Responsabilité du syndic : le quitus ne prive pas un copropriétaire d’exercer une action en responsabilité délictuelle
Observation : S’inscrivant dans le cadre d’une relation contractuelle, le quitus concerne exclusivement les rapports entre le SDC et le syndic et ne saurait donc avoir d’effet envers les tiers.
Ce document exonère certes le syndic de sa responsabilité vis-à-vis du syndicat mais non des fautes délictuelles ou quasi-délictuelles qu’il a pu commettre à l’encontre d’un copropriétaire, pris individuellement, en causant à celui-ci un préjudice personnel.
Le copropriétaire, qui vote en faveur d'une résolution de l'assemblée générale d'un syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s'il n'est pas recevable à demander, en application de l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l'annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d'un préjudice personnel né de sa faute.
En droit de la copropriété, le quitus continue à jouer un rôle important dans la mesure où il emporte reconnaissance que le syndic a régulièrement assumé la gestion d’ensemble de la copropriété.
En effet, ce document entraîne renonciation à rechercher ultérieurement la responsabilité du syndic pour tous les actes dont l’existence a été portée à la connaissance de l’assemblée générale.
Il découle de ce principe la conséquence suivante : Le SDC ne peut donc tenter de se rétracter en cherchant à obtenir la nullité de la décision accordant la décharge de responsabilité de son mandataire puisqu’il n’a pas qualité pour agir au sens de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
La décision commentée envisage de façon originale la situation sous l’angle du copropriétaire ayant voté en faveur du quitus en apportant deux précisions intéressantes :
Le copropriétaire ayant voté en faveur de la résolution d’assemblée générale ayant donné quitus au syndic n’est pas recevable à en demander l’annulation ;
Quel qu’ait été le sens du vote du copropriétaire sur cette résolution, il demeure recevable à rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice né de sa faute.
Rappel des faits de l’affaire jugée :
Un immeuble soumis au statut de la copropriété, présentait de graves désordres de structures imposant son étaiement, a fait l'objet d'un arrêté de péril imminent le 15 octobre 2013.
Un copropriétaire a assigné le syndic en indemnisation de préjudice financier et de jouissance subis jusqu’à l’exécution, en 2018, des travaux de réparation.
Dans un arrêt 12 octobre 2012, la Cour d’appel de Caen a considéré que le quitus donné par l’AG des copropriétaires était dépourvu d’effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis du copropriétaire ayant subi un préjudice personnel.
Il ressort ainsi de la décision des juges du fond que :
En 2010, le syndic a été alerté sur l’urgence de remédier aux infiltrations engendrées par le défaut de jointement de briques et au gondolement d’une poutre de façade mais qu’il n’avait alors pas pris soin de solliciter l’avis d’un architecte ou d’un technicien de structure ;
En 2013, le syndic a fini par saisir un architecte qui, assisté d’un bureau d’études, a préconisé la pose en urgence d’un étaiement sur l’ensemble des niveaux dans le but de stabiliser l’immeuble.
Et que le syndic n’a pas soumis à l’assemblée générale avant le 5 octobre 2016, les travaux nécessaires qui, votés, n’ont cependant été mis en œuvre qu’en 2018.
Le syndic a alors formé un pourvoi.
Quitus et réparation du préjudice personnel d’un copropriétaire :
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a dans son arrêt de rejet du 29 février 2024 considéré que :
Le copropriétaire, qui vote en faveur d'une résolution de l'assemblée générale d'un syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s'il n'est pas recevable à demander, en application de l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l'annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d'un préjudice personnel né de sa faute.
La Cour d’appel de Caen a pu a juste titre déduire que la négligence du syndic à compter de 2010 est à l'origine du retard de la réalisation des travaux et de la pose d’un étaiement qui a du être maintenu du 3 octobre 2013 au 1er octobre 2018", et a ainsi justifié sa décision de condamner le syndic à indemniser le copropriétaire des préjudices financier et de jouissance subis.
En conclusion : Le quitus n’est libératoire de responsabilité contractuelle pour le syndic que si l’assemblée a connaissance des actes de gestion qui n’ont pas été dissimulées. Sa responsabilité peut donc être engagée en dehors de ce que le quitus a approuvé.
Cette pratique est bénéfique puisqu’elle encourage le syndic et les copropriétaires puisqu’elle invite à travailler en toute transparence.