ABUS N° 4094 : Quand le syndic et le cabinet d’ingénierie refusent de communiquer au conseil syndical le cahier des charges pour l’appel d’offres préalable à la réalisation de travaux

25/03/2016 Abus Abus

ABUS N° 4094 : Quand le syndic et le cabinet d’ingénierie

refusent de communiquer au

conseil syndical le cahier des charges pour l’appel d’offres préalable à la réalisation de travaux

 

Les immeubles anciens nécessitent régulièrement des travaux de rénovation et quelques fois même des travaux de consolidation.

 

Suite à un affaissement partiel du plancher haut des caves, une petite copropriété de 15 appartements a fait procéder à des travaux d’étayage.

 

I.  Vote d’une étude préalable en assemblée générale

 

Le syndic de cette copropriété, MT HABITAT Paris (75014), a donc proposé à l’assemblée générale de voter pour l’exécution d’une mission d’Ingénierie et de Maitrise d’Œuvre Technique en vue de procéder à un appel d’offres pour la réalisation des travaux de réparation nécessaires et leur suivi.

 

La mission proposée dans le contrat joint à la convocation est « traditionnelle », à savoir :

 

  • effectuer tous relevés géométriques et techniques sur site, toutes études et plans techniques ;
  • rédiger tout document technique et administratif permettant la réalisation d’un appel d’offres et obtenir des devis auprès d’entreprises qualifiées… ;
  • diriger et surveiller, ultérieurement, la réalisation des travaux.

 

L’assemblée générale de novembre 2014 a suivi le syndic en retenant comme prestataire le « cabinet ETMP » pour un montant TTC de 4.235 €.

 

La mission devait être achevée fin septembre 2015.

 

II.  Le Syndic refuse de communiquer cette étude

 

Début septembre 2015, le conseil syndical a sollicité le syndic pour avoir communication de cette étude ainsi que les devis obtenus suite à l’appel d’offres mené par le cabinet ETMP, afin de procéder de son côté à un appel d’offres complémentaire.

 

Le conseil syndical a été très surpris lorsque le syndic a, dans un premier temps, indiqué qu’il ne disposait pas encore de ce document et, dans un second temps, affirmé que celui-ci n’était communicable ni aux copropriétaires, ni au conseil syndical !

 

Voici l’extrait du mail de MT HABITAT reçu par le conseil syndical :

« Nous accusons bonne réception de votre demande, mais ne pouvons y répondre favorablement, car, si vous avez bien lu le contrat du cabinet ETMP (sauf erreur de ma part),  il est bien mentionné que personne n’a le droit d’utiliser son étude, calculs, etc… Faute de quoi la copropriété sera condamnée à payer l’intégralité de sa mission + des dommages et intérêts.

Il n’a jamais été question de mettre en concurrence d’autres entreprises que celle dont il va nous communiquer les offres et pour lesquelles l’assemblée générale va choisir l’une ou l’autre ».

 

En clair, les copropriétaires ont payé pour une étude dont ils ne peuvent avoir connaissance…et que le conseil syndical ne peut utiliser ni même consulter.

 

III. Pas mieux de la part du prestataire, le cabinet ETMP

 

Le conseil syndical s’adresse alors au cabinet ETMP pour obtenir l’étude commandée par la copropriété, qui retourne une réponse claire et lapidaire : « Il vous suffit de lire mon contrat que vous avez dû avoir en copie en son temps, le syndic a tout à fait raison ».

 

Il s’appuie sur un article de son contrat d’ingénierie intitulé :

 

« PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : L’ingénieur… bénéficie de la propriété intellectuelle de ses études et documents et conserve l’intégralité des droits moraux et patrimoniaux de ses études et de ses documents, en rapport avec l’objet de la mission défini dans le présent contrat ; conféré par le code de la propriété intellectuelle nonobstant le paiement des honoraires par le Maître d’Ouvrage. En conséquence de quoi, nul ne peut copier, dupliquer ou utiliser même partiellement, les études, plans ou autres, émanant de l’ingénieur, sans autorisation expresse et écrite de son auteur. Aucune dérogation à la propriété intellectuelle n’est consentie par l’ingénieur et Maître d’œuvre pour des raisons d’assurance et de responsabilité. »

 

Nous reviendrons dans un autre article plus juridique sur la notion de propriété intellectuelle dans un tel contexte.

 

Mais quoiqu’il en soit, on se doute bien que cette étude qui ne porte que sur le sous-sol d’un immeuble, non classé et constituée d’un simple cahier des charges permettant de lancer un appel d’offres auprès d’entreprises (CCTP) :

 

  • ne va pas être vendue, par le conseil syndical, à une autre copropriété (droit patrimonial) ;
  • ne va pas être dénaturée par ce même conseil (droit moral sur son œuvre), d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une œuvre de création…

 

IV. Des devis surestimés ?

 

C’est à la réception de la convocation d’assemblée générale, fixée en mars 2016, que le conseil syndical a constaté que les éléments de l’étude n’étaient pas joints à la convocation, seuls les devis pour la réalisation des travaux, pour un coût avoisinant les 150.000 € !

 

Le conseil syndical a donc aussitôt décidé d’utiliser le descriptif figurant dans ces devis pour consulter d’autres entreprises. Les devis obtenus par le conseil syndical se sont avéré bien largement inférieurs à ceux obtenus par le cabinet ETMP lors de sa consultation.

 

Que doit-on conclure de cette situation ?

 

Un prestataire qui refuse de communiquer les résultats de son travail, un syndic qui le défend, un appel d’offres lancé sans aucune transparence de la part du maître d’œuvre qui aboutit à des devis élevés par rapport au comparatif réalisé par le conseil syndical… Il est tentant de penser que le syndic et le maître d’œuvre pourraient trouver des intérêts à tout cela…

 

V. Conclusion et conseils

 

Ce comportement est inadmissible.

 

Avant toutes études pour des travaux importants, il y a lieu de porter une attention toute particulière aux propositions faites par les professionnels, lire et se faire expliquer les conditions d’une éventuelle « protection intellectuelle » qui pourrait figurer dans les conditions générales des contrats de maîtrise d’œuvre.

 

Second point : l’assemblée générale peut tout à fait voter le montant maximum des travaux, puis par une seconde décision, déléguer au conseil syndical le choix des entreprises avec faculté de renégocier les devis présentés.