La pose de panneaux publicitaires sur une façade d’une copropriété autorisant l’exercice d’activités commerciales doit être conforme à la destination de l’immeuble
Cet arrêt est particulier dans la mesure où il concerne un immeuble situé dans un secteur architectural protégé.
Même si le règlement de copropriété autorise l'activité commerciale mais interdit la pose d'un panneau publicitaire sur les parties communes, alors il faut se conformer à l'interdiction.
Certaines copropriétés sont situées dans des zones où le patrimoine architectural est protégé. Dès lors, si les copropriétaires veulent faire des travaux relatifs à l’extérieur de l’immeuble, ils doivent au préalable obtenir une autorisation administrative attestant que les travaux ou la pose d’éléments extérieurs ne contreviennent pas à la préservation du patrimoine architectural.
Ainsi, les règlements de copropriétés peuvent fixer des interdictions aux copropriétaires concernant des travaux privatifs qui affecteraient la façade de l’immeuble tel que la pose de volets ou la pose d’enseigne publicitaire pour les locaux commerciaux, et ce, même si la copropriété autorise l’exercice de l’activité commerciale en son sein.
Or, la pose de panneaux publicitaires est un élément primordial pour des commerçants, car elle permet d’informer les potentiels clients de son existence.
La question de la licéité d’une telle clause est alors posée. Par un arrêt rendu le 26 mars 2020 (n° pourvoi 18-22441) la Cour de cassation nous informe, qu’une telle clause n’est pas contraire à la destination de l’immeuble situé dans une zone architecturale protégée, surtout lorsque cette clause ne pose pas une interdiction absolue.
- L’interdiction de pose de panneaux publicitaires sur la façade de l’immeuble est conforme à la destination de l’immeuble situé dans une zone architecturale protégée.
Dans un immeuble soumis au statut de la copropriété situé près des remparts d’Avignon- secteur architectural protégé- des locataires d’un local commercial ont posé des panneaux publicitaires sur la façade de l’immeuble. Le syndicat des copropriétaires les a assignés pour obtenir la dépose des panneaux publicitaires car c’est contraire au règlement de copropriété. Les propriétaires du lot commercial décident d’intervenir à la procédure judiciaire et demande que cette clause du règlement soit déclarée comme étant illicite, afin qu’elle soit supprimée.
En effet, conformément à l’alinéa 2 de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. »
Or, en l’espèce le règlement de copropriété autorise l’exercice des activités commerciales, donc interdire la pose de panneaux publicitaires serait contraire à la destination de l’immeuble car contraire à l’exercice de l’activité. Par conséquent, on pourrait en déduire que cette clause est illicite car étrangère à la destination de l’immeuble. D’autant que la Cour de cassation a posé ce principe par deux arrêts rendus le même jour, le 11 mars 1971.
Pour autant dans cet arrêt, la Cour de cassation considère « qu’ayant retenu que la clause (..) du règlement de copropriété, selon laquelle, « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque » correspondait à la destination de l’immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts d’Avignon (…) celle-ci ne pouvait pas être illicite au motif qu’elle porterait atteinte aux droits des propriétaires ».
Si la Cour de cassation prend la peine de préciser que la situation géographique de l’immeuble, c’est parce que celle-ci est un élément constitutif de la destination de l’immeuble, conformément à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 susmentionné. En conséquence, la clause litigieuse n’est donc pas étrangère à la destination de l’immeuble, elle est tout simplement conforme à la destination de l’immeuble.
- La clause interdit la pose de panneaux publicitaires sur la façade mais pas sur la partie privative du local commercial
La clause litigieuse prévoit « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque. » Les locataires avaient procédé à la pose de panneaux publicitaires et enseignes apposés sur la façade. Ce qui contrevient totalement à ce que prévoit le règlement de copropriété.
Néanmoins, les juges apportent une subtilité très importante concernant la pose de panneaux publicitaires par un locataire commerçant exerçant une activité commerciale autorisée par le règlement de copropriété. En effet, les juges considèrent que cette clause ne « prohibe pas la pose d’enseignes « bandeaux » placée en imposte au-dessus des vitrines puisqu’il s’agit de surfaces privatives et que seules les enseignes lumineuses situées sur une partie commune sont soumises à une interdiction. »
Autrement dit, les juges procèdent à une distinction surprenante : si l’enseigne est sur la façade partie commune alors le règlement de copropriété l’interdit et la dépose de l’enseigne est exigée. Parallèlement, elle entrouvre une porte en indiquant que si c’est au-dessus de la vitrine et que l’enseigne est un bandeau, c’est-à-dire une enseigne appliquée à plat sur la façade du local commercial, alors cette enseigne est installée sur la partie privative du lot commercial. Par conséquent, elle est autorisée car positionnée sur le lot privatif et non sur la façade partie commune.
En conséquence, il faut être très vigilant aux termes utilisés pour la rédaction du règlement de copropriété.
Cette petite échappatoire trouvée par les juges permet de dire que l’interdiction de pose de panneaux publicitaires n’est donc pas générale et absolue et ne porte donc pas atteinte aux droits des copropriétaires, propriétaires d’un lot commercial.
Ainsi, les locataires d’un lot commercial ne peuvent reprocher à la copropriété, la limite dans l’exercice de l’activité commerciale en ne pouvant pas poser de panneaux publicitaires pour informer les potentiels clients de leur existence.
En conclusion, la vigilance est de rigueur pour tous les propriétaires d’un lot commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.