lot, par un avenant au règlement de copropriété qui fera ensuite l’objet d’une cession.

Le syndicat des copropriétaires peut consentir un droit de jouissance sur une partie commune à un lot ou à une personne

Catégories Définition des parties communes et privatives
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
06 septembre 2018 (17-22.180)
Observations

Cet arrêt confirme la jurisprudence constante de la Cour de cassation. 

Principe retenu

Tout copropriétaire doit se conformer expressément aux droits accordés par le syndicat sur une partie commune et ne pas confondre un droit d’usage accordé à une personne avec le même droit accordé à un lot.

Analyse de la décision

La configuration d’une résidence peut attiser les velléités de copropriétaires de bénéficier d’un usage exclusif sur une partie commune (terrasse, cour, jardin) contiguë de leur lot.

La Cour de Cassation rappelle dans un arrêt du 6 septembre 2018 la législation applicable.

I. La primauté du règlement de copropriété 

Le règlement de copropriété constitue la « loi du syndicat », c’est-à-dire qu’il fixe librement les parties privatives, les parties communes ainsi que les modalités de jouissance et d’administration de celles-ci, à la seule condition de ne pas enfreindre des dispositions d’ordre public (art. 8 de la loi du 10 juillet 1965).

Autrement dit, le règlement de copropriété a vocation à contenir les éventuels usages exclusifs que détient un lot sur une partie commune. Ce droit exclusif peut donc avoir été octroyé dès l’origine et stipulé tel quel dans ce document. C’est un droit réel.

II. Le rôle accessoire de l’assemblée générale

Le droit de jouissance exclusif sur une partie commune peut également être accordé ultérieurement par le syndicat, moyennant une résolution de l’assemblée générale (art. 17 de la loi de la loi du 10 juillet 1965), adoptée à la double majorité de l’article 26 du même texte.

Une telle décision ne donne pas forcément lieu à un avenant au règlement de copropriété notamment lorsque l’assemblée concède ce privilège à un copropriétaire déterminé et non à un lot. C’est un droit personnel.

Dans cette hypothèse, lors de la mutation du lot, ce droit ne se transmet pas au nouvel acquéreur, il s’éteint avec le départ du vendeur, contrairement à une jouissance privative sur la partie commune qui serait accordée à un lot, transmise au nouvel acquéreur du lot.

A titre exceptionnel, le copropriétaire qui occupe de manière publique et continue pendant trente ans une partie commune peut en revendiquer la jouissance, voire la propriété (art. 2272 du Code civil).

En l’espèce, dans un immeuble parisien, comprenant deux terrasses sur lesquelles le syndicat a consenti un droit de jouissance personnel à deux copropriétaires distinctes, l’une d’elles prétend détenir également l’usage exclusif de l’autre partie commune par une convention (non validée en assemblée générale) et par une occupation de celle-ci pendant plus de 10 ans.

Dans l’arrêt n°17 - 22180 du 6 septembre 2018, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rejette le recours de cette copropriétaire selon sa jurisprudence constante :

« […] Mais attendu qu'ayant relevé que l'assemblée générale du 30 mai 1956 avait autorisé Mme A..., précédente propriétaire de l'appartement, à installer une terrasse et que l'assemblée générale du 14 mai 1985 avait accordé à Mme X... le droit d'usage de la deuxième partie de la terrasse, souverainement retenu que les copropriétaires avaient souhaité octroyer de simples autorisations personnelles aux propriétaires successifs de l'appartement nommément identifiés, de sorte que Mme X... n'avait pu, en acquérant les lots obtenir un droit de jouissance exclusif sur la première partie de la terrasse et constaté, d'une part, que la convention signée le 12 septembre 1985 entre le syndicat des copropriétaires et Mme X... contrevenait aux termes de l'assemblée générale du 12 mai 1985, en ce qu'elle indiquait que le droit de jouissance était attaché aux lots 10 et 11, d'autre part, que Mme X... exerçait une action réelle en revendication d'un droit de jouissance privative, soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que Mme X... ne pouvait se prévaloir que d'un droit personnel et ne pouvait bénéficier de l'usucapion ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé […] »

L’assemblée générale avait autorisée un droit à titre personnel. La convention signée avec le syndicat des copropriétaires avait accordé ce droit de jouissance au lot, cela aurait pu être qualifié de droit réel.

La Cour n’a pas retenu cette convention qui était contraire à ce qui avait été décidée par l’assemblée générale. Par conséquent, le droit personnel ne permettant pas d’acquérir avec le temps, la demande de la copropriétaire a été rejetée.

Tout copropriétaire doit se conformer expressément aux droits accordés par le syndicat sur une partie commune et ne pas confondre un droit d’usage accordé à une personne avec le même droit accordé à un lot.

L’approbation des comptes ne peut pas être annulée en raison de travaux réalisés dans des conditions autres que celles votées en assemblée générale

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
14 mars 2019 (17-26.190)
Observations

Jurisprudence constante en matière d'approbation des comptes. 

Principe retenu

 L’approbation des comptes emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat 

Analyse de la décision

Peut-on demander judiciairement la nullité de l’approbation des comptes au motif qu’ils incluent des travaux qui ont été réalisés dans des conditions autres que celles votées en assemblée générale ?

C’est sur cette question que la Cour de cassation a eu à se prononcer dans un arrêt du 14 mars 2019 (Cass. 3e civ., 14 mars 2019, n° 17-26190).

I. L’objet de l’approbation des comptes est uniquement de constater la régularité comptable et financière des comptes

En l’espèce, un copropriétaire a assigné son syndicat de copropriétaires en annulation d’une résolution ayant approuvé les comptes de l’exercice écoulé, qui comportaient une dépense de travaux.

Or, l’entreprise qui a finalement réalisé les travaux n’est pas celle dont le devis avait été retenu par l’assemblée générale des copropriétaires qui avait voté les travaux.

La Cour de cassation rejette la demande du copropriétaire au motif que :

« L’approbation des comptes emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat ».

Le fait que les travaux n’aient pas été réalisés dans les conditions votées en assemblée générale ne constitue donc pas une irrégularité entraînant la nullité de la délibération incriminée.

L’arrêt n’offre donc pas de possibilité de remettre en cause l’exécution de travaux en passant par une demande d’annulation de la délibération approuvant les comptes.

II. Rappel sur les effets de l’approbation des comptes

Une telle jurisprudence reste conforme à la loi et aux décisions judiciaires déjà rendues en la matière.

Rappelons qu’une approbation des comptes sans réserve a pour effet principal de ratifier les dépenses engagées par le syndic et de valider l’excédent ou le déficit par rapport au budget prévisionnel, avant de le répartir sur les comptes individuels de chacun des copropriétaires.

Le vote favorable a pour conséquence d'interdire toute révision ultérieure des comptes, sauf dans les hypothèses prévues par l'article 1269 du Code de procédure civile « d’erreur, d’omission ou de présentation inexacte ».

Ce principe a été plusieurs fois rappelé par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 avril 1988, n° 86-17431 et 9 novembre 1988, n° 87-13128 ; Cass. 3e civ., 22 mars 1989, n° 87-17329 ; CA d’Aix-en-Provence, 16 mars 1995, n° 83/6277).

Cet article 1269 vient donc très largement réduire les possibilités de remettre en cause l’approbation de comptes lorsqu’elle a été votée, et l’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans ce cadre.

L’approbation des comptes n’a, en revanche, pas d’incidence sur le compte individuel de chaque copropriétaire qui conserve son droit à contester la répartition des charges et donc l’imputation qui en est faite sur son compte individuel, dans la mesure où « l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires » (article 45-1 du décret du 17 mars 1967).

C’est là un principe rappelé par la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans un arrêt récent du 1er février 2018, n°16-26992 (voir notre article intitulé : L’approbation des comptes ne vaut pas approbation des comptes individuels des copropriétaires).

S’agissant des conséquences du refus d’approbation, celui-ci entraîne logiquement le refus de donner quitus au syndic pour sa gestion et la nécessité de soumettre à nouveau les comptes à une délibération ultérieure.

Le droit de jouissance d’une partie commune peut s’acquérir au bout de 30 ans

Catégories Prescription Définition des parties communes et privatives
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
24 octobre 2007 (06-19.260)
Observations

Reconnaissance par la Cour de cassation de cette possibilité. 

Principe retenu

Un droit de jouissance privatif peut s'acquérir au bout de 30 ans s'il est possible de démontrer que le copropriétaire en a eu la jouissance paisible, continue, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire. 

Analyse de la décision

La jurisprudence a eu l’occasion de reconnaître, en l’absence de droit particulier conféré par le règlement de copropriété, qu’un copropriétaire pouvait se prévaloir d’un droit de jouissance privatif sur une partie commune. La plupart du temps, il s’agira d’une partie commune attenante à un lot ou y donnant accès : cour, jardin, terrasse, chemin…

La Cour d’appel a retenu, dans cette affaire, que les copropriétaires du rez-de-chaussée qui utilisaient depuis plus de 30 ans une partie de terrain à titre privatif n’avaient pas pu acquérir pour autant un droit de jouissance par usucapion.

La Cour de cassation, dans son arrêt de 2007, censure le juge d’appel et retient « qu'un droit de jouissance privatif sur des parties communes est un droit réel et perpétuel qui peut s'acquérir par usucapion ».

Le moyen de l’usucapion est en principe utilisé pour faire valoir un droit de propriété, et non un simple droit de jouissance. Or, le droit de jouissance n’est pas un droit de propriété : la partie concernée reste donc bien une partie commune, mais les copropriétaires concernés bénéficient du droit d’en jouir seuls – excluant une jouissance par d’autres copropriétaires – comme s’ils y avaient été autorisés par le règlement de copropriété ou une décision d’assemblée générale.

Le mandat d'un syndic de copropriété peut être révoqué à tout moment, mais ce droit, susceptible d'abus, ne peut être exercé que pour une cause légitime

Catégories Désignation / échéance du contrat / révocation du contrat de syndic
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
27 avril 1988 (86-11.718)
Observations

Depuis le décret du 02 juillet 2020 qui a réformé le contrat de syndic, on ne parle plus de révocation mais de résiliation du contrat de syndic à l'initiative du conseil syndical. 

Principe retenu

Seul un manquement du syndic à ses obligations peut justifier une révocation sans indemnité. 

Analyse de la décision

Conformément à l’article 29 du décret du 17 mars 1967, modifié par le décret du 26 mars  2015, le contrat du syndic doit expressément indiquer sa durée (qui ne peut pas excéder trois ans), ainsi que les dates calendaires de prise d’effet et d’échéance.

C’est un contrat à durée déterminée, qui est censé se poursuivre jusqu’à son terme.

Mais en pratique, les copropriétaires sont souvent confrontés à des difficultés plus ou moins graves, liées à la gestion de la copropriété faite par leur syndic.

Face à ces difficultés, qui paralysent parfois le fonctionnement de la copropriété, les copropriétaires peuvent vouloir remplacer rapidement le syndic en exercice, sans avoir à attendre la fin de son mandat.

La révocation n’est pas un non-renouvellement du contrat du syndic en cours, mais il s’agit d’une rupture anticipée de son contrat.

Cette révocation est décidée à la majorité absolue de l’article 25 et si un nouveau syndic est désigné en assemblée pour entrer en fonction avant la fin du contrat de son prédécesseur, ce dernier est automatiquement révoqué (article 18-V, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965).

Mais parfois, les syndics vont jusqu’à saisir un juge, non pas pour contester leur révocation, mais pour demander à être indemnisés lorsque leur contrat a été rompu de manière anticipée.

Pour cela, ils font valoir que leur révocation par l’assemblée était abusive.

Dans ce cas, le syndic ne peut pas se faire justice lui-même en facturant des honoraires pour la période postérieure à sa révocation (Cour d’appel de Paris, 19e ch. A, 30 septembre1998, n° 1996/16113) ; mais il peut prétendre à une indemnité dans le cadre d’une action en justice.

La jurisprudence considère que seul un manquement du syndic à ses obligations peut justifier une révocation sans indemnité.

En l’absence d’un motif légitime, le syndic peut prétendre à être indemnisé par le syndicat.

Il est donc nécessaire pour le syndicat des copropriétaires, notamment à travers le conseil syndical, d’anticiper tout contentieux et de conserver toutes les preuves des manquements du syndic et de mentionner ces griefs dans la résolution d’assemblée relative à sa révocation.

Invoquer une simple rupture de confiance n’est pas suffisant.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris a même considéré abusive la révocation d’un syndic qui n’avait pas pu présenter sa défense devant l’assemblée générale (Cour d’appel de Paris, 12 janvier1990, Rev. Administrer, janv.1991, p.65).

En revanche, ont été retenus comme motifs légitimes, par exemple le fait que le syndic engage des travaux sans autorisation d’assemblée générale et en contradiction avec une résolution imposant la tenue d’une assemblée générale extraordinaire (Cour d’appel de Paris, 23e ch. A, 6 novembre 1996, n° 95/11679), ou encore le fait que l’un de ses préposés a reçu des mandats de vote (14 en tout) pour représenter des copropriétaires en assemblée générale alors que l’article 22 de la loi de 1965 l’interdit (Cass., 3e civ., 7 mai 2014, n° 12-26426).

Si révoquer le syndic n’est pas suffisant et que le préjudice est important, la copropriété peut aller plus loin en agissant en responsabilité contre le syndic, en vue d’obtenir des dommages et intérêts.

Un droit de jouissance exclusive sur des parties communes n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot

Catégories Définition des parties communes et privatives
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
06 juin 2007 (06-13.477)
Observations

Jurisprudence constante.

Pour un autre exemple : Le droit de jouissance privatif n'est pas assimilable à un droit de propriété

 

Principe retenu

Le droit de jouissance privatif sur une partie commune n'est pas un droit de propriété. 

Analyse de la décision

Très souvent, les copropriétés sont dotées de jardins, cours, combles, terrasses, balcons, attenants à certains lots.

Pour en connaître la nature précise, à savoir partie privative ou commune, il faut s’en référer au règlement de copropriété qui doit définir ces catégories.

Il arrive que les règlements, parfois anciens et non modifiés, soient silencieux concernant certaines parties.

L’article 3 de la loi de 1965 présume, dans le silence du règlement de copropriété, certaines parties de l’immeuble comme communes, telles que le sol, le gros œuvre, les cours, les jardins, les voies d'accès, le droit de surélever un bâtiment affecté à l'usage commun, le droit de construire afférent aux parties communes… On peut noter ici que certaines parties, qui donnent pourtant lieu à nombre de litiges, comme les balcons ou les combles, ne sont pas mentionnées dans cette liste. Ces litiges donnent lieu à l’appréciation des juges au cas par cas en fonction de certains critères, liés souvent à la configuration des lieux et aux modalités d’accès à ces parties.

Un élément de complexité s’ajoute lorsque le règlement de copropriété consent à certains copropriétaires un droit de jouissance privatif sur des parties communes.

L’adjectif « privatif » peut être trompeur : il ne s’agit pas de reconnaître au copropriétaire concerné un droit de propriété sur cette partie (balcon, terrasse, cour, jardin…), celle-ci n’étant pas incluse dans son lot privatif. Il s’agit seulement de lui en donner l’usage exclusif, donc à l’exclusion des autres copropriétaires, sauf à ce que plusieurs d’entre eux bénéficient du même droit sur la même partie (par exemple l’usage de sanitaires communs situés sur un palier par les résidents de l’étage concerné).

La jurisprudence a maintes fois rappelé que le droit de jouissance privatif n’est pas un droit de propriété : le copropriétaire qui en bénéficie ne peut donc pas prendre les initiatives que pourrait prendre un propriétaire, telle que l’annexion de cette partie (comble, couloir…), la réalisation de travaux sur cette partie, sa transformation, sa vente…

Par exemple, en matière de travaux, il a été jugé que la construction d’une véranda par un copropriétaire sur un terrain sur lequel il bénéficie d’un droit de jouissance devait être autorisée par l’assemblée à la double majorité de l’article 26 de la loi de 1965, dans la mesure où elle est réalisée sur une partie commune (Cass., 3e civ., 8 novembre 2006, n° 05-19757), même si la construction d’une véranda légère et dépourvue de fondations a été admise par la Cour d’appel de Paris (CA de Paris, 23e ch. B, 5 novembre 1993, n° 92/012058).

Comme nous le verrons, l’action du syndicat des copropriétaires pour revendiquer la partie commune et faire démolir la construction irrégulière peut être exercée pendant 30 ans.

Mots clés associés

Un syndic révoqué sans justification peut prétendre à une indemnisation

Catégories Désignation / échéance du contrat / révocation du contrat de syndic Rémunération du syndic
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
08 mars 2018 (17-12.506)
Observations

L'ordonnance du 30 octobre 2019 est venue apporter une modification sur la révocation du syndic. Si le nouveau syndic est élu dans les trois mois précédant le terme du mandat du syndic en place, le syndic ne pourra réclamer une indemnité. 

Principe retenu

La révocation du syndic sans justification peut exposer le syndicat à une action judiciaire en indemnisation

Analyse de la décision

Lorsqu’une copropriété mécontente souhaite se séparer rapidement de son syndic, elle ampute parfois la durée contractuelle initiale de son mandat lors de la mise en concurrence de son syndic.

En effet, il peut arriver que l’assemblée générale se déroule avant la fin initialement prévue du mandat du syndic sortant, qui ne mène alors pas son mandat jusqu’à son terme.

Dans un arrêt du 8 mars 2018, la Cour de Cassation rappelle le cadre légal applicable en pareil cas, si la révocation est possible (I) elle reste soumise à conditions (II).

I. La révocation d’un mandat de syndic est autorisée par la loi

L’assemblée générale désigne souverainement son syndic, selon la proposition de contrat annexée à sa convocation (art. 29 du décret du 17 mars 1967), qui doit notamment déterminer :

  • sa durée de mandat, avec ses dates calendaires de prise d’effet et d’échéance ;
  • sa rémunération correspondante pour cette période.

L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, complété par la loi A.L.U.R. du 24 mars 2014, prévoit maintenant que la nomination d’un nouveau syndic en assemblée générale avec date de prise d’effet immédiate vaut révocation du mandat de syndic en cours, c’est-à-dire la rupture anticipée de son contrat.

Cette révocation est automatique et ne nécessite pas une résolution particulière.

Le point n°3 du contrat type de syndic dispose pour sa part que la révocation doit être fondée sur un motif légitime.

II. La révocation doit être légitime pour ne pas exposer le syndicat à une action judiciaire en indemnisation

Si la nouvelle rédaction de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 autorise de facto la révocation d’un syndic, en cas d’élection en assemblée générale d’un nouveau syndic avec prise d’effet immédiate de son mandat, les principes généraux du droit des contrats doivent néanmoins être respectés.

L’article 1217 du Code Civil prévoit notamment qu’une partie lésée par l’inexécution de la convention qui les lie peut poursuivre son cocontractant défaillant en réparation de son dommage matériel, donc financier.

L’attribution de dommages et intérêts se fera alors par voie judiciaire, l’ancien syndic ne pouvant décider seul de la somme qui lui reviendrait pour une rupture du contrat qu’il considérerait comme abusive.

Ce principe a donc été repris dans le contrat type de syndic.

C’est ce que rappelle la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt n° 17 - 12506 du 8 mars 2018 :

« Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Nice, 7 décembre 2016), rendu en dernier ressort, le Cabinet SAFI a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble C.M. en indemnisation de son préjudice du fait de la révocation anticipée de son contrat de syndic à durée déterminée ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, le jugement retient qu’une mise en concurrence normale intervenant pendant l’exercice du mandat a entrainé le terme immédiat des fonctions du Cabinet SAFI, pour en déduire qu’il ne peut plus percevoir d’honoraires postérieurement à cette date ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le Cabinet SAFI avait commis un manquement à ses obligations de nature à justifier sa révocation sans indemnité, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs Casse et annule… »

Le syndicat des copropriétaires - qui nomme en assemblée générale un nouveau syndic avec date de prise d’effet immédiate, révoquant donc le mandat en cours - doit donc constituer un dossier solide (courriels réitérés, télécopies, lettres recommandées, mises en demeure…) attestant des carences manifestes de son syndic.

Ainsi, il disposera, en cas d’action judiciaire, de preuves démontrant que la rupture anticipée de son contrat de syndic était parfaitement justifiée (caractère non abusif), et que celui-ci ne peut donc pas prétendre à la moindre indemnité pour cette révocation légitime.  

Conseil :

Si la copropriété met fin au contrat de son ancien syndic quelques jours avant son échéance, les risques d’une action judiciaire pour rupture abusive du contrat sont faibles. C’est pourquoi nous préconisons de limiter le mandat à 12 mois et de refuser un contrat de 18 mois très engageant.

S’il est mis fin au contrat en plein milieu du mandat, il faut alors détenir des éléments tangibles et solides prouvant les fautes du syndic, il ne s’agit pas de procéder à une révocation pour bénéficier d’un tarif plus attractif, ou parce que le syndic n’a pas répondu à quelques emails.