L’un des freins à la rénovation, y compris énergétique, des copropriétés est le manque de confiance, pour ne pas dire la méfiance, des copropriétaires à l’égard de leur syndic.
La difficulté est simple à comprendre, le syndic est-il intéressé par la rénovation des copropriétés ou par les honoraires de suivi de travaux qu’il perçoit ?
Il ne s’agit pas d’un procès d’intention, mais d’un véritable dilemme sachant que les syndics sont rémunérés au pourcentage du montant des travaux votés. Certains perçoivent même en toute illégalité une commission de la société retenue, qu’ils justifient en tant qu' "apporteur d’affaires".
Face à cette situation, les conseillers syndicaux sont dans l’obligation d’être vigilants en ayant la certitude, d’une part que les travaux préconisés par le syndic ne sont pas exagérés, d’autre part que la société a bien été choisie pour ses compétences et non pour le versement des rétrocommissions.
Certains syndics affirment que l’époque des rétrocommissions est dépassée et qu’à présent le choix des sociétés ne se fait que sur des critères objectifs.
Pourtant, une société de rénovation énergétique proposant des travaux « à un euro », financés par les certificats d’économie d’énergie (CEE), nous a fait une proposition « d’apporteur d’affaires » expliquant comment elle finançait les syndics qui entreraient dans ce jeu illégal.
I. Une rémunération allant jusqu’à douze euros du mètre linéaire.
Une société se présentant comme une spécialiste de l’efficacité énergétique nous a sollicités pour que nous la recommandions auprès de nos copropriétés adhérentes.
Elle semble apparemment ne pas vraiment nous connaître.
Le principe est simple, grâce à nous elle se fait connaître auprès de nos adhérents pour proposer des calorifugeages à un euro, payés grâce à un dispositif de l’Etat, qui s’intitule « les certificats d’économie d’énergie » (CEE).
En contrepartie, elle nous verse une rémunération de douze euros par mètre linéaire sachant que la moyenne se situe autour de mille mètres linéaires, soit une rétrocommission de douze mille euros par copropriété.
Imaginez ne serait-ce que pour dix copropriétés, cela représenterait en moyenne une commission versée au syndic de 120 000 euros, financée par des dispositifs publics.
C’est exactement ce dispositif qui est proposé aux syndics de copropriété.
Nous avons bien entendu, l’enregistrement audio de cet échange pour le moins choquant, mais plus encore nous avons des aveux écrits, puisque cette société nous a carrément envoyé le contrat d’apporteur d’affaires et surtout en annexe les modalités de rémunération.
Voici un extrait du mail qui nous a été envoyé et qui met en évidence comment est calculée la rétrocommission versée au syndic :
Plus scandaleux, cette société affirme être en capacité de verser directement cette commission sur le compte bancaire du directeur d’agence.
Autant dire que cette commission est totalement opaque, ne permettant ni aux collaborateurs du cabinet ni au conseil syndical d’avoir connaissance de son versement.
II. Un syndic en conflit d’intérêts
Certaines personnes naïves peuvent nous affirmer qu’il n’y a pas de difficultés puisque le syndic récupère une commission sans que cela ait d’impact sur la copropriété.
Expliquons par étape pourquoi cette situation est problématique, mais pire, tout à fait illégale et contraire à la déontologie que doit avoir un syndic professionnel.
Tout d’abord, rappelons que le décret du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 qui règlemente les conditions d’exercice des activités des syndics, précise dans son article 66 :
Le mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination ni de personnes autres que celles qui y sont désignées. |
Un dispositif logique puisque le syndic est le mandataire de la copropriété qui doit être neutre sur les choix des sociétés, en ne les sélectionnant que sur leurs compétences et dans l’intérêt exclusif de ses copropriétés mandantes.
Mais on le sait, pour beaucoup de syndics la loi reste un mythe grec qu’ils utilisent de manière accessoire, uniquement quand elle est dans leur intérêt.
Mais plus encore, avec ce dispositif qui permet de réaliser des travaux à un euro, le syndic n’est pas légalement tenu d’obtenir au préalable l’avis du conseil syndical pour que la société intervienne, puisque le seuil de consultation fixé par l’assemblée générale est rarement aussi bas.
Ainsi, à l’insu du conseil syndical et des copropriétaires, le syndic choisit unilatéralement la société, mettant alors en responsabilité le syndicat des copropriétaires en cas de travaux mal exécutés ou pire, ayant entrainé un dégât ou un préjudice à une personne.
D’ailleurs, nous recevons beaucoup de plaintes de conseillers syndicaux sur la réalisation de travaux de calorifugeage qui présentent de nombreuses imperfections sans que le syndic arrive à exiger de la société leur reprise.
Voilà pourquoi le conseil syndical doit être vigilant sur le choix des sociétés, surtout quand le syndic fait appel à la même entreprise pour l’ensemble de ses copropriétés mandantes.
Le conseil syndical ne devra pas hésiter à interroger le syndic sur les critères de sélection des sociétés intervenantes, et sur la technique utilisée pour réaliser les isolations.
Plus que cela, compte tenu du fait que ces sociétés qui proposent des opérations de rénovation énergétique à un euro sont en mesure de payer grassement les apporteurs d’affaires, le conseil syndical pourra directement négocier avec elles afin qu’elles rétrocèdent ses commissions non pas au syndic, mais à la copropriété.
Il s’agira d’un produit comptable qui viendra en déduction des charges.
PS : Nous gardons au chaud l’enregistrement audio.