A la suite de l’abus n°4660, concernant la société Matera, nous avons reçu un courrier de son président dans lequel figure en introduction une phrase très intéressante qui est : « Voici 4 ans que nous existons et nous commencions à nous inquiéter à ne pas figurer dans le fameux « Abus de la semaine » qui anime tout le secteur ».
Une affirmation qui ne nous a pas laissée indifférents, a priori cette société aurait des choses à se reprocher qui nous aurait échappé.
C’est après avoir pris connaissance du contrat de ce prestataire que nous avons compris l’étonnement de cette société.
Avant d’analyser son contrat, précisons que l’objectif de l’ARC n’est pas d’entrer dans des débats ou en conflits avec les structures. Nous souhaitons plutôt apporter aux copropriétaires, conseillers syndicaux et syndics bénévoles les alertes et préconisations afin que leur copropriété fonctionne mieux et éviter les abus de certains syndics ou prestataires.
Il est clair que cela n’arrange pas les professionnels ce qui en revanche, nous convient !
I. Un contrat qui « confond les choux et les carottes »
Par l’intermédiaire d’une adhérente, nous avons eu copie du contrat de la société Matera pour une copropriété de 74 lots.
Première donnée intéressante, notre adhérente s’est interrogée sur le fait que le contrat ne respecte pas le contrat-type de syndic tel que défini par le décret du 26 mars 2015.
Et pour cause, elle a tout simplement pensé que la société Matera était un syndic « nouvelle génération ».
Pourtant, il ne faut pas s’y méprendre. La société Matera n’est pas un syndic, mais bien un prestataire de services qui vend une assistance aux syndics bénévoles ou aux syndicats coopératifs.
Ceci étant dit, il est vrai que le contrat de la société Matera est peu clair, voire joue sur des ambiguïtés.
À ce titre, voici la page 3 de son contrat.
La société Matera se compare à un syndic en mettant en exergue ce qui est payé en passant par un syndic professionnel et gratuit chez lui.
D’ailleurs, l’introduction de son tableau « Voici le détail des « petits à côtés » facturés par le syndic, mais inclus chez nous ».
Ainsi, les honoraires de travaux sont facturés chez un syndic de 3 à 5% du montant des travaux, alors que chez lui c’est gratuit.
Plus encore, chez Matera c’est seulement 7 104 € pour la copropriété de 74 lots, alors que chez le syndic sont prévus des honoraires de bases auxquels s’ajoutent des prestations complémentaires.
Mais voilà, la société Matera ne fait pas de la gestion de copropriété ou de suivi de travaux.
Et pour cause, il n’est pas syndic ! Son activité est d’assister les syndics bénévoles ou syndicats coopératifs dans leur mission de gestion de copropriété.
D’ailleurs il est épatant de constater que dans le contrat de prestations proposé par Matera, il n’est jamais évoqué le terme « Syndic bénévole » (ou non professionnel) ni « syndicat coopératif ».
II. Des conditions d’utilisation étranges
Comme tous contrats de prestations, celui de Matera prévoit des conditions d’utilisation avec en cas de non-respect une possibilité pour la société de résilier le contrat.
Dans ces conditions, il est précisé que l’utilisation de la plate-forme implique que le client qui est le syndicat des copropriétaires ainsi que l’ensemble des copropriétaires accepte les conditions générales de vente.
Or, le contrat est signé qu’avec le représentant du syndicat des copropriétaires, lequel ne peut pas prévoir d’obligation à l’égard d’un tiers : les copropriétaires.
Ce point peut paraître anodin, mais dans les faits, il est lourd de conséquences. En effet, en cas de mauvais usage de l’outil par l’un des copropriétaires, la société Matera pourra décider de résilier le contrat, mettant en difficulté la copropriété et plus particulièrement, le syndic bénévole pour une faute qu’il n’a pas commis.
Pus que cela, le contrat reste très flou sur les engagements de la société Matera surtout sur ce que le syndic bénévole ou le syndicat coopératif devra continuer à assurer.
Voici une liste non exhaustive des questions qui restent en suspens :
- Qui rentre l’immeuble en informatique ?
- Qui s’occupe de prendre le contrôle du compte bancaire du Syndicat des Copropriétaires ouvert par le précédent syndic ?
- Qui prévient les fournisseurs du changement de syndic ?
- Qui reprend des exercices comptables non approuvés pour 200 € TTC sans limitation de taille d’immeuble n’est pas raisonnable ?
- Qui passe les écritures comptables (le contrat est très léger sur les obligations de MATERA en la matière) ?
- Est-ce que le Syndicat des Copropriétaires a le choix de son établissement bancaire et quid de la gestion des chèques ?
- Qui rentre les IBAN des fournisseurs et qui déclenche les paiements ?
- Qui fait les rapprochements bancaires (il est suggéré qu’ils se font automatiquement) ?
- Qui envoie matériellement les lettres recommandées des convocations et des procès-verbaux d’assemblée générale ?
- Qui s’assure que le syndic (Président du conseil syndical) soit clairement identifié (le contrat est signé par le Syndicat des Copropriétaires sans mention de son représentant légal) et que la durée des mandats ne soit pas dépassée ?
- Est-ce qu’un processus d’information de tous les copropriétaires est prévu en cas de carence manifeste des membres du conseil syndical ?
- Quid de l’assurance représentation des fonds ?
- Qui remplit les états datés au-delà de l’aspect comptable ?
- Le contrat ne fait aucune mention de l’assurance Responsabilité civile du syndic ?
- Qui passe les ordres de service ?
- Est-ce que les fournisseurs sont payés via la plateforme afin de pouvoir calculer au plus près ces éventuelles commissions. Si c’est le cas, il s’agit clairement du modèle économique caché de MATERA,
- …
Pour résumer, il est essentiel qu’avant de signer le contrat, la copropriété comprenne exactement ce que propose comme service cette société (qui n’est pas syndic) et surtout supprime toutes obligations qui ne dépendent pas du syndicat des copropriétaires.
Affaire à suivre…