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Le syndic ne peut diligenter de sa propre initiative que des travaux urgents

Catégories Inexécution ou mauvaise exécution du mandat de syndic / responsabilité du syndic Missions du syndic Travaux urgents
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
23 janvier 2020 (18-21.357)
Principe retenu

Le syndic n'est habilité qu'à exécuter les travaux urgents. Dans le cas contraire, le syndicat des copropriétaires peut engager sa responsabilité et demander la réparation du préjudice subi.

Analyse de la décision

Le syndic est l’organe exécutif du syndicat des copropriétaires, il en est le gestionnaire et le mandataire.

A ce titre, il a un certain nombre de missions définies à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, dont celle d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Autrement dit, il existe une dérogation à l’absence de pouvoir décisionnaire du syndic : l’initiative de l’exécution des travaux urgents. Cette initiative est soumise à une procédure strictement encadrée. En effet, l’article 37 du décret du 17 mars 1967, dispose que le syndic doit en informer tous les copropriétaires, puis convoquer immédiatement une assemblée générale.

Mais, que se passe-t-il si le syndic décide d’exécuter des travaux qui ne répondent pas au critère de l’urgence, sans autorisation de l’assemblée générale?

Dans un arrêt du 23 janvier 2020 n° 18-21357, la Cour de cassation rappelle que le syndic ne peut engager de sa propre initiative que des travaux urgents et qu’à défaut le syndicat des copropriétaires peut demander la réparation du préjudice subi.

I. Le syndic ne peut diligenter que des travaux urgents que de sa propre initiative

Suite au départ en retraite d’un couple de gardiens, le syndic fait procéder à une rénovation de la loge, devenue selon lui nécessaire. Ces travaux sont diligentés sans autorisation préalable de l’assemblée générale et sont réalisés pour un montant de 42 010€

Le syndicat des copropriétaires assigne en justice le syndic pour demander réparation du préjudice subi, suite à l’exécution des travaux qu’il considère comme non-urgents.

Conformément à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, il entre dans les missions du syndic de réaliser les travaux urgents.

D’ailleurs, soulignons que si le syndic refuse d’effectuer les travaux rendus nécessaires par l’urgence, il engage sa responsabilité. C’est une décision de la Cour de cassation en date du 10 janvier 2012 (n°10-26.207) qui a dégagé ce principe.

Reste donc à savoir, ce qui est considéré comme travaux urgents : il y a urgence lorsqu’en lui-même, le défaut de réaction rapide entrainerait un préjudice imminent, ce qui empêche la convocation préalable d’une assemblée générale.

Or, dans cet arrêt, il est question de travaux de peinture de la loge du gardien. La Cour de cassation confirme qu’il ne s’agit pas « d’une situation d’urgence pour la sauvegarde de l’immeuble ».

Dès lors, la Cour de cassation considère que le syndic a commis une faute en engageant des travaux de sa propre initiative, alors que ces travaux n’étaient pas urgents. Ainsi, la faute « consiste en un engagement de dépense irrégulier, qui a causé un préjudice au syndicat, qui a été contraint de payer ces dépenses non choisies tant dans leur principe que dans leur montant ».

Ainsi, si le syndic engage des travaux considérés comme non-urgents, il engage sa responsabilité vis-à-vis du syndicat des copropriétaires.

II. Indemnisation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires

Le syndic qui a commis une faute dans l’exercice de sa mission, engage sa responsabilité vis-à-vis du syndicat des copropriétaires.

Dans cet arrêt, le syndic tente de s’exonérer de sa responsabilité en invoquant que la demande émanait du conseil syndical.

Or, le conseil syndical ne dispose pas de pouvoir décisionnaire, seul le syndicat des copropriétaires réuni en assemblée générale dispose du pouvoir décisionnaire.

A titre exceptionnel, le conseil syndical dispose de pouvoir décisionnaire si et seulement si l’assemblée générale lui a délégué le pouvoir de réaliser des travaux ou si à compter du 1er janvier 2021, il dispose d’un mandat de pouvoir élargi.

En dehors de ces conditions, il est important de rappeler que le conseil syndical ne dispose d’aucun pouvoir décisionnaire.

Dès lors, le syndic ne peut se retrancher derrière une telle raison, d’autant plus qu’en tant que professionnel, il doit connaitre les textes relatifs à la copropriété.

Ainsi, le syndic est condamné au paiement d’une somme au titre du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires.

La Cour d’appel décide de condamner le syndic à hauteur du montant des travaux réalisés.

Le syndic conteste ce montant, en indiquant que les juges n’avaient pas pris en compte l’avantage que le syndicat des copropriétés avait tiré de la rénovation de la loge du gardien.

Autrement dit, pour le syndic, il faut déduire du montant des travaux, l’avantage que le syndicat des copropriétés obtient du fait des travaux irrégulièrement exécutés.

Cependant, la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel, et affirme le principe selon lequel la réparation d’un dommage doit être intégrale et ne peut excéder le montant du préjudice.

En conséquence, la Haute juridiction refuse de prendre en compte l’avantage tiré de la réalisation illégale des travaux pour diminuer le montant accordé au syndicat des copropriétaires.

En effet, cela reviendrait à entériner les travaux réalisés par le syndic et à diminuer sa responsabilité.

Coresponsabilité du syndicat et du syndic pour défaut de conservation d’une partie commune (toiture)

Catégories Inexécution ou mauvaise exécution du mandat de syndic / responsabilité du syndic Responsabilité / absence de responsabilité du syndicat des copropriétaires
Juridiction
Cour d'appel de Paris
Référence
30 janvier 2019 15-15805
Observations

Jurisprudence constante.

 

Principe retenu

Par sa mission de conservation et entretien des parties communes, le syndic doit veiller au bon état de l'immeuble, s'il manque à cette obligation, sa responsabilité peut être engagée si un dommage survient. 

Sa responsabilité peut donc être engagée au même titre que celle du syndic. 

Analyse de la décision

L’entretien des parties communes et des équipements collectifs peut connaître des insuffisances préjudiciables pour le syndicat de copropriétaires et le syndic.

Les copropriétaires et le syndic ne doivent pas ignorer les effets d’une telle carence en cas de survenance d’un sinistre, comme le rappelle un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 janvier 2019.

I. La conservation des parties communes et des équipements collectifs est obligatoire

La conservation des parties communes et des installations collectives incombe au syndicat des copropriétaires comme le précise l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Les copropriétaires supportent les opérations de maintenance courantes qui relèvent du budget prévisionnel de fonctionnement.

Ils doivent aussi décider, lors des assemblées générales, des travaux plus importants de réparation ou de rénovation.

Ces travaux sont proposés dans l’ordre du jour de l’assemblée générale et la convocation doit comporter les éléments essentiels (devis, descriptifs techniques…) pour des travaux conséquents.

Pour sa part, le syndic, en qualité de mandataire est chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien.

Cela signifie qu’il doit notamment mandater les opérations de maintenance ou les interventions conservatoires pour contenir un désordre issu des parties communes, d’équipements collectifs et proposer à l’assemblée générale les travaux nécessaires en cas de sinistre dont la cause est une partie commune défaillante ou vétuste.

L’article 14 de la loi du 10 juillet dispose aussi que : « Le syndicat des copropriétaires  est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».

II. Responsabilité du syndicat des copropriétaires et du syndic pour défaut d’entretien de parties communes

Malheureusement, certaines résidences peuvent se voir affectées par des désordres émanant fréquemment de parties communes vétustes en raison du refus de copropriétaires de réaliser les réfections appropriées et d’un syndic complaisant.

En l’espèce, l’appartement d’une propriétaire bailleresse subit des dégâts des eaux sur plusieurs années provoqués par la toiture dégradée de l’immeuble, à tel point qu’il est inhabitable.

Elle sollicite de deux précédents syndics professionnels, qui se succèdent durant ce sinistre, les actions indispensables : mesures conservatoires et présentation des travaux de rénovation appropriés à l’assemblée générale.

En raison d’une réfection tardive de la toiture, ayant empêché pendant 16 mois toute location de son bien fortement endommagé, la victime décide d’assigner en réparation de son préjudice le syndicat des copropriétaires et ces deux syndics professionnels sur le fondement des articles 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965.

La Cour d’appel de Paris dans son arrêt n° 15 - 15805 du 30 janvier 2019 reconnaît ces responsabilités :

« […] Relevant que seule la toiture de l’immeuble se trouvant au-dessus de l’appartement et présentant des défaillances telles qu’elles rendaient nécessaire la pose renouvelée de bâches, le tribunal a exactement énoncé que les dégâts affectant l’appartement de Mme L. avaient pour origine la toiture partie commune mal entretenue par le syndicat des copropriétaires dont la responsabilité se trouve engagée au titre de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965. Le jugement sera confirmé en ce que la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires a été retenue …

Les premiers juges ont exactement énoncé, que la société F. (syndic précédent), en ne procédant ni à la déclaration des sinistres auprès de l’assureur de la copropriété, ni à l’inscription de projets de travaux et de demande de devis pour les assemblées générales, ni à aucune investigation pour connaitre la cause des sinistres, a commis une faute dans la gestion des désordres affectant l’appartement de Mme L. et ayant pour origine une partie commune de l’immeuble dont elle avait la charge de l’administration ;

Le jugement sera confirmé en ce que la société F. a été condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires des condamnations mises à sa charge…

Les premiers juges ont exactement retenu que la société A. (syndic antérieur) a fait procéder de sa propre initiative à des travaux d’une ampleur limitée mais urgents à deux reprises, conformément à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir engagé de plus amples travaux dans la mesure où les travaux de couverture finalement exécutés en 2010 se sont élevés à plus de 80000 €, somme que le syndic n’aurait pas pu engager au nom de la copropriété de son propre chef.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société A., aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle ne pouvant être retenue…

La cour condamne le syndicat à payer au copropriétaire 248 € de frais d’huissier, 5888 € de dépenses travaux de peinture et de revêtement de sol et 14946 euros de perte de loyer pour une période de 16 mois [] »

En cas de défaillance d’un syndic, face à des désordres causés par la vétusté de parties communes, le conseil syndical ne doit pas hésiter à le relancer tant que de besoin jusqu’à ce qu’il fasse voter les travaux nécessaires.

A défaut, il faut envisager de changer de syndic, à plus forte raison si cela cause un préjudice à un résident ou à un copropriétaire.

Les comptes des copropriétés : la Cour de Cassation donne raison à un copropriétaire qui entendait faire respecter les règles

Catégories Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
05 février 2014 (12-19.047)
Observations

Les règles comptables sont régies par la loi du 10 juillet 1965, le décret du 17 mars 1967 ainsi que l'arrêté et le décret comptable du 14 mars 2005. 

Principe retenu

Les charges et les produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès leur engagement juridique par le syndic indépendamment de leur règlement. 

Analyse de la décision

I. Quand les syndics ne respectent pas les obligations comptables

Nous ne comptons plus, à l’ARC, les documents comptables soumis aux assemblées générales et qui ne respectent pas la réglementation comptable applicable aux copropriétés, beaucoup de syndics ne s’embarrassant pas avec les (nombreuses) obligations en la matière.

Et c’est ainsi que les deux principes fondamentaux que sont la comptabilité d’engagement et la séparation des exercices sont souvent bafoués, fréquemment par facilité mais aussi parfois par ruse pour arranger le résultat d’un exercice difficile à justifier.

Les copropriétaires qui votent contre l’approbation de tels comptes sont la plupart du temps minoritaires et sont tout simplement méprisés par les syndics qui voient leurs comptes approuvés à la majorité des copropriétaires présents et représentés. Mais un copropriétaire opiniâtre vient de montrer que l’on ne peut pas toujours faire n’importe quoi sans jamais avoir à en rendre compte…

II. La Cour de Cassation… casse

Le syndic en question avait omis de comptabiliser, dans les produits d’un exercice, une indemnité judiciaire obtenue dans un jugement rendu au cours de l’exercice, au motif qu’elle ne serait payée que sur l’exercice suivant.

La Cour d’appel avait cru bon de valider les comptes tels quels.

La Cour de cassation a sèchement remis les choses à leur juste place (Cass. 3ème Civ. 5 février 2014, n°12-19047) : « les charges et produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès leur engagement juridique par le syndic, indépendamment de leur règlement ». Elle a donc cassé l’arrêt d’appel et donné raison au copropriétaire qui demandait l’annulation de la résolution d’approbation de ces comptes.

Qu’on se le dise : un copropriétaire isolé peut faire valoir le droit et faire annuler une approbation de comptes non conformes aux obligations comptables.

Autrement dit, un exercice doit comporter TOUTES les charges et TOUS les produits de cet exercice, qu’ils soient ou non payés / encaissés, et seulement ces charges et ces produits.

III. Les textes, chers professionnels, les textes

La Cour de cassation renvoie donc les syndics aux textes légaux et réglementaires qu’elle a cités pour justifier sa décision :

Extraits de l’article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965 (non modifié par la loi ALUR) :

Les comptes du syndicat comprenant le budget prévisionnel, les charges et produits de l'exercice, la situation de trésorerie, ainsi que les annexes au budget prévisionnel sont établis conformément à des règles comptables spécifiques fixées par décret. Les comptes sont présentés avec comparatif des comptes de l'exercice précédent approuvé.

Les charges et les produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès leur engagement juridique par le syndic indépendamment de leur règlement. L'engagement est soldé par le règlement. […]

Article 2, alinéa 2 du décret du 14 mars 2005 :

En application de l'article 14-3 de la même loi, sont rattachés à l'exercice les produits acquis (produits reçus et à recevoir) et les charges supportées (charges réglées et à régler) au titre de l'exercice.

Compte bancaire séparé : un arrêt de justice sans conséquence

Catégories Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
12 mai 2016 (15-12.575)
Observations

Précision quant aux règles comptables et à l'ouverture d'un compte bancaire. 

Principe retenu

Aucune violation de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 ne peut être caractérisée lorsque les sommes reçues au nom du syndicat des copropriétaires transitent par le compte du syndic avant d'être transférés sur le compte séparé ouvert au nom du syndicat des copropriétaires. 

Analyse de la décision

Un récent arrêt de la Cour de Cassation du 12 mai 2016 (15-12.575) a jugé que le contrat de syndic ne pouvait être annulé au motif que ce dernier a fait transiter sur son compte bancaire des sommes appartenant au syndicat alors que ce dernier disposait d’un compte bancaire séparé.

Certains observateurs et syndics se sont « frotté les mains » en supposant que même en présence d’un compte bancaire séparé, le syndic pouvait tout de même déposer pendant un « certain temps » (ou plutôt dirons-nous un temps certain) les fonds sur son compte bancaire global avant de les reverser sur le compte séparé de la copropriété.

Nous allons cependant expliquer pourquoi, depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 cette décision ne peut pas être considérée comme un arrêt de principe.

Les obligations et les sanctions en matière de compte bancaire séparé en vertu de l’ancienne version de la loi du 10 juillet 1965

L’affaire concernée par cet arrêt judiciaire remonte à novembre 2010, soit quatre ans avant l’entrée en vigueur de la loi ALUR.

L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, avant d’être modifié par la loi ALUR, prévoyait dans son septième alinéa  l’obligation suivante : « le syndic est chargé (…) d’ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom et pour le compte du syndicat. (... )La méconnaissance par le syndic de cette obligation emporte la nullité de plein droit de son mandat à l’expiration du délai de trois mois. »

Cet article prévoit que la sanction peut être prononcée uniquement en cas de non-respect de cette obligation : il s’agit donc de la première obligation citée qui concerne l’ouverture du compte bancaire séparé.

C’est donc sur ce fondement légal que la haute juridiction a jugé que la faute commise par le syndic de faire transiter les fonds du syndicat des copropriétaires sur son compte bancaire n’entraînait pas pour autant la possibilité de prononcer judiciairement la nullité du contrat de mandat.

L’ article 18 après l’entrée en vigueur de la loi ALUR

La loi ALUR a, en 2014, modifié de façon importante la loi du 10 juillet 1965 et plus particulièrement l’article 18.

En l’occurrence, elle a repris les obligations en matière de compte bancaire séparé en rajoutant cette fois-ci que « la méconnaissance par le syndic de ces obligations emporte la nullité de plein droit de son mandat à l’expiration du délai de trois mois suivants sa désignation. »

Le législateur a donc voulu étendre la sanction de la nullité du contrat, non pas à la seule obligation relative à l’ouverture du compte bancaire séparé, mais à toutes celles citées avant l’énonciation de la sanction :

  1. l’ouverture dans un établissement bancaire d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat ;
  2. le versement sans délai de toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat ;
  3. le fait que le compte bancaire ne peut faire l’objet ni d’une convention de fusion ni d’une compensation avec tout autre compte ;
  4. le fait que les éventuels intérêts produits par le compte sont définitivement acquis au syndicat de copropriétaires.

L’arrêt de la Cour de Cassation semble donc aujourd’hui sans conséquence puisqu’il se réfère à des dispositions légales (et en l’occurrence à celles de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965) issues d’une version antérieure qui n’est plus d’actualité.

Si la même affaire devait être jugée aujourd’hui, au regard des dispositions du nouvel article 18, il est donc fort probable que le défaut de l’une de ces obligations serait susceptible d’entraîner la nullité judiciaire du contrat de syndic.

Les conséquences pratiques

Certains syndics vont profiter de cet arrêt pour placer les fonds de ses copropriétés mandantes sur leur compte bancaire global.

La logique est simple : afin d’être en conformité avec les exigences légales, le syndic  ouvre un compte bancaire séparé propre à la copropriété mais continue à bénéficier de la trésorerie de l’immeuble en faisant transiter les fonds sur son propre compte bancaire.

Il faudra donc que le conseil syndical soit vigilant afin de contrôler ce genre de pratique.

Pour cela, il suffira de vérifier sur le relevé bancaire de la copropriété que la date d’enregistrement de l’opération correspond bien à la date de règlement.

Concrètement, si un copropriétaire réalise son règlement d’appels de fonds le 26 mai par virement ou prélèvement par exemple, l’incidence de ce paiement sur le relevé bancaire devra être datée du 27 ou 28 mai.

A défaut, cela signifie que cette somme a transité sur un autre compte qui est sûrement celui du syndic…

 

Un compte bancaire séparé peut perdurer d’un syndic à un autre

Catégories Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
21 décembre 2017 (16-24.587)
Observations

Précision précieuse en matière de compte bancaire séparé en cas de changement de syndic. 

Principe retenu

En cas de changement de syndic, le compte bancaire ouvert par l'ancien syndic peut être repris par le nouveau syndic. 

Analyse de la décision

Bien que la loi du 10 juillet 1965 modifiée par la loi ALUR ait supprimé la possibilité de dérogation de compte bancaire séparé, nous sommes souvent interrogés par nos adhérents pour vérifier la réalité du statut du compte bancaire présenté par le syndic.

En effet, il y a toujours un ou plusieurs éléments qui posent problème : le libellé du compte qui présente le nom du syndic, la présentation d’un numéro d’identifiant créancier SEPA dont le créditeur n’est pas la copropriété mais le syndic, des conditions générales ou particulières ambiguës ne permettant pas d’avoir l’assurance qu’il s’agit d’un vrai compte bancaire séparé où le syndic n’a aucun intérêt sur les fonds mandants.

Autrement dit, si juridiquement la situation a évolué, sur le terrain elle est devenue plus technique sachant que les syndics et leurs banques se sont organisés pour que le compte ait « l’apparence et l’odeur » d’un compte séparé mais n’en ai pas le goût. Le fameux « canada dry ».

Ceci étant, nous avons préconisé une méthode simple à mettre en place, qui fait obstacles aux stratagèmes des syndics et de leurs banques pour présenter de faux comptes bancaires séparés.

I. Une attestation de la banque qui doit confirmer la possibilité de transmission du compte bancaire au syndic repreneur

Afin de garantir que le compte bancaire est bien séparé, il est indispensable d’avoir une attestation de la banque qui confirme que le compte est bien évidemment séparé et surtout qu’il est transférable en cas de changement de syndic. Autrement dit, que le syndic repreneur puisse continuer à gérer le compte et ce peu importe les cabinets successifs qui disposeront du mandat.

Cette confirmation impliquera que le compte n’est pas rattaché au syndic en place mais bien la propriété du syndicat de copropriétaires.

Pour éviter d’écrire ce type de mention dans l’attestation, les syndics avancent un argument qui, à présent, tombe assurément à l’eau.

II. Une obligation de transmission des fonds

L’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit qu’en cas de changement de syndic, ce dernier est tenu de remettre les archives et « la totalité des fonds immédiatement disponibles » de la copropriété.

Par ce biais, il invoque qu’il est tenu de fermer le compte bancaire afin d’être en mesure de remettre au syndic repreneur un chèque du montant du solde du compte.

Par conséquent, il évoque que la banque ne peut pas indiquer dans l’attestation une affirmation qui, légalement parlant, pose problème.

III. Une réponse très claire de la Cour de Cassation

En date du 21 décembre 2017, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui a dû justement traiter une demande de nullité du contrat de syndic au motif que le syndic repreneur n’avait pas ouvert un compte bancaire séparé, en continuant à gérer celui ouvert par son prédécesseur.

La Cour de Cassation n’est pas tombée dans le panneau, elle a considéré que la loi oblige à ce que le syndicat de copropriétaires dispose d’un compte bancaire séparé, ce qui était bien le cas puisque le syndic a pu présenter une attestation de la banque confirmant la situation.

Ainsi, un syndic repreneur est tout à fait habilité à continuer à faire perdurer un compte même si, rappelons-le, le syndicat de copropriétaires est en droit de lui demander de changer d’établissement bancaire.

Conclusion : la banque a le droit d’indiquer dans son attestation que le compte pourra être transmissible au nouveau syndic.

Pour preuve, voici un extrait de l’attestation de la banque Monte Paschi qui présente justement ce type de mention :

COMPTE BANCAIRE

 

Défaut de réparation des parties communes : coresponsabilité du syndic et du syndicat des copropriétaires

Catégories Inexécution ou mauvaise exécution du mandat de syndic / responsabilité du syndic Responsabilité / absence de responsabilité du syndicat des copropriétaires
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
21 décembre 2017 (16-25.753)
Observations

Confirmation de la jurisprudence de la Cour de cassation. 

C'est un arrêt rendu sous l'ancienne rédaction de l'article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965. 

Depuis le 1er juin 2020, une nouvelle rédaction est entrée en vigueur et étend la responsabilité du syndicat des copropriétaires, en ces termes : " le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires"

Principe retenu

Une responsabilité partagée peut être retenue entre le syndicat des copropriétaires informé de la nécessité d'effectuer des travaux et le syndic qui a manqué à son devoir d'information et de conseil. 

Analyse de la décision

Il est fréquent que des parties communes non ou mal entretenues soient à l’origine de divers désordres et en particulier de dégâts des eaux.

C’est ainsi que si le syndic est passif et que l’assemblée générale ne cherche pas à faire exécuter des travaux de rénovation ou réparation, pour le plus souvent limiter les charges, les conséquences peuvent être lourdes.

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 21 décembre 2017 (16-25753), rappelle sa jurisprudence dans ce domaine.

I. La coresponsabilité du syndic et du syndicat peut être retenue dans un sinistre causé par les parties communes et les équipements collectifs

En 2002, dans un immeuble géré par le syndic professionnel, le Cabinet Paul GABET, le plafond du 5ème étage s’effondre, en raison d’une étanchéité commune dégradée, obligeant deux copropriétaires à quitter leur logement.

Diverses actions judiciaires (en référé et au fond) sont alors introduites contre ce syndic regroupant :

  • la demande en réparation engagée par le syndicat des copropriétaires pour couvrir son préjudice (remise en état d’élément de structure de l’immeuble) ;
  • et les demandes individuelles d’indemnisation des deux copropriétaires lésés.

En première instance le T.G.I de Paris condamne l’ancien syndic Paul GABET, qui décide d’interjeter appel.

La Cour d’Appel de Paris dans un arrêt n° 12 - 03418 confirme partiellement le jugement de première instance, dans la mesure où il décide d’un partage de responsabilité entre le syndic et le syndicat des copropriétaires.

Le syndicat des copropriétaires se pourvoit en cassation, et voit son recours écarté :

« Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de limiter la part de responsabilité du syndic à 40 % du préjudice subi ;

Mais attendu qu'ayant relevé… que le syndicat des copropriétaires, qui était nécessairement informé de l'état de la construction dont la conception était en cause, était en mesure de décider des travaux pour remédier au défaut d'étanchéité des étages supérieurs et que le syndic avait manqué à ses obligations d'information et de diligence… , la cour d'appel a pu en déduire que la responsabilité des désordres devait être partagée entre le syndicat des copropriétaires et le syndic .. ; "

Le syndicat des copropriétaires a donc été considéré comme responsable à hauteur de 60%.

Dans ce dossier, les fuites étaient répétitives depuis de nombreuses années sans qu’aucune action n’ait été entreprise ni par le syndic ni par le conseil syndical.

II. Les obligations du syndicat et du syndic en matière de travaux d’entretien des parties communes et des équipements collectifs

L’objet du syndicat des copropriétaires consiste à entretenir les parties communes et les équipements collectifs de la résidence (art. 14 de la loi du 10 juillet 1965).

Il incombe à l’assemblée générale du syndicat de se prononcer sur les travaux de rénovation des parties communes et des installations collectives (art. 17 de la loi du 10 juillet 1965) selon les éléments essentiels (le plus souvent devis) annexés à la convocation (art. 11 alinéa 3 du décret du 17 mars 1967).

Le syndic, qui est chargé de l’administration de l’immeuble (opérations de maintenance, exécution des résolutions de l’assemblée générale), doit informer l’assemblée générale des risques liés à des défauts d’entretien ou des éléments vétustes causant un risque pour la sécurité de la copropriété, et si nécessaire mettre à l’ordre du jour des travaux d’ampleur. C’est pour cette absence de diligence et une information incomplète transmise au syndicat des copropriétaires qu’il a été reconnu responsable à hauteur de 40% des dommages.

La Cour d’appel a considéré que le syndicat était en mesure de prendre des initiatives et de décider de travaux ayant pour objet l’étanchéité des étages.

Le syndicat et son conseil syndical doivent, pour minorer ces contentieux onéreux, contrôler et suppléer aux défaillances du syndic, en faisant établir à défaut les devis de rénovation et en alertant les copropriétaires des conséquences dommageables, en cas de refus injustifié d’adopter en assemblée générale la résolution de travaux appropriée. 

Le recours à un syndic professionnel ne suffit donc pas toujours à assurer une bonne administration de l’immeuble, et préserver le syndicat contre des actions en réparation de copropriétaires lésés par ses carences.

La vigilance du conseil syndical doit rester de mise.

 

Le syndic ne peut pas payer des factures après la fin de son mandat

Catégories Missions du syndic Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
16 octobre 2013 (12-20.881)
Observations

Condamnation du cabinet SERGIC. 

 

Principe retenu

Le syndic dont le mandat a expiré ne peut plus payer les factures

Analyse de la décision

La société SERGIC n’avait pas été renouvelée dans son mandat par une copropriété mécontente (on se demande bien pourquoi...).

Malgré cela, SERGIC avait perçu une indemnité d’assurance après la fin de son mandat (donc hors mandat) et payé des factures d’ailleurs contestées par le syndicat, ceci à hauteur de 1.960,80 €, intégrant des factures d’honoraires.

SERGIC avait donc rendu un chèque au syndicat égal à l’indemnité diminuée des 1.900,80 €.

Un premier juge de proximité avait estimé que :

« La société SERGIC a été contrainte de continuer la gestion des affaires courantes pour le compte de la copropriété au titre de la gestion d’affaires et qu’elle se trouvait d'ailleurs dans la même situation que si elle avait reçu un mandat exprès ».

En gros, selon le juge de proximité : un syndic peut faire ce qu’il veut même s’il n’est plus syndic.

C’est ce jugement qui a été cassé par la Cour de cassation qui précise :

« Vu l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 ensemble l’article 1372 du Code civil ;

Il apparaît qu’en statuant ainsi, alors que le mandat du syndic est exclusif de l’application des règles de la gestion d’affaires, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ; par ces motifs : casse ».

La conséquence - très intéressante pour tous les copropriétaires dont les anciens syndics continuent à faire des règlements, voire à SE faire des règlements - est qu’un syndic dont le mandat est expiré ne peut plus effectuer des paiements (y compris à lui-même). À défaut, il devra rembourser.

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Même si elle est contraire au règlement de copropriété, une décision d’assemblée générale non contestée dans le délai légal devient définitive et doit s’appliquer

Catégories Non-respect du règlement de copropriété Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
16 mars 2017 (15-22.185)
Observations

Principe fondamental du droit de la copropriété, réaffirmé par cet arrêt de la Cour de cassation. 

Principe retenu

Si une décision d'assemblée générale n'est pas contestée, elle s'applique même si elle est contraire au règlement de copropriété. 

Analyse de la décision

Aussi surprenant que cela puisse paraître, une décision d’assemblée générale même irrégulière s’impose aux copropriétaires dès lors qu’elle n’a fait l’objet d’aucune contestation en justice dans les délais impartis, à savoir 2 mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale (article 42, alinéa 2 de la loi de 1965).

De nombreux copropriétaires sont réticents à saisir un juge dans le cadre de litiges liés à la copropriété ou à certaines décisions.

Cette position de la jurisprudence est l’un des principes fondamentaux à connaître en matière de copropriété, pour savoir à quel risque s’exposent les copropriétaires qui laisseraient le délai de 2 mois courir et expirer sans avoir entrepris aucune action judiciaire.

Or, bien souvent, ils peuvent – de bonne foi – penser que de simples discussions ou démarches amiables par courrier (même recommandé) peuvent permettre de remettre en question des décisions votées en assemblée, ce qui n’est pas le cas.

En effet, tant qu’une délibération n’a pas été annulée par un juge, elle doit être exécutée et le syndic est tenu d’en assurer le respect (article 18 de la loi de 1965). Un arrêt de 1987 avait déjà posé ce principe (Cass, 3e civ., 29 avril 1987, n° 85-18656).

L’arrêt de 2017 précise clairement que même contraire au règlement de copropriété, une décision d’assemblée générale non contestée dans le délai imparti doit être exécutée car devenue définitive au terme de ce délai.

Les copropriétaires doivent donc bien prêter attention aux situations où un copropriétaire souhaiterait obtenir une décision d’assemblée en sa faveur (telle qu’une autorisation de travaux ou un droit de jouissance particulier sur une partie commune) alors qu’elle contreviendrait au règlement de copropriété ou à une précédente décision d’assemblée.

Ce pourrait être une prise de risque « payante » pour lui si la résolution est adoptée et devient définitive faute de contestation dans les temps.

Dans cette affaire, l’assemblée générale avait autorisé les copropriétaires à entreposer leurs vélos dans la cour intérieure de l’immeuble, alors que le règlement de copropriété l’interdisait.

Un copropriétaire a donc assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic pour faire retirer tout objet déposé dans la cour et pour obtenir une indemnisation de son préjudice de jouissance.

La Cour d’appel de Versailles a donné droit à sa demande, en se fondant sur les stipulations du règlement de copropriété, qui s’imposait à tous les copropriétaires à partir du moment où elles n’ont pas été annulées ou abrogées. Pour la Cour d’appel, le syndicat et le syndic engageaient leur responsabilité vis-à-vis des copropriétaires dans la mesure où le règlement de copropriété n’avait pas été modifié au préalable et où il devait recevoir application.

L’arrêt d’appel est cassé.

La Cour de cassation considère, en effet, que le copropriétaire ne peut pas agir en responsabilité à l’encontre du syndicat et du syndic, alors qu’il aurait dû, s’il voulait remettre en cause la décision d’assemblée votée, la contester en justice dans le délai légal de 2 mois.

Faute d’action dans ce délai, la décision, même irrégulière, est devenue définitive et s’imposait à tous.

Seul un copropriétaire peut contester une décision d’assemblée générale

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
04 novembre 1977 (76-10.847)
Observations

La Cour de cassation pose sa jurisprudence avec cet arrêt. 

Principe retenu

Seul un copropriétaire opposant ou défaillant peut contester une décision. 

Analyse de la décision

Là encore, nous sommes sur un principe bien établi et depuis longtemps : seul un copropriétaire peut saisir le juge pour contester une décision d’assemblée générale.

Dans le cas où une personne autre qu’un copropriétaire agirait sur ce fondement, le juge déclarerait son action irrecevable et ce motif serait suffisant pour rejeter d’emblée sa demande, sans examen sur le fond de cette demande.

Le principe peut paraître évident mais plusieurs décisions de justice ont dû se prononcer pour le rappeler (Tribunal de Grande instance de Marseille, 27 mai 1977, JCP éd. N 1980, II, n° 72 ; CA de Paris, 14e ch. A, 18 janvier 2006, n° 05/11561 ; Cass., 3e civ., 15 février 2006, n° 05-10471 ; CA de Paris, 14e ch. B, 12 octobre 2007, n° 07/05121).

Par exemple, ne peuvent contester les décisions d’assemblée ni le vendeur d’un lot en ce qui concerne les décisions postérieures à la vente, ni le locataire d’un lot, ni le syndicat des copropriétaires, ni des tiers tels que les promoteurs… ni même le syndic qui souhaiterait contester sa propre révocation !

Une précision importante : seul un copropriétaire « opposant ou défaillant » peut contester une résolution d’assemblée générale. L’opposant est celui qui a voté « contre » une résolution adoptée en assemblée ou bien « pour » une résolution rejetée en assemblée. Le copropriétaire défaillant est celui qui n’était ni présent, ni représenté à l’assemblée.

La jurisprudence a eu l’occasion d’apporter une autre précision, à savoir qu’un copropriétaire ne peut pas solliciter l’annulation d’une assemblée générale dans son intégralité s’il a approuvé certaines de ses décisions. S’il était présent à l’assemblée, il ne pourrait la contester qu’en ayant rejeté intégralement les résolutions, auquel cas il serait considéré effectivement comme « opposant » (Cass., 3e civ., 7 septembre 2011, n° 10-18312 ; Cass., 3e civ., 24 mars 2015, n° 13-28799).

Une décision d'assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
17 décembre 2014 (13-25.134)
Observations

Cette jurisprudence clarifie la définition d'abus de majorité. 

Principe retenu

L'abus de majorité est caractérisé dès lors que la prise de décision est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le sel but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires. 

Analyse de la décision

Selon la formule consacrée, l’assemblée générale des copropriétaires est l’organe souverain en copropriété.

C’est au sein des assemblées que sont prises la plupart des décisions affectant les copropriétaires, hormis les cas de jouissance purement privative des lots et les quelques pouvoirs d’initiative du syndic (travaux urgents, gestion du personnel de la copropriété…).

Si le vote des décisions respecte un principe démocratique de majorité – quoiqu’adapté à la spécificité des copropriétés puisque différentes majorités existent – celui-ci souffre bien souvent de difficultés pratiques, liées parfois à l’absentéisme, parfois également à des situations de blocage.

C’est le cas notamment de la position majoritaire ou influente d’un ou plusieurs copropriétaires qui, par l’importance de leurs lots et donc de leurs voix, peuvent abuser de leur position pour obtenir des décisions uniquement à leur avantage ou bloquer des décisions qui ne leur conviendraient pas.

L’incidence est d’autant plus grande que la copropriété est petite. L’influence d’un copropriétaire peut s’avérer considérable.

D’abord, par souci d’équité, la loi prévoit une réduction des voix en cas de copropriétaire majoritaire : « lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires » (article 22, alinéa 2 de la loi de 1965).

Ceci dit, les décisions les plus courantes sont prises à la majorité simple de l’article 24 de la loi de 1965 (majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés), notamment pour ce qui concerne les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble. Les copropriétaires disposant d’un nombre de voix important peuvent donc facilement influencer les prises de décision surtout en cas d’absentéisme important en assemblée.

De la même manière, ils peuvent bloquer les décisions impliquant une majorité renforcée.

Dans cette affaire, un copropriétaire avait demandé une autorisation en AG afin de faire de son habitation un local professionnel, autorisation refusée par l’assemblée.

La Cour d’appel a annulé la décision dans la mesure où le changement de destination du lot respectait la destination de l’immeuble, le règlement de copropriété et les droits des autres copropriétaires, de sorte que le refus de l’assemblée était abusif.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge que la Cour d’appel, pour pouvoir considérer la délibération comme abusive et l’annuler, devait caractériser l’abus de majorité, qui obéit à certains critères.

Ainsi, une décision d’assemblée est abusive si elle est « contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou avait été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires ».

Autrement dit, ce n’est pas parce que le copropriétaire qui sollicite l’autorisation de l’assemblée a des arguments valables pour l’obtenir qu’il peut faire annuler le refus de sa demande. Tout refus d’autorisation d’une assemblée à un copropriétaire n’est pas en soi abusif.

 

La Cour d’appel ne devait pas rechercher en quoi la demande de ce copropriétaire était justifiée, mais plutôt en quoi l’assemblée avait commis un abus en la rejetant.

 

Pour que le refus constitue un abus de majorité, il faut donc, soit que la décision contrevienne aux intérêts collectifs des copropriétaires, soit qu’elle n’ait eu pour objectif que de privilégier les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires.

 

C’est au copropriétaire demandeur d’en apporter la preuve.

 

Par exemple, la Cour de cassation a déjà jugé que le refus de l’assemblée d’autoriser des travaux sans motif valable, refus qui mettait en péril une partie commune de l’immeuble, constituait un abus de majorité (Cass., 3e civ., 11 janvier 1984, RDI 1984, 450).