L’assemblée peut accorder un droit de jouissance à titre précaire d’une partie commune à la majorité de l’article 24 selon la Cour de Cassation
Cet arrêt confirme la jurisprudence antérieure.
L'accord d'un droit de jouissance privatif sur une partie commune temporaire peut se voter en assemblée générale à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
L’usage exclusif d’une partie commune peut être consenti par le syndicat à un copropriétaire déterminé dès l’origine de la copropriété ou postérieurement.
Les juridictions civiles ont dégagé, lorsque ce privilège est octroyé à titre précaire, une jurisprudence, qui bien qu’établie (arrêt confirmatif de la Cour de Cassation du 5 avril 2018), n’en demeure pas moins particulière.
I. Le principe : le droit de jouissance sur une partie commune est soumis à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965
Le syndicat des copropriétaires peut accorder un droit de jouissance privatif sur une partie commune, soit à un lot (ce qui le rend transmissible au nouvel acquéreur), soit à un copropriétaire spécifique (qui donc s’éteint lors de la mutation du lot).
Ce droit de jouissance s’entend d’un usage exclusif sur une partie commune, propriété de l’ensemble des copropriétaires (parties communes générales) ou uniquement de certains d’entre eux (parties communes spéciales) selon le règlement de copropriété.
Il en résulte, que sauf décision ou stipulation contraire, le bénéficiaire assure les opérations de maintenance (nettoyage), les travaux d’entretien (réparations) demeurant à la charge de tous les copropriétaires (parties communes générales) ou simplement d’une fraction du syndicat des copropriétaires (parties communes spéciales).
Enfin, ce privilège peut être consenti par le syndicat :
- depuis l’origine, moyennant une clause du règlement de copropriété ;
- postérieurement, par l’adoption d’un modificatif au règlement de copropriété, voté en assemblée générale à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 (alinéa a) et publié au service foncier.
Le retrait de ce droit de jouissance est soumis aux mêmes conditions, avec impérativement le vote favorable du bénéficiaire.
II. L’exception : le droit de jouissance sur une partie commune peut relever de la majorité de l’article 24, s’il est consenti à titre précaire
Parallèlement à ce régime restrictif, les juridictions civiles ont admis, par une interprétation élargie de la loi du 10 juillet 1965, la capacité du syndicat d’octroyer à un résident (copropriétaire, voire son locataire) un dispositif « allégé » de jouissance privative de parties communes.
Ce privilège accordé à titre précaire se manifeste par :
- une décision à la majorité relative de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, en ce qui concerne son octroi ou son retrait, sans nécessité d’avenant au règlement de copropriété établi par un notaire ;
- l’impossibilité pour son bénéficiaire de pouvoir s’opposer à sa rétractation ou d’y poser un aménagement privatif autre que démontable, c’est-à-dire sans la moindre emprise (fondation) au sol.
En l’espèce, une résidence en copropriété à destination mixte sise sur la commune de Chamonix décide notamment lors d’une assemblée générale du 27 avril 2013, d’accorder un droit de jouissance précaire à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
Il s’agit de permettre, pour une durée d’un an (moyennant une redevance trimestrielle de 100 euros, dont le renouvellement est soumis à autorisation de l’assemblée générale) l’installation d’une terrasse, sur un tronçon de parties communes (parking extérieur), par le locataire d’un local commercial affecté à la restauration rapide.
Un copropriétaire assigne le syndicat en annulation de cette résolution et en remise en état des lieux. Il considère que la majorité appliquée n’est pas celle qui aurait dû l’être.
Le T.G.I. de Bonneville ayant accueilli partiellement sa demande (annulation de la résolution pour majorité illicite, sans néanmoins prononcer la remise en état des parties communes), un appel est exercé à l’encontre du syndicat.
La Cour d’Appel de Chambéry infirme la décision de première instance. Les juges déclarent licite la résolution du syndicat ayant accordé un droit de jouissance à titre précaire à la majorité de l’article 24.
Le copropriétaire débouté se pourvoit en cassation. La Cour de Cassation dans son arrêt n° 17 - 14138 du 5 avril 2018 confirme la décision rendue par la juridiction inférieure :
« Mais attendu qu’ayant relevé que l’occupation de parties communes, consentie par la résolution attaquée à titre précaire et sur une surface déterminée, était révocable et que la terrasse installée par la société Le Rencard était démontable, la cour d’appel […] a exactement retenu que la décision relevait de la majorité prévue à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 […] »
Les juges considèrent donc que nous sommes en présence d’un acte d’administration et pas d’un acte de disposition de parties communes et confirme l’arrêt de cassation n°09-13090 du 2 mars 2010.
Si la majorité requise pour accorder un droit de jouissance sur une partie commune à un copropriétaire ou locataire peut être celle de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, ce régime dérogatoire dégagé par la jurisprudence est soumis à des conditions restrictives impératives. Il ne faut aucune appropriation de la partie commune par le bénéficiaire mais une simple utilisation temporaire.
Autrement dit, le syndicat ne peut pas appliquer systématiquement cette majorité allégée à toute demande de droit de jouissance, au risque de s’exposer dans ce cas, à un contentieux judiciaire, long, onéreux et défavorable.